Ne touchez pas à la loi 101

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Houda-Pépin se trompe : il n'y a aucune « paix linguistique » à Montréal

Ce jour-là, je rencontrais un groupe de citoyens de la communauté noire anglophone, à Brossard. Nous sommes en septembre 1994 et j’en suis à ma première campagne électorale, à titre de candidate libérale dans le comté de La Pinière.


Première question du public : « Si on vote pour vous, allez-vous vous engager à modifier la loi 101 pour permettre aux enfants d’immigrants d’aller à l’école anglaise ? »


Réponse : « Non. La Charte de la langue française permet déjà aux enfants qui ont des parents scolarisés en anglais au Canada d’aller à l’école anglaise. Pour le reste, nous devons tous respecter la loi. »


Je continue : « Oubliez que je suis une candidate libérale qui vient solliciter votre vote. Je vais vous parler en amie. »


En effet, bien avant mon engagement politique, j’avais milité avec des leaders de la communauté noire contre les manifestations de racisme, notamment quand des policiers de Montréal avaient abattu deux jeunes Noirs, Anthony Griffin, en 1987, et Marcellus François, en 1991.


– « Je vais être honnête avec vous. Non, je ne toucherai pas à la loi 101 et vous inviterai à ne pas le faire. Voici pourquoi. »


La personne qui m’accompagnait tremblait sur sa chaise, elle me griffonne sur un bout de papier « Changez de sujet ». Je poursuis. Elle me glisse à l’oreille : « On perd des votes ! »


À la salle médusée, j’ai rappelé que la première vague de réfugiés noirs nous est arrivée des États-Unis après la révolution américaine de 1775 et que 30 000 esclaves loyalistes sont venus s’installer au Canada, entre 1840 et 1860. D’autres avaient suivi.


Face à ce constat de deux siècles de présence afro-américaine au Canada, j’ai demandé qu’on me nomme, en 1994, une seule personnalité noire anglophone occupant une fonction au gouvernement du Québec parmi nos ministres, nos députés, nos juges ou nos dirigeants d’organismes.


« Vous êtes invisibles dans nos institutions. Ce n’est pas par manque de talents ou de compétences, mais il vous manque une clé, la langue française. Pourquoi voulez-vous priver vos enfants de travailler en français au Québec ? »


Le silence fut rompu par un timide applaudissement, puis un deuxième, puis par une ovation debout. J’avais l’impression d’avoir gagné leur confiance en parlant à leur intelligence, au prix de perdre des votes.


Ils avaient compris que je serais toujours à l’écoute de leurs préoccupations – ce que j’ai toujours fait –, mais à l’intérieur du consensus minimum que nous nous sommes donné, celui du français comme langue commune.


Assouplir la loi 101


Quarante ans après l’adoption de la loi 101, et malgré son affaiblissement par les tribunaux, les deux tiers (64 %) des Anglo-Québécois souhaitent encore son assouplissement, selon le sondage Léger, à la fois comme langue d’enseignement (84 %), comme langue de travail (65 %) et comme langue d’affichage dans les commerces (66 %).


Or, même si nous avons atteint une paix linguistique, il n’en demeure pas moins que le français est toujours vulnérable et doit être renforcé et protégé face à l’acculturation anglo-américaine, au laisser-aller du gouvernement et au mercantilisme de nos institutions d’éducation.


Ce qui n’empêche pas l’apprentissage de l’anglais et des autres langues, bien au contraire. D’ailleurs, l’un des atouts économiques de Montréal réside précisément dans son plurilinguisme.


Il reste donc un dialogue à établir entre les francophones et les anglophones du Québec.


58 % des Anglo-Québécois disent faire des efforts pour s’intéresser aux réalités des francophones. C’est un bon départ.