Michael Sabia a un «engagement fondamental» envers le Québec

L'affaire de la CDP - quel mandat? Québec inc.?



(Montréal) Piqué au vif sur la question de son attachement au Québec, Michael Sabia a fait un plaidoyer émotif sur sa décision d'accepter de prendre la barre de la Caisse de dépôt et placement en cette période difficile.
Durant quatre heures d'échanges devant la Commission des finances publiques sur l'avenir de la Caisse, le député péquiste de Nicolet, Jean Martin Aussant, a mis en doute l'attachement de M. Sabia au Québec et à son développement économique. Alors à la tête de BCE, M. Sabia avait appuyé une prise de contrôle par un fonds ontarien, il «a tenté de vendre à Toronto, un fleuron» parmi les entreprises québécoises, a lancé le député péquiste.
Clairement meurtri, Michael Sabia a tout de suite amené le débat au niveau identitaire, rappelant d'abord qu'il avait été l'instigateur de la construction du nouveau siège social de BCE, un édifice de 250 millions à L'Île-des-Soeurs.
On est venu le chercher pour diriger la Caisse: «Je n'ai jamais cherché cet emploi», a-t-il insisté.
«J'ai un engagement fondamental envers le Québec, une compréhension des défis du Québec. J'ai eu des offres en Europe, en Asie, aux États-Unis. J'ai décidé de demeurer ici pour essayer de rendre service...» a lancé M. Sabia, dont la nomination, il y a six semaines avait été reçue froidement par certains ténors du Québec inc.
Devant la commission parlementaire, dans un français parfois laborieux, il a défendu ses origines «allophones» et rappelé «qu'il y a presque 100 ans (son) grand-père est arrivé ici, à Montréal, d'Italie, avec rien... rien dans les mains». Il s'est établi ici parce qu'il était convaincu que le Québec était une société ouverte. «Et j'ai grandi avec ces idées», a martelé M. Sabia.
Plus tard, en point de presse, il a qualifié de «ridicule» la sortie d'un Jacques Parizeau qui le décrivait comme l'émissaire du Conseil privé fédéral dans l'économie québécoise - M. Sabia a été haut fonctionnaire dans le gouvernement Mulroney.
Changements annoncés
Pendant quatre heures à l'Assemblée nationale, évitant soigneusement d'attaquer l'administration de ses prédécesseurs, M. Sabia a indiqué que plusieurs changements fondamentaux seront bientôt apportés à la gestion de l'organisme qui gère le bas de laine collectif des Québécois, plus de 120 milliards. Avec la tempête financière de l'an dernier, «le monde a changé complètement en 2008. À cause de cela, la Caisse doit changer aussi», a résumé M. Sabia en fin de journée.
Aux questions pressantes du critique péquiste aux Finances, François Legault, il a indiqué qu'il comptait revoir le principe de «levier», qui fait que la Caisse puisse emprunter pour maximiser ses rendements.
Dans cette réévaluation de pratiques aussi fondamentales pour M. Sabia, il s'agit de vérifier si le fait d'emprunter pour investir n'accroît pas exagérément le niveau de risque, a-t-il fait valoir. La Caisse avait emprunté plus que d'autres caisses de retraite pour investir davantage, elle l'avait fait notamment pour acheter 13 milliards de papiers commerciaux, une stratégie qui s'est avérée catastrophique.
«Le défi est d'utiliser ces leviers de façon plus efficace et plus prudente», a dit M. Sabia.
Trop éparpillée?
Selon François Legault, il faut se demander aussi si la Caisse ne s'est pas trop «éparpillée» avec des investissements importants à l'étranger, au Royaume-Uni, au Brésil et en Espagne, par exemple. Les études démontrent que les caisses de retraite font leurs meilleurs rendements dans les investissements dans des sociétés à moins de 100 kilomètres, a-t-il fait valoir. Les 2 milliards injectés par la Caisse dans les aéroports de Londres ne valent plus rien, a-t-il relevé.
Pour lui, la Caisse n'a pas suffisamment investi dans plusieurs sociétés québécoises, en dépit de son mandat originel institué dans les années 60. De plus, elle a réalisé ses meilleurs résultats dans les actions canadiennes. Partout ailleurs, elle a été battue par les indices, sur les cinq dernières années.
M. Legault considère que le gouvernement a dénaturé l'objectif d'origine de la Caisse en faisant passer le rendement en priorité, aux dépens du développement économique du Québec.
«Je suis catholique, mais pas jésuite», a répliqué M. Sabia à M. Legault, qui faisait l'exégèse des discours de Jean Lesage dans les années 60. Plus tard, en point de presse, M. Sabia a insisté: le développement économique du Québec et la maximisation des rendements sont deux objectifs compatibles.
Selon le président de la Caisse, il faudrait injecter jusqu'à 30 milliards pour qu'elle ait une position suffisante pour influencer les entreprises qui ont leur siège social au Québec, mais cette décision serait contraire à la diversification des investissements, primordiale à ses yeux.
Le président du Conseil de la Caisse, Robert Tessier, a souligné qu'il sentirait le besoin d'informer plus précisément le gouvernement - le ministre des Finances - si une tempête boursière s'abattait comme l'an dernier.
En revanche, le ministre Raymond Bachand reste opposé à l'idée que la Caisse ait à rendre des comptes plusieurs fois par année, et refuse que le gouvernement ait le mandat d'approuver la politique de rémunération de ses dirigeants. L'indépendance de l'organisme est un élément important pour les firmes qui évaluent le travail de la Caisse, a expliqué le ministre.


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