COMMISSION CHARBONNEAU

Louis-Pierre Lafortune en menait large

«Le lobbyiste vient de partir. Je viens de lui donner un beau chèque pour M. Charest.»

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L'héritage empoisonné de Jean Charest

Fonds de solidarité, FTQ-Construction, Parti libéral, Parti québécois : aucune porte n’était fermée à Louis-Pierre Lafortune, un entrepreneur polymorphe qui était au centre de toutes les intrigues. La commission Charbonneau a partiellement levé mercredi un interdit de publication qui frappait son témoignage.

L’ex-vice-président des Grues Guay appartient à une rare catégorie des témoins qui possèdent des entrées partout. M. Lafortune a pu compter sur deux lobbyistes associés aux conservateurs (un homme qui ne peut être nommé) et aux libéraux (feu Serge Marcil) pour faire avancer ses intérêts avec succès.

M. Lafortune a notamment retenu les services d’un lobbyiste non identifié pour faire avancer le projet d’un promoteur d’éoliennes, AAER. Il avait investi 200 000 $ dans cette entreprise qui n’arrivait pas à obtenir de contrats publics. Le lobbyiste s’est assuré d’acheminer une contribution de 3000 $ à l’Association libérale de Sherbrooke, la circonscription du premier ministre Jean Charest, à la veille des élections de 2008.

Jean-Robert Pronovost, le chef de la direction d’AAER, a rédigé le chèque. Dave Gagnon, le président de la compagnie, et Louis-Pierre Lafortune ont évoqué le sujet à deux reprises. « Le lobbyiste vient de partir. Je viens de lui donner un beau chèque pour M. Charest », dit M. Gagnon sur écoute. Six jours plus tard, M. Gagnon informe M. Lafortune que l’enveloppe a été donnée à M. Charest.

Ces démarches n’ont pas donné de résultats concrets, a dit M. Lafortune, qui a minimisé l’importance de cette relation. Son lobbyiste avait une propension à exagérer l’importance de ses contacts politiques, a-t-il dit.

AAER a cependant obtenu 2,5 millions d’Investissement Québec un an plus tard.

Jean-Marc Fournier

M. Lafortune a pu mettre à profit ses contacts avec les libéraux, encore en 2008, lorsqu’il a connu des démêlés avec Revenu Québec. L’ex-ministre libéral Serge Marcil l’a aidé à rencontrer les bonnes personnes pour régler son dossier. M. Lafortune a assisté à un cocktail de financement pour le ministre du Revenu de l’époque, Jean-Marc Fournier, et son collègue Claude Bêchard, au 1000 de la Commune, à Montréal. L’immeuble était habité par des membres du crime organisé et des Hells Angels à l’époque.

M. Lafortune a pu aborder brièvement le dossier avec le ministre Fournier lors du cocktail. Après coup, il s’est vanté d’avoir assisté à une soirée fort productive avec un ami.

Une semaine plus tard, il recevait un appel du cabinet du ministre Fournier. Un attaché politique voulait connaître l’étendue de ses problèmes afin de mieux préparer une rencontre à venir avec le ministre Fournier.

La rencontre n’a jamais eu lieu, a indiqué Louis-Pierre Lafortune. Quoi qu’il en soit, son litige avec Revenu Québec a été réglé à sa satisfaction.

Louis-Pierre Lafortune avait aussi ses entrées au PQ. En 2005, il a participé à un cocktail de financement d’André Boisclair. Lafortune et son présumé complice, Normand Marvin Ouimet, cherchaient à obtenir une subvention de Québec pour la réfection de l’église St. James.

M. Lafortune est accusé de complot pour recyclage des produits de la criminalité dans l’opération Diligence. Il aurait tenté de prendre le contrôle de la maçonnerie à Montréal avec son présumé complice, Ouimet.

L’ordonnance de non-publication qui pesait sur son témoignage à la commission Charbonneau, destinée à préserver l’équité de son procès, a été levée en grande partie mercredi.

M. Lafortune dorlotait les officiers de la FTQ-Construction. Il a notamment payé des constats d’infraction de l’ex-directeur Jocelyn Dupuis, en faisant passer les dépenses dans la catégorie « permis à la Ville de Montréal » dans les livres de Grues Guay. L’avocate du PQ, Estelle Tremblay, a assimilé les transactions à une « fraude fiscale », dans la mesure où Grues Guay a déduit ces dépenses de ses revenus.

M. Lafortune ramassait la note quand Jocelyn Dupuis prenait ses vacances… même s’il ne l’accompagnait pas. Il a notamment financé le voyage à Las Vegas de Jocelyn Dupuis et de sa famille pour qu’il puisse célébrer les 21 ans de sa fille.

L’élection de Richard Goyette à la tête de la FTQ-C a quelque peu soulagé Louis-Pierre Lafortune. Le successeur de Jocelyn Dupuis avait un train de vie plus modeste. « Il coûte pas mal moins cher, lui », dit-il dans une conversation d’écoute électronique.

Les bons contacts de Louis-Pierre Lafortune ne s’arrêtaient pas à la FTQ-C. Il lui est arrivé à quelques reprises de conseiller des entrepreneurs qui désiraient obtenir du financement du Fonds de solidarité de la marche à suivre. Il a toujours agi à titre bénévole, sans toucher de contrepartie, assure-t-il.

Le Fonds de solidarité était un partenaire important lorsque Fortier Transfert a racheté Grues Guay. Denis Vincent, le courtier de l’ombre lié à Jean Lavallée, a joué un rôle d’intermédiaire dans cette transaction de 26 millions de dollars qui a permis à M. Lafortune de prendre du galon dans l’industrie de la construction.

M. Vincent a touché une commission d’environ un million pour son rôle « d’entremetteur ». M. Lafortune a pris ses distances du pilote d’hélicoptère, avec lequel il avait peu d’affinités. « Je n’aimais pas sa façon de négocier », a-t-il dit.
L’UPAC de nouveau chez Roche
La firme d’ingénierie Roche, à Québec, a de nouveau été la cible de l’Unité permanente anticorruption, mercredi. L’UPAC est en effet débarquée tôt en matinée dans les bureaux de l’entreprise de la Vieille Capitale afin d’y mener une perquisition. Selon une porte-parole de l’UPAC, Anne-Frédérick Laurence, une cinquantaine de policiers du service d’enquête ont participé à l’opération. Leur objectif était d’obtenir des éléments de preuve et de rencontrer des membres du personnel. Aucune arrestation n’était toutefois prévue. Dans les heures suivantes, le Groupe Roche a diffusé un bref communiqué disant offrir «sa pleine et entière collaboration à l’UPAC dans le cadre de l’opération à ses bureaux de Québec». L’entreprise ajoutait cependant qu’elle ignorait toujours les motifs ayant conduit à l’intervention.
En février 2011, la vice-présidente du Groupe Roche à Québec, France Michaud, et un autre employé, l’ingénieur Gaétan Morin, avaient été appréhendés par l’UPAC.


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