Miser sur l'Europe

Un accord de coopération économique entre le Canada et l'Union européenne semble plus près du but que jamais

Accord de libre-échange Canada - Union européenne


Un accord ambitieux entre le Canada et l'Union européenne pourrait voir le jour avant la fin de l'année.
L'idée n'est pas nouvelle mais si l'on en croit les propos entendus les 14 et 15 mai au grand colloque organisé par le Forum des politiques publiques qui a réuni à Ottawa près de 200 participants venus d'Europe et d'ici, on serait peut-être plus près du but qu'on ne l'a jamais été. En ligne de mire: un accord de coopération économique qui irait bien au-delà d'un simple accord de libre-échange.
Pourquoi a-t-il fallu attendre si longtemps? Parce que les Européens n'ont jamais manifesté beaucoup d'enthousiasme, voire d'intérêt, pour un accord avec le Canada. Pour eux, la relation transatlantique, c'est la relation avec les États-Unis. Le marché canadien est trop petit et les compétences provinciales trop grandes. Elles rendent la négociation d'un accord difficile et sa mise en application quasi impossible. De son côté, le Canada n'a pas toujours poursuivi ses objectifs en Europe avec une détermination exemplaire. Toujours sensible aux pressions de ceux qui veulent privilégier la relation avec les États-Unis, souvent refroidi par l'indifférence ou la condescendance des leaders Européens, le Canada est aussi prisonnier de son attachement au système multilatéral de négociations commerciales. Des projets d'accord avec l'Europe ont souvent été, avec plus ou moins de mauvaise foi, immolés sur l'autel de l'OMC.
Comment une idée qui, hier encore, semblait impossible a-t-elle pu devenir tout à coup un objectif à portée de main? D'abord, le contexte international a changé. Les négociations de l'OMC s'en vont nulle part. Le principe d'un système international fondé sur le respect de règles communes semble même parfois menacé. Les pays émergents imposent à tout le monde une concurrence très vive et leurs besoins en matières premières et en énergie font exploser les prix. Tous ces problèmes auxquels s'ajoute le problème du vieillissement rapide de leur population incitent les pays occidentaux à serrer les rangs.
Puis, dans le dossier Canada-Union européenne, un nouveau leadership politique s'exerce. Du côté européen, la chancelière allemande, Angela Merkel, a profité de sa présidence de l'Union pour lancer l'idée d'un partenariat économique plus poussé avec le Canada. Le président français, Nicolas Sarkozy, veut profiter à son tour de sa présidence de l'Union pour donner une suite concrète à cette idée. Du côté canadien, c'est le premier ministre Jean Charest qui, depuis quelque temps, a repris le flambeau et s'est investi dans la promotion d'un accord avec l'Europe.
À la lumière de ce que nous avons déjà dit sur la perception des Européens du fonctionnement de notre système fédéral, le fait que ce soit le premier ministre d'une province qui soit en première ligne est plutôt de nature à les encourager et à les rassurer sur la mise en oeuvre d'un éventuel accord. L'appui du gouvernement fédéral est solide si on en juge par les propos du ministre du Commerce extérieur, David Emerson, au colloque de la semaine dernière. Quant au premier ministre Stephen Harper, il était aux côtés d'Angela Merkel, en juin 2007, pour lancer l'idée et il sera aux côtés de Nicolas Sarkozy pour la concrétiser, lors du Sommet Canada-Union européenne qui aura lieu cet automne à Montréal.
Enfin, ce qui est nouveau aussi, c'est la convergence d'intérêts. Pour le Canada, un accord avec l'Europe est devenu plus intéressant parce que notre commerce avec les États-Unis est en baisse, et que les perspectives d'avenir de ce côté-là ne sont pas très encourageantes. Un accord avec l'Europe permettrait certes d'éliminer les barrières tarifaires et non tarifaires qui existent encore et qui gênent sérieusement certains secteurs de notre économie, mais il permettrait surtout de renforcer notre coopération scientifique et technologique avec l'Europe et d'accroître ainsi nos capacités en matière d'innovation, clé de notre avenir. On peut espérer qu'un accord avec l'Europe aurait sur nos capacités d'innovation l'impact que l'ALENA a eu, au moins pendant un temps, sur notre niveau de productivité.
L'Europe table elle aussi sur des dividendes au chapitre de l'innovation, mais deux autres choses sont au coeur de l'intérêt soudain qu'elle nous porte: l'espoir d'un accès plus large à nos ressources naturelles en général et à nos ressources énergétiques en particulier (celles qui sont déjà connues et celles que renferme sans doute le Grand Nord canadien) et l'espoir qu'un accord avec le Canada facilite un accord avec les États-Unis, ou même avec l'ALENA puisqu'un accord UE-Mexique a déjà été signé. La motivation "transatlantique" d'une Angela Merkel ou d'un Nicolas Sarkozy ne fait aucun doute.
Force est de reconnaître qu'elle est plutôt courte la liste des pays qui sont technologiquement avancés et environnementalement responsables, qui croient au respect des règles et avec lesquels une plus grande mobilité de la main d'oeuvre n'aurait que des avantages. Dans ces conditions, miser sur l'Europe est, à tous égards, un pari éclairé.
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Bernard-Meunier, Marie
Diplomate de carrière, l'auteure a été ambassadrice du Canada à l'UNESCO, aux Pays-Bas et en Allemagne. Elle vit maintenant à Montréal et siège au conseil d'administration du CERIUM (m.bernard-meunier@cerium.ca).

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