Martine Ouellet tourne la page sur une dure année

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Si le Bloc veut décoller dans les sondages, il doit se départir de son progressisme naïf et se faire le défenseur de la nation

 Après avoir accueilli une nouvelle chef en mars, survécu à une quasi-mutinerie au sein de ses troupes en juin et fait face à une défaite crève-cœur dans l’élection partielle au Lac-Saint-Jean en octobre, le Bloc québécois se remet d’une année difficile. Sa chef, Martine Ouellet, prédit néanmoins un regain de popularité pour son parti en 2018, conséquence de l’abandon du Québec par Justin Trudeau.


Est-ce que ça va mal au Bloc ?


Pas du tout. Quand je regarde le NPD, je trouve que le Bloc va pas mal bien. C’est clair qu’il y a eu une remontée du Bloc, on l’a vu au Lac-Saint-Jean. Et moi, je suis convaincue qu’en 2019, on va envoyer un contingent beaucoup plus fort à Ottawa. La démonstration est faite, dossier après dossier, que n’importe quel parti fédéraliste ou canadianiste [sic] ne défend pas les intérêts du Québec. Par exemple, même si le Parti libéral a 40 députés [au Québec], dont le premier ministre, ils font quoi pour le Québec ? Des dossiers comme la Davie, Netflix, la Banque d’infrastructures, l’immigration, l’ALENA, etc.


Pourtant, Justin Trudeau est encore premier dans les sondages au Québec. Comment expliquez-vous cela ?


La lune de miel est un petit peu longue. C’est comme, comment expliquer que Donald Trump a été élu aux États-Unis ? Au-delà de la comédie, au-delà des sourires, on se rend compte que, finalement, le Parti libéral est comme le Parti conservateur pour l’environnement et bien d’autres dossiers. S’il a besoin de satisfaire le reste du Canada, Justin Trudeau ne se gênera pas pour sacrifier le Québec, c’est clair, net et précis. Je pense que sa popularité va s’essouffler, et que les gens vont se rendre compte que finalement, c’est bien beau la comédie, mais ce n’est pas ce qui fait améliorer la qualité de vie au Québec.


Après votre arrivée, le Bloc a failli se déchirer l’an dernier. Qu’avez-vous retenu de cet épisode ?


On a pris le temps de se parler, je pense que ça a porté ses fruits. On a mis les choses sur la table et on s’est rencontré cet été. Je pense que ça s’est bien conclu, la page est tournée. Il y a tout un travail d’équipe qui est fait. C’est sûr qu’avec une arrivée comme ça, en pleine session parlementaire, tout s’est fait en accéléré. On a pris quelques pas de recul cet été, ce que je n’avais pas eu le temps de faire à mon arrivée, et on a eu un accord unanime.


Avec le recul, est-ce que ça a été un problème d’avoir gardé votre siège à l’Assemblée nationale à Québec et d’être chef à Ottawa ?


Je vais terminer le transparlementarisme en octobre 2018, c’est déjà annoncé. Je pense que d’avoir une vision des deux parlements, c’est essentiel pour réaliser l’indépendance du Québec. Tous les pouvoirs dont on a besoin pour devenir indépendant ne sont pas à Québec, mais ils sont tous à Ottawa. On est suffisamment riche pour devenir indépendant, on a toutes les expertises, on a déjà des délégations générales à l’international, on a déjà Revenu Québec qui prélève des impôts et des taxes. Quand je regarde le Canada gérer Phénix, et tout ça, je me dis qu’on n’a pas à être gêné et qu’il y a des problèmes de gestion au Canada aussi.


En 2017, vous avez dénoncé la hausse d’une « gauche religieuse » à Ottawa. Qu’est-ce que c’est ?


Ce sont toutes les décisions où on met la religion au-dessus de la sécurité ou au-dessus de la démocratie. Quand la religion devient plus importante que tous les autres sujets, et que les autres décisions se prennent en fonction de croyances religieuses. Au Québec, quand on dit que nous voulons que l’État soit laïque, que nous ne sommes pas d’accord avec les [accommodements pour] motifs religieux, c’est intolérable de se faire traiter de raciste pour ces raisons-là. Ça, c’est presque du racisme de leur part. On a le droit d’avoir la volonté d’avoir un État laïque, et c’est la vision d’une grande majorité de Québécois et Québécoises. La vision canadienne du multiculturalisme, c’est une vision extrêmement ghettoïsante [sic]. Le Québec est, dans le monde, une des sociétés les plus accueillantes. Vous demanderez aux gens venus de l’immigration, et c’est vraiment le cas. Il faut se le dire, et il faut arrêter de s’autoflageller au Québec.


En quoi l’option souverainiste a-t-elle de l’avenir ?


Je pense que la bonne nouvelle pour l’indépendance est que les baby-boomers deviendront des aînés indépendantistes. Il faut aller chercher les plus jeunes, qui sont plus à l’international. Mais pour se projeter à l’international, mieux vaut le faire à travers une province ou un pays ? Moi, je pense qu’on aurait beaucoup d’avantages à se projeter à partir du Québec. On voit, dans les nouvelles générations, les Y ou les milléniaux, une confiance en l’avenir. Je pense qu’on va pouvoir faire une alliance multigénérationnelle pour l’une des premières fois.