Drôle d’idée que cette privatisation, même partielle, de sociétés d’État. Il n’est jamais souhaitable pour un État de vendre des éléments d’actif stratégiques dans un contexte de prix défavorable. De se priver, aussi, d’un dividende annuel régulier, alors que le coût de la dette demeure à des niveaux historiquement bas. Y a-t-il urgence à la grecque ?
Procéder à une privatisation, même partielle, des sociétés d’État à vocation commerciale pour combler un trou budgétaire est rarement optimal. Et dans le cas d’Hydro-Québec, l’opération consisterait tout simplement à brader un actif de première qualité dans un environnement dominé par la faiblesse des cours énergétiques hors pétrole et par la présence d’importants surplus d’électricité. Surtout, une telle vente d’actif, même partielle, se voudrait une transaction ponctuelle. Elle ne réglerait en rien la situation déficitaire du Québec, qui traduit un problème structurel et récurrent. Et qui s’inscrit dans un contexte de dépenses augmentant plus rapidement que les revenus, ce déséquilibre étant amplifié par l’absence d’inflation.
D’un point de vue strictement comptable ou financier, la privatisation partielle d’Hydro-Québec et celle de la SAQ trouvent difficilement une justification. Si l’on retient la proposition d’une privatisation partielle équivalant à 10 % du capital pour éviter d’autres contraintes fiscales, l’actif vendu ne viendra réduire que marginalement la dette publique que l’État finance sur les marchés à un taux historiquement bas de moins de 4 %, en moyenne. Dans la colonne des revenus, le gouvernement se priverait d’un dividende annuel aussi important que régulier. L’an dernier, le dividende d’Hydro a été de 2,2 milliards et celui de la SAQ, de quelque 1 milliard. Si l’on y applique le pourcentage, on parle d’un dividende atteignant 320 millions, appelé à croître au fil des ans, qui serait refilé à une autre partie prenante, probablement en franchise d’impôt.
Certains analystes ont tenté d’accoler une valeur marchande à Hydro et à la SAQ. Yvan Allaire, président exécutif de l’Institut sur la gouvernance des organisations publiques et privées, a estimé la valeur marchande de l’avoir des actionnaires d’Hydro à 30 milliards et celle de la SAQ, à 20 milliards. En vendant 10 %, le gouvernement obtiendrait 5 milliards. Il perdrait ainsi un rendement de 6,5 % pour sauver un taux d’intérêt de moins de 4 %. Pourquoi brader un actif de qualité, dans une conjoncture défavorable à une telle vente, alors que le Québec jouit (encore) d’une bonne cote et qu’il peut emprunter à moindre coût ?
Certes, un endettement élevé accroît la sensibilité des finances publiques québécoises à une hausse du loyer de l’argent, ce qui ajoute à l’importance de retrouver rapidement l’équilibre budgétaire. Mais pour l’heure, s’il y a urgence, elle se situe ailleurs.
Vente au rabais
Quant aux facteurs plus qualitatifs, en ouvrant le capital au privé, le gouvernement perd en souplesse et en flexibilité. Ses responsabilités fiduciaires s’étendraient à la sauvegarde des intérêts d’une partie prenante autre, même confinée dans un rôle d’actionnaire minoritaire. Il ne pourrait plus se servir d’Hydro comme d’un levier soutenant ses politiques de développement économique et régional. La tarification serait également soumise à des pressions haussières avec, à la clé, l’élimination des tarifs préférentiels et protégés. En donnant dans la caricature, on peut imaginer pour la SAQ que la marge de manoeuvre en matière de taxation sous un monopole d’État deviendrait, ici aussi, plus limitée ou subordonnée aux intérêts privés. Réserver les actions aux Québécois ne changerait rien, l’expérience des privatisations de sociétés d’État dans le passé indique que les diktats du court terme et de la maximisation des profits prennent rapidement le dessus.
Parmi ceux qui vantent les mérites d’une privatisation, même partielle, on retient cette pression que l’actionnaire privé exercerait alors sur la façon de faire des sociétés d’État concernées, leur imposant la recherche de gains d’efficacité, une discipline en matière de coûts et des choix d’affaires plus près de leur rationalité économique. Pour Hydro, ils voient la fin de ce chantage pratiqué par les grandes entreprises énergivores. Ils anticipent pour les particuliers la fin des tarifs protégés, au prix d’un crédit d’impôt compensatoire pour les plus faibles revenus.
Si ce changement de culture est souhaité, justifie-t-il pour autant une vente au rabais ?
PERSPECTIVES
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