Alliance entre magistrature et Église catholique

Messe rouge

La tradition est toujours vivante

Laïcité — débat québécois

texte de Daniel Drouin
paru dans le no.17 de la revue Cité Laïque du Mouvement laïque québécois
***
Connue d’abord sous le nom de messe
du Saint-Esprit, dont l’origine
remonte à la France du milieu du 13e
siècle, la Messe rouge fut rebaptisée
en raison des somptueux habits rouges
qu’y portaient les présidents, conseillers
et procureurs du régime monarchiste.
Elle s’est répandue en Angleterre, en
Écosse, en Irlande, en Australie, aux
États-Unis d’Amérique et au Canada.
Abolie en France lors de la Révolution
de 1789, elle fut rétablie avec la Restauration
de 1815. Après une pause de
quelques années, elle réapparut en 1849
sous la présidence de Louis-Napoléon
Bonaparte. En 1906, le Parlement de la
République désapprouva cette cérémonie
au motif qu’elle contrevenait à la
liberté de conscience.
De nos jours, la célébration la mieux
connue de cette messe se déroule annuellement
à Washington D.C., au
début du mois d’octobre, afi n de souligner
la nouvelle session des travaux
de la Cour suprême des États-Unis. Y
assistent habituellement les juges de
cette Cour, des membres du Congrès,
le Cabinet, des diplomates et, à l’occasion,
le Président américain.
Peu connue en dehors de certains cercles
de juristes, la Messe rouge est annuellement
reprise au Québec, à Montréal
et dans plusieurs villes du Canada,
à l’invitation du Barreau.
Vigilance
Le Québec moderne et pluraliste ne
peut tolérer un tel acoquinement entre
le pouvoir judiciaire et l’Église catholique romaine. Comme celle-ci est
impliquée dans de très nombreux litiges
— prêtres pédophiles, agressions
sexuelles, camouflages de scandales
— avec des citoyens ou groupes de
citoyens, il est capital que ces affaires
soient jugées dans le plus grand respect
des lois civiles et criminelles qui régissent
tous les citoyens, sans exception,
et que tous les juges doivent appliquer.
On comprendra que les justiciables
puissent être méfiants à l’égard d’une
magistrature qui entretient de tels rapports
avec l’Église. Cette dérogation à
la règle d’indépendance de la magistrature
pourra même mener à des demandes
de récusation de juges ayant assisté
à la Messe rouge.
Primauté du droit
La tenue de cet événement n’a rien
d’étonnant. Les magistrats sont les interprètes
des lois et, notamment, de la
Charte canadienne des droits et libertés
qui, dans son préambule, proclame la
suprématie de Dieu devant la primauté
du droit. Alors, comment se surprendre
que la magistrature québécoise se compromette
ainsi avec les plus hautes autorités
de l’Église catholique romaine ?
Les adversaires de la laïcité prétendent
que le Québec est pleinement laïque. La
Messe rouge contredit de façon éloquente
cette prétention et nous rappelle combien
notre combat pour la séparation de l’État
et des religions est toujours nécessaire.
La laïcité doit garantir la neutralité de
chacune des branches de l’État. À titre
d’exemples, la neutralité de l’appareil législatif
passe par le retrait du crucifix de
l’Assemblée nationale, celle de l’appareil
gouvernemental exige l’interdiction de
signes religieux dans la fonction publique,
et celle du pouvoir judiciaire requiert
impérativement l’abolition de la Messe
rouge.
Le projet de loi proposé par le MLQ
permettrait d’enchâsser
la laïcité dans la Charte québécoise
des droits et libertés, et d’y affirmer notamment que « nul ne peut
porter atteinte au caractère de neutralité
de l’État, de ses institutions et des services
publics ».


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