par Virginie Larivière
Monsieur le premier ministre Jean Charest,
Je souhaite ici exprimer mon trouble face à vos appels répétés condamnant la banalisation de la violence et de l’intimidation. Non pas que je ne condamne pas moi-même celle-ci ; j’ai même été plutôt encline à dénoncer la banalisation de la violence télévisée au début des années 1990, à la suite de l’assassinat de ma jeune soeur Marie-Ève.
Si mon militantisme est désormais moins public, sachez que je dénonce et condamne toujours le recours à la violence et à l’intimidation en toute situation. D’un même souffle, et comme vous, je condamne les fumigènes dans le métro, les émeutes du 20 avril entourant votre salon du Plan Nord, les émeutes de Victoriaville, les casseurs de vitrines, et la violence « chantée » du groupe Mise en demeure.
Cela dit, depuis le début du conflit étudiant et de la crise sociale qui secouent le Québec, votre gouvernement fait preuve d’une malhonnêteté éhontée en s’appropriant les thèmes de la violence et de l’intimidation, se posant tout à la fois en victime de celle-ci et en ardent défenseur de l’ordre et de la loi.
Paternalisme doucereux
Vos dénonciations de la violence et de l’intimidation n’ont servi qu’à légitimer la ligne dure de votre gouvernement. Avec un paternalisme doucereux, vous avez abusivement justifié, au nom de la violence, de l’intimidation ou de la radicalisation du mouvement étudiant, l’exclusion de la CLASSE aux tables de négociations (le 25 avril) puis, le torpillage pur et simple d’éventuelles négociations avec la toute nouvelle ministre de l’Éducation, Michelle Courchesne, et ce, au profit de l’adoption de la loi 78.
Cette loi, ruisselante d’un dégoûtant mépris, fait violence aux fondements démocratiques de notre société, à sa Charte des droits et libertés et à sa Constitution. Cette loi, injuste et indigne du Québec, a été dénoncée à la fois par le silence magnanime de quelque 500 juristes prenant pour une rare fois la rue ; et par le bruit cadencé de nombreuses casseroles maltraitées soir après soir.
Votre ancienne ministre de l’Éducation, Line Beauchamp, et vous-même avez martelé que les étudiants ne constituaient pas un groupe homogène et monolithique, et ce, dans l’unique but de marginaliser les étudiants et les étudiantes en grève. Voilà que vous vous évertuez désormais, avec la ministre de la Culture, Christine St-Pierre, à gommer les nuances et à homogénéiser la composition d’un mouvement dont le panda (le panda pardi ! On a vu plus agressif, vous en conviendrez) est devenu l’emblème.
Associer le carré rouge, symbole d’une solidarité étudiante sans précédent dans l’histoire du Québec, à la violence et à l’intimidation, n’est pas qu’un exercice de diabolisation, c’est une insulte à l’intelligence.
J’ajoute que vos émois enflammés contre la violence et l’intimidation me semblent bien capricieux, tout comme je trouve les sujets de vos contrariétés discutables. Vous vous révélez prompt à dénoncer la violence et l’intimidation ; vous vous montrez impérial face aux effronteries d’un étudiant qui expose le sort qu’il souhaite réserver au Grand Prix de Montréal ; vous dénoncez longuement les dérives langagières de mauvais goût de Mise en demeure.
Fabuleuse incohérence
Devant votre attitude si formidablement intraitable en matière de violence et d’intimidation, je trouve votre silence bien assourdissant face aux abusives et brutales interventions policières qui ont cours au Québec depuis maintenant des semaines. Cette préoccupante situation, dénoncée par Amnistie Internationale (AI) dans une demande d’enquête indépendante, a été, tout comme le rapport d’AI, incroyablement snobée par votre gouvernement.
Et c’est avec la même outrecuidance que vous avez ignoré un deuxième rapport d’Amnistie Internationale, s’opposant celui-là, à l’adoption de la loi 78.
Devant votre attitude si remarquablement intransigeante face à la violence et à l’intimidation, je trouve déconcertant de savoir que la ministre des Relations internationales, Monique Gagnon-Tremblay, juge que la violence et l’intimidation « made in Québec » ne sont pas d’envergure à inquiéter l’ONU.
Mise en demeure chante des âneries, vous en faites un plat de doléances ; Amnistie Internationale et l’ONU vous font part de leurs inquiétudes quant au déroulement des manifestations, quant aux interventions policières, quant aux abus de la loi 78… et vous n’en avez que faire ! C’est fabuleusement incohérent !
Cette violence, et l’autre
Étudiante au doctorat à l’UQAM, je suis, sachez-le, contre l’intimidante hausse des droits de scolarité que vous imposez ; sachez que j’ai voté pour la grève à chacune de mes assemblées étudiantes ; que je porte le carré rouge. Sachez que je suis en colère et que j’exprime celle-ci en battant le pavé, la mesure et ma casserole dans les rues de mon quartier et de celles du centre-ville depuis maintenant trois mois et demi. Sachez que je crois à une résolution pacifique du conflit. Sachez que je crois qu’elle commence par votre condamnation de la violence et de l’intimidation… surtout de celles que vous refusez d’admettre.
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Virginie Larivière - Étudiante au doctorat en sciences de l’environnement à l’UQAM et auteure et porte-parole d’une pétition d’un million et demi de signatures contre la violence à la télévision en 1992.
Violence
Malhonnêteté éhontée
Je souhaite ici exprimer mon trouble face à vos appels répétés condamnant la banalisation de la violence et de l’intimidation.
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