Québec -- La ministre des Finances du Québec, Monique Jérôme-Forget, a présenté hier une mise à jour économique qui viole l'esprit de la loi sur l'équilibre budgétaire. C'est ce qu'a affirmé le vérificateur général, Renaud Lachance, en fin d'après-midi, hier.
La ministre a en effet soutenu dans sa mise à jour qu'elle disposait d'une réserve de 2,3 milliards de dollars afin de contrer les effets de la crise financière. M. Lachance a expliqué que, pour ce faire, le gouvernement s'est «inspiré» du projet de loi 85. Celui-ci établit que l'on remet artificiellement à zéro le compteur du déficit budgétaire en date du 1er avril 2006. Déposé le 13 juin dernier, ce projet n'a toutefois pas été adopté.
«Le projet de loi n'ayant pas été adopté à l'Assemblée nationale, a déclaré M. Lachance hier, moi j'ai refait le calcul avec la loi sur l'équilibre budgétaire qui existe et puis, ce calcul-là, au 31 mars 2007, aurait donné un déficit cumulé de 5,8 milliards.» Par conséquent, l'évaluation du gouvernement, qui fait comme si la loi 85 était en vigueur, ne respecte «pas l'esprit de la loi» actuelle, a affirmé M. Lachance.
Marchant sur des oeufs, M. Lachance a aussi refusé «d'infirmer ou de confirmer» les chiffres préliminaires déposés par la ministre, selon lesquels l'État aurait dégagé un excédent de 1,65 milliard de dollars en 2007-2008. M. Lachance a soutenu qu'il pourrait le faire uniquement si les états financiers avaient été dûment déposés à l'Assemblée nationale, de qui il relève et à qui il doit rendre des comptes. Or, ce dépôt n'a pas été fait.
L'année dernière, a souligné M. Lachance, les états financiers avaient été déposés en octobre. L'Assemblée nationale étant dissoute aujourd'hui à 9h45, les états financiers ne pourront donc pas être déposés avant la campagne électorale et le vérificateur ne pourra donc pas les commenter ni rendre son rapport public. Ce dernier est terminé, a-t-il confirmé hier.
Lorsqu'un journaliste a demandé au vérificateur s'il aurait été opportun pour «l'intérêt public» qu'il dépose son rapport, M. Lachance a répondu: «La tradition veut que je fasse des commentaires lorsque le gouvernement décide de les déposer à l'Assemblée nationale. C'est sa décision à lui, le moment du dépôt. Il ne me revient pas à moi de faire des commentaires sur des chiffres qui ne sont pas déposés devant l'Assemblée nationale.»
Le critique péquiste en matière de Finances, François Legault, a demandé en vain hier à la ministre des Finances de «déposer rapidement -- étant donné qu'il y a une campagne électorale qui va être lancée [...]-- les états financiers au 31 mars 2008, pour voir si oui ou non il y a une réserve de 2,3 milliards de dollars». M. Legault estime qu'il y a plutôt un déficit de trois milliards de dollars. Il soutient qu'empêcher que ce fait devienne public est «une des raisons pour le gouvernement Charest d'aller en élections».
D'accord avec le principe du projet de loi 85 qui remet le compteur des déficits à zéro, l'adéquiste Gilles Taillon a du reste qualifié de «fictive» la réserve de Mme Jérôme-Forget.
En chambre, le chef adéquiste, Mario Dumont, a lancé que le premier ministre voulait «faire une campagne électorale en hiver parce que la neige, ça cache tout? Mais les Québécois savent qu'à la fonte des neiges, c'est les mauvaises nouvelles qui vont leur arriver». À ses yeux, déclencher des élections alors que la crise menace est «aussi irresponsable que si Lucien Bouchard avait eu l'idée de partir en campagne électorale en plein coeur de la crise du verglas».
«Sacoche à double fond»
Monique Jérôme-Forget soutient, elle, que le Québec tirera son épingle du jeu. Grâce notamment au surplus supplémentaire (par rapport à celui prévu dans le budget) de 484 millions pour l'exercice 2007-2008. Ce «double fond de la sacoche de la présidente du Conseil du trésor», selon la métaphore de la ministre, provient en grande partie de bénéfices supplémentaires d'Hydro-Québec.
Faisant comme si le projet de loi 85 avait été adopté, Mme Jérôme-Forget a additionné cette somme à une réserve théorique de 1,8 milliard inscrite dans son dernier budget. La ministre des Finances soutient par conséquent qu'elle a constitué une réserve de 2,3 milliards qui lui permet de parer à la diminution des revenus de l'État causée par le ralentissement économique cette année et l'année prochaine. Elle soutient pouvoir même financer quelques mesures pour soutenir le pouvoir d'achat de la population et aider les entreprises à obtenir du crédit.
Demain, le premier ministre Jean Charest lancera sa campagne en dévoilant, dans deux discours devant les chambres de commerce de Québec et de Montréal, un «plan d'action économique» constitué de mesures pour stimuler la croissance. En marge de la conférence de presse, on a signalé au Devoir que ce plan ne serait pas très onéreux et qu'il n'aurait pas d'incidences budgétaires importantes.
La réserve virtuelle de 2,3 milliards sera complètement épuisée à la fin de l'exercice 2009-2010, a souligné la ministre, qui s'attend à une reprise en 2010, comme le veut un consensus parmi les économistes. Les revenus du gouvernement chuteront de 543 millions l'an prochain par rapport aux prévisions. Quant aux dépenses, elles se situent à 0,2 % des objectifs du Conseil du trésor, soit 4,4 % en 2008-2009 et 3,2 % en 2009-2010. Si l'on ne tient pas compte des observations du vérificateur général, le gouvernement soutient que le Québec évitera les déficits cette année et l'an prochain.
La diminution prévue des revenus de l'État découle des nouvelles prévisions de croissance au Québec qui ont été revues à la baisse à 0,8 % en 2008 et à 0,6 % en 2009, contre une croissance de 1,5 % et de 2 % respectivement inscrite dans le dernier budget de Mme Jérôme-Forget. Le ministère s'appuie sur une prévision de croissance nulle aux États-Unis l'an prochain. Malgré tout, selon ce scénario, le Québec évite de sombrer dans la récession.
En se basant sur les surplus dégagés en 2007-2008, la ministre a annoncé des mesures qui entreront en vigueur le 1er janvier prochain. Elles totalisent 331 millions pour l'exercice 2009-2010, un montant qui souffre toutefois d'une forme d'inflation électorale. Ainsi, Mme Jérôme-Forget calcule une hausse de 1,58 % à 2,36 % du taux d'indexation des tables d'impôt, soit une somme de 136 millions. Il s'agit cependant d'un engagement annoncé par le gouvernement. Le taux d'inflation est simplement plus élevé que prévu.
On inclut également la pleine indexation des prestations d'aide sociale pour ceux qui présentent des contraintes à l'emploi, autre engagement ancien. Les bénéficiaires aptes au travail recevront la pleine indexation plutôt qu'une demi-indexation comme c'est le cas maintenant, ce qui est nouveau.
La ministre a annoncé également le devancement de la hausse de 1500 $ à 2000 $ du crédit d'impôt pour les revenus de retraite, ce qui représente 24 millions, et un report d'un an des remboursements à un Régime d'accession à la propriété (RAP), soit une dépense de 11 millions.
Pour les entreprises, la mise à jour prévoit un financement supplémentaire de un milliard sous forme de prêts ou de garanties de prêts administrés par Investissement Québec. Cela correspond à une provision de l'ordre de 82 millions pour l'an prochain.
Mise à jour économique - Québec viole l'esprit de la loi, dit le vérificateur
Jérôme-Forget affirme disposer d'une réserve de 2,3 milliards
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