L’opposition accuse Bev Oda de leur avoir «menti» et d’avoir «trafiqué» un document gouvernemental. «Le premier ministre va-t-il démettre de ses fonctions la ministre de la Coopération internationale pour avoir induit la Chambre en erreur?», a demandé le chef bloquiste, Gilles Duceppe.
Photo : Agence Reuters Chris Wattie
Hélène Buzzetti Ottawa — Dans un rare moment d'unité à la Chambre des communes, les trois partis d'opposition ont demandé hier la tête de la ministre de la Coopération internationale, Bev Oda, pour leur avoir «menti» et avoir «trafiqué» un document gouvernemental. L'opposition estime qu'il faut mettre un terme à la «culture de la tromperie» qui prévaut sous le règne de Stephen Harper. Le premier ministre a défendu sa ministre et son droit de donner des directions politiques à la fonction publique fédérale.
«La ministre de la Coopération internationale a coupé les vivres à une organisation religieuse respectable, elle a ensuite trafiqué un document de ses fonctionnaires pour donner l'impression qu'ils étaient d'accord avec elle alors qu'ils ne l'étaient pas, puis elle a induit la Chambre des communes en erreur. Ce comportement est indigne d'une ministre», a lancé le chef libéral, Michael Ignatieff. Ce n'était que la première salve. Tant le Bloc québécois que le Nouveau Parti démocratique ont emboîté le pas. Tous estiment que la ministre leur a menti.
«Le premier ministre va-t-il démettre de ses fonctions la ministre de la Coopération internationale pour avoir induit la Chambre en erreur?», a demandé le chef bloquiste, Gilles Duceppe. «Dans la plupart des endroits, on appelle contrefaçon» ce que la ministre a fait, a poursuivi le néodémocrate Paul Dewar.
La ministre Oda n'a répondu à aucune question. Le premier ministre Stephen Harper s'est porté à sa défense systématiquement. «Lorsque le gouvernement dépense de l'argent et verse des subventions et contributions, ce sont les ministres qui prennent ces décisions et ils en portent la responsabilité. Ce n'est pas la décision d'un fonctionnaire nommé, ce n'est pas un droit acquis pour les organisations extérieures. Il revient au ministre de s'assurer que l'argent des contribuables est utilisé efficacement en aide étrangère et c'est ce qu'elle [Mme Oda] a fait.»
Pour les partis d'opposition, là n'est pas la question. Le problème, selon eux, est que le gouvernement a voulu cacher la nature politique de sa décision en faisant faussement croire que les fonctionnaires de l'ACDI l'appuyaient.
Un «not» rajouté
L'organisme Kairos, un regroupement religieux oecuménique, développe des programmes d'aide un peu partout sur la planète et recevait depuis 1973 des subventions d'Ottawa pour son travail. En décembre 2009, Ottawa a refusé de renouveler son financement de 7 millions de dollars sur quatre ans. Au départ, la ministre avait indiqué que cette décision était partagée par son ministère.
«Après un examen rigoureux, les responsables ont décidé que la proposition de Kairos ne respectait pas les normes gouvernementales», avait dit Mme Oda en Chambre. Dans une réponse écrite officielle, elle déclarait même que «la décision de l'ACDI de ne pas renouveler le financement de Kairos était basée sur une évaluation globale et non un critère en particulier». Les médias ont ensuite mis la main sur la recommandation de l'ACDI proposant au contraire d'approuver le financement. Un «not» a toutefois été ajouté à la main à la recommandation anglaise qu'a signée la ministre. Les partis d'opposition entament une bataille de procédure pour faire condamner la ministre pour outrage.
Le libéral Bob Rae espère que les Canadiens sauront voir au-delà des enjeux procéduriers de cette histoire. «Voici un gouvernement qui a beaucoup de difficulté à dire la vérité, un gouvernement qui cache de l'information et des faits, un gouvernement qui ensuite fabrique des histoires et des "spins" lorsqu'il se fait prendre. Ce n'est pas une histoire de processus, c'est un grand récit de moralité.»
La machine à signer?
Dans les coulisses conservatrices, une explication émerge. On indique à qui veut l'entendre que ce n'est pas la ministre elle-même qui a signé le mémo modifié, mais plutôt son «bras» robotisé, machine imitant la signature du ministre afin de la soulager de cette tâche fastidieuse. La ministre, alors à l'extérieur d'Ottawa, aurait donné par téléphone la consigne à ses adjoints politiques de modifier le mémo, de manière à refléter son désir de ne pas approuver la demande de financement, puis le tout aurait été envoyé au bras.
En affirmant ceci, la ministre peut donc dire que, techniquement, elle n'a pas menti lors de sa comparution en comité parlementaire lorsqu'elle a soutenu ne pas savoir qui avait ajouté le mot «not». Cette version invalide aussi la thèse voulant que Mme Oda avait approuvé le financement de Kairos, mais que quelqu'un agissant sous les ordres du premier ministre aurait par la suite ajouté le mot «not», transformant l'approbation en refus. Kairos a été accusé d'antisémitisme par les conservateurs dans le passé, accusation que réfute avec véhémence le groupe.
Les conservateurs font également valoir que la méprise découle du fait que la forme des mémos ne permettait pas à la ministre d'indiquer clairement son refus sans avoir recours aux notes manuscrites. Un nouveau formulaire a été depuis adopté sur lequel la ministre a le choix de cocher une case «oui» ou «non» pour indiquer sa décision.
Financement du groupe Kairos refusé par la ministre L'opposition veut la tête de Bev Oda
Libéraux, bloquistes et néodémocrates veulent que cesse la «culture de la tromperie»
Kairos a été accusé d'antisémitisme par les conservateurs dans le passé, accusation que réfute avec véhémence le groupe.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé