Mathieu Bock-Côté est à côté de la coche

Tribune libre

Ainsi, pour MBC, la mystique felquiste est à condamner en raison de la violence, inacceptable en société libérale démocratique. Selon lui, la démocratie libérale repose sur un noble pari : la censure philosophique de la violence politique. Quelle merveille ! Quelle grandeur que la démocratie libérale ! Le monde pourrait et devrait être changé par la délibération politique. Amen, Alléluia!
Examinons à quel genre de délibération politique ont été exposés les Québécois en octobre 1970. Les droits et libertés démocratiques sont supprimés, la police arrête arbitrairement près de 500 personnes, et au final, personne ne sera condamné, une poignée seulement fut inculpée. Le prétexte ? Une insurrection appréhendée, rien de moins. Il y avait à Montréal des manifestations qui tournaient à la violence, deux personnes étaient kidnappées, tout ça est vrai, mais une insurrection appréhendée ? En passant, les manifestations n’avaient rien de la participation de la plupart de celles de l’an dernier. Ce fut un beau prétexte pour tenter de décapiter le mouvement indépendantiste et le parti qui osait s’opposer au maire Drapeau. Le maire fut réélu à l’unanimité du Conseil municipal, et le PQ est sorti de cette crise plus amoché qu’on le croit généralement.
Mais j’aimerais bien comprendre comment MBC concilie ces tristes événements avec la nécessité de suspendre sa belle démocratie libérale. On passe de la mystique felquiste à la mystique libérale, sinon à une mystification. Rien, absolument rien ne justifiait la suppression des libertés individuelles, sinon les calculs politiques retors des Trudeau, Bourassa et Drapeau. Personne n’a jamais fait la preuve d’une insurrection appréhendée. Au Canada, la démocratie libérale est incompatible avec l’idée d’indépendance du Québec. Refuser d’en prendre acte procède du rêve et aboutit au cauchemar.
Je crois toutefois que ces événements ont ébranlé René Lévesque. Toute la démarche référendaire, cette multiplication de référendums (il nous en aurait fallu au moins deux pour devenir indépendants), le bon gouvernement au lieu de l’indépendance, tout ce qu'on a appelé l'étapisme, furent introduits après la crise d’octobre. J’ai toujours cru que René Lévesque aurait accepté les pleins pouvoirs en matières culturelle (Éducation, culture et sports) et sociale (Santé, famille et sécurité sociale) pour renoncer au projet d’indépendance. L’indépendance lui faisait peur, et après octobre 1970, les indépendantistes aussi, peut-être davantage. Il a donc multiplié les obstacles à l’accession à l’indépendance, et s’est employé à remplacer le militantisme de base par des stratégies étatistes à la sauce Claude Morin. Je crois que la source de ces changements de cap a son origine en bonne partie dans la crise d’octobre et dans ce qu’en a tiré René Lévesque comme leçon, consciemment ou non. Le PQ est encore empêtré dans certaines de ces décisions, tout comme le mouvement indépendantiste.
Mais à la différence de Bock-Côté, je ne crois pas que l’absence du FLQ de la scène politique aurait permis l’indépendance. L’amateurisme des felquistes, leur nombre restreint, et surtout l’infiltration du mouvement par les corps policiers de tout acabit condamnaient leurs actions, et, pire encore, les mettaient au service des ennemis de la cause qui en ont bien profité.
Mais aller croire que sans eux, la délibération politique nous aurait conduits à l’indépendance procède du rêve et, je le répète, d’une mystification dangereuse. Le comportement des forces du non en 80 et 95 devrait donner à réfléchir à ce cher Mathieu. Il y a des limites à la délibération politique, et la libération d’un peuple est, au Canada du moins, bien au-delà de ces limites. Il va nous falloir être bien plus revendicateurs et beaucoup plus unis si nous voulons vraiment notre indépendance. Et même si nous refusons la violence, nous devrons apprendre à la supporter. Gandhi et ses partisans étaient non violents, ça n’a pas empêché les Anglais de les tabasser, et parfois d’en tuer. Idem en Irlande, où la naissance de la république irlandaise s’est faite dans la douleur. Je donne à dessein des exemples récents, impliquant les inventeurs de la démocratie libérale, si chère au cœur du noble Mathieu Bock-Côté. C’est à des démocrates de cet acabit que nous avons affaire, il ne faut pas l’oublier.
Louis Champagne


Laissez un commentaire



3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    25 mars 2013

    La sphère médiatique est passée complètement à côté de la plaque sur un aspect majeur de l'affaire en cette mini crise d'octobre 2.
    On a eu droit au:
    -décès du felquiste
    -ceux qui lui ont trouvé des vertues
    -les chasseurs du deuxième groupe
    Rien ou presque, sur les 500 personnes emprisonnées pour rien.
    Dommage, les plus jeunes et les nouveaux auraient dû être mieux informés.
    On a demandé aux indépendantistes de condamner la violence la main sur la bible. Mais les fédéralistes n'ont pas été soumis au même exercice quant aux emprisonnements injustes du pouvoir fédéral.

  • Archives de Vigile Répondre

    24 mars 2013

    Il est vrai que MBC peut être lourd et difficile à suivre parfois. Il est nécessaire dans tout ce débat pour l'indépendance du Québec de rester accessible dans les communications, informations pour la compréhension du plus grand nombre. Si ça prend un bacc. en socio. ou en philo. pour suivre les gens qui eux pensent nous nourrir mais plutôt que ce sont eux qui se gavent de leur propre compréhension d'un Pays du Québec, nous ne sommes pas plus avancé.

  • André Vincent Répondre

    24 mars 2013


    Ce cher Mathieu, il se parle à lui-même depuis le début. Et je suppose qu'il s'intéresse.
    C'est là l'un des travers de la plupart de nos chroniqueurs.
    AVe