Le peuple tunisien s'impatientant, le gouvernement provisoire a organisé un procès avec l'espoir que ce geste calme des esprits d'autant plus remontés que la parole s'est libérée à vitesse grand V depuis l'amorce du printemps arabe. Au terme d'une audience bâclée, les époux Ben Ali, puisque c'est d'eux qu'il s'agit, ont été condamnés à 35 ans de prison ferme. Ni eux ni leurs avocats désignés n'étaient présents. Tout a été fait, on le répète, pour amadouer des Tunisiens qui aujourd'hui encore ne décolèrent pas.
Il en est notamment ainsi parce que bien des anciens mandarins du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), la formation de Ben Ali, demeurent influents, surtout sur le flanc économique. Influente, cette caste l'est également dans l'appareil d'État à une époque où le pays est aux prises avec bien des défis. En effet, entre la crise qui frappe l'industrie touristique, l'afflux de réfugiés qui ont fui la guerre en Libye et une Europe qui ferme ses portes à une jeunesse qui rêve de traverser la Méditerranée, le moins que l'on puisse dire est que la petite Tunisie, géographiquement parlant, est condamnée aux travaux d'Hercule.
Cette impatience est également le reflet des rapports de force totalement nouveaux et aiguisés qui ont cours entre la ribambelle de partis qui ont vu le jour depuis la chute de Ben Ali. Ces derniers se disent, tenez-vous bien, islamistes ou socialistes, centristes, baasistes, marxistes, trotskistes, maoïstes, unionistes arabes. Dans le cadre des débats poursuivis au sein du comité de salut public baptisé, tenez-vous bien (bis) «Instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique», les représentants de ces partis ainsi que des syndicalistes, sans oublier des personnalités de la société civile ont adopté une loi électorale qui met en lumière l'appétit prononcé des Tunisiens pour la démocratie.
En effet, cette loi prévoit la création d'une commission indépendante, la parité hommes-femmes, ainsi que l'établissement de la proportionnelle intégrale. On insiste, leur soif de liberté les a convaincus d'opter pour le mode de scrutin qui est à la fois le plus démocratique et le plus ingérable. Et ce, car outre cette passion pour la liberté ,les animateurs du comité de salut public partagent un sentiment de méfiance à l'endroit du gouvernement provisoire dirigé par le premier ministre Béji Caïd Essebsi, qui s'est entouré de technocrates. Ici et là, on assure que la cohabitation entre les deux est loin d'être harmonieuse.
Cela étant, les Tunisiens peuvent se féliciter d'avoir oeuvré de manière à ce que leur révolution ne soit pas détournée ou kidnappée. Contrairement à ce qui a été constaté en Égypte, la rédaction de la Constitution ne sera pas conçue et composée en petit comité, mais bien par les représentants du peuple. En ce sens, ce dernier reste exemplaire ne serait-ce que par sa constante vigilance.
Révolution tunisienne
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