Bien des débats sociaux, économiques et politiques ayant cours actuellement dans nos sociétés proviennent non pas d'un conflit entre gauche et droite ou socialistes et néolibéraux, mais plutôt d'une confusion entre fins et objectifs d'une part et moyens et modalités d'autre part. Je prétends dans l'ouvrage Manifeste pour une social-démocratie concurrentielle que le modèle social-démocrate concurrentiel permettrait de mieux profiter des possibilités de croissance et de bien-être qu'offrent les nouvelles technologies d'information et de communication, la globalisation des marchés et l'internationalisation des cultures et de mieux relever les défis économiques et sociaux que posent ces développements.
La social-démocratie concurrentielle se définit par rapport à trois éléments fondamentaux: la capacité des individus de faire des choix rationnels, le partenariat social qui définit et façonne l'individu, le besoin de mécanismes explicites et efficaces de coordination et d'incitation permettant un usage optimal des ressources disponibles.
C'est à partir d'une conception réaliste de l'État que se justifient dans la social-démocratie concurrentielle les limites imposées aux pouvoirs publics, en particulier dans la production et la distribution de biens et services publics et sociaux, au profit d'un recours systématique aux processus plus transparents que constituent les processus concurrentiels, de marché ou autres.
Modèle vieilli et dépassé
Le modèle social-démocrate dominant ou traditionnel s'appuie sur une pensée et un discours politiques et un modèle social usés, vieillis et dépassés. C'est une social-démocratie orientée vers la préservation des droits acquis, la protection des rentes et intérêts corporatistes et la sauvegarde des vaches sacrées, bref une social-démocratie peu motivante, peu innovante, tolérante de la médiocrité, figée et enfermée dans son passé, et endormie dans une langue de bois où la forme et le contenant dominent le réel et le contenu.
La social-démocratie concurrentielle est une social-démocratie moderne, innovante, responsable, basée sur un nouveau modèle social issu de l'analyse socio-économique des organisations et des institutions efficaces. C'est une social-démocratie résolument orientée vers les fins et objectifs (à atteindre par les moyens les plus efficaces et les plus économiques possible), largement ouverte aux changements technologiques et organisationnels et favorable à l'émergence d'un pouvoir de compétence dans tous les milieux et dans toutes les sphères d'activité. C'est une social-démocratie flexible, hostile à la médiocrité et allergique à la mainmise des groupes d'intérêt et de pression de toute nature sur le pouvoir public, ses prérogatives et ses programmes.
Cinq grands programmes définissent cette nouvelle social-démocratie concurrentielle.
- Favoriser le développement et le maintien de compétences-clés bien définies dans les secteurs gouvernemental et concurrentiel. Le rôle du premier est de recenser les besoins des citoyens en biens et services publics et sociaux (BSPS), de faire les arbitrages nécessaires, et de gérer les contrats et partenariats pour leur production et distribution au meilleur coût possible et dans le meilleur intérêt des citoyens. Le rôle du secteur concurrentiel (entreprises privées, entreprises coopératives, organisations communautaires, organisations de la société civile, organismes sans but lucratif, etc.) est de produire efficacement les BSPS, en utilisant les meilleures ressources humaines et matérielles possible, motivé comme il se doit par la recherche d'une efficacité concurrentielle maximale.
- Favoriser le recours systématique aux mécanismes concurrentiels dans la production et la distribution des BSPS et s'abstenir de manipuler indûment les signaux de rareté et de valeur relatives que sont les prix concurrentiels; favoriser le développement et la mise en pratique d'un droit des citoyens de contester et de remplacer le cas échéant les producteurs et distributeurs actuels des BSPS.
- Favoriser la prise en charge par chaque individu du développement et du maintien de son portefeuille de compétences; développer les outils et instruments de gestion de risque permettant aux individus de faire face aux changements inévitables dans leur environnement économique (fermeture d'usine, déplacement des emplois, création de nouveaux emplois et de nouvelles possibilités, délocalisation, etc.); impliquer de manière crédible les entreprises et organisations privées et publiques dans les programmes de formation et de maintien des compétences.
- Diminuer les taux marginaux implicites de taxation des chômeurs et des assistés sociaux lorsqu'ils réussissent à dénicher des emplois à temps plein ou à temps partiel; combattre le développement de la dépendance des personnes grâce à un programme de redistribution directe des revenus fortement incitatif à l'autonomie individuelle; faire de même pour les entreprises faisant face à des conditions de concurrence particulièrement difficiles.
- Mettre sur pied des méthodes et processus d'évaluation rigoureuse, transparente, indépendante et crédible des politiques et programmes publics.
Le Manifeste pour une social-démocratie concurrentielle peut être téléchargé à l'adresse www.cirano.qc.ca/manifeste
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Marcel Boyer, Professeur émérite de sciences économiques à l'Université de Montréal, fellow du CIRANO et économiste principal à l'Institut économique de Montréal
Manifeste pour une social-démocratie concurrentielle
Nouvelle Gauche - La social-démocratie revisitée
Marcel Boyer14 articles
L'auteur est économiste principal à l'Institut économique de Montréal, professeur émérite de sciences économiques à Université de Montréal et fellow du CIRANO et du C.D. Howe Institute.
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