Lettre à mes amis pure laine

En fait, les articles du projet de loi de Madame Marois sont presque recopiés de la Loi canadienne sur la citoyenneté

Citoyenneté québécoise - Conjoncture de crise en vue


Vous m'inquiétez ! Moi je vous trouve bien comme vous êtes -- même avec vos défauts ! -- et vous semblez avoir peur de votre «Nous» ! Le 'Néo' que je suis n'est pas indifférent à vos débats identitaires. Mes enfants et mes petits-enfants seront ce que vous êtes après tout. Alors, vos déchirements me font de la peine, surtout qu'ils se font devant des autres. Je ne vous ai pas demandé de m'installer chez vous pour vous voir vous écraser. Votre échec serait le mien alors. Voici ce que j'ai envie de vous dire...
Qu'y a-t-il donc de si mal à vouloir que ceux qui vivent ici adoptent votre langue ? Qu'y a-t-il de si mal à parler français ? L'anglais vous manque-t-il tant que ça qu'il faille le protéger à tout prix ? Ne trouvez-vous pas qu'il y en a déjà suffisamment sans qu'on en rajoute, année après année, par contingents entiers d'immigrants ?
Entre vous et moi, je n'ai pas quitté la France pour vivre dans un pays où on ne parle qu'anglais et une autre langue, rarement la mienne. Je n'ai pas envie de vous revoir, malheureux comme vous l'étiez il y a 35 ou 40 ans, alors que des vendeuses de grands magasins avaient l'arrogance de vous imposer leur langue, une autre langue. Beaucoup d'entre vous -- j'en ai connu au petit village de Sainte-Élisabeth-de-Warwick -- n'osaient pas sortir de leur campagne, tant la grande ville leur paraissait étrangère.
Il n'y a pas si longtemps, la langue française faisait consensus pourtant. Elle était sur le point de devenir notre lingua franca, même dans mon village de Stanbridge East. Robert Bourassa y avait laissé sa peau en 1976. Puis René Lévesque en 1985. Mais l'un dans l'autre, on ne parlait de langue que lorsqu'une tête un peu plus cabocharde que les autres se rendait jusqu'au tribunal suprême d'Ottawa. Et même qu'il commençait à en revenir bredouille tant il n'y avait plus grand-chose à retirer de la Charte de la langue française.
Entre vous et moi, tout allait si bien qu'on allait finir par se croire un pays, ou à tout le moins une nation. D'ailleurs on nous l'avait dit : «une nation dans un Canada uni». Et comme les nations ont leur propre langue, il allait de soi que la nôtre serait française. Même le premier ministre du Canada, un anglais de Calgary, n'ouvre pas la bouche sans d'abord nous saluer en français. C'est gentil, comme geste. C'est noté.
Mais que s'est-il donc passé pour que tout se mette à déraper ainsi ? Que l'unanimité soit telle, contre le projet de Pauline Marois ? Il n'y a pas de comparaison avec le débat sur la Loi 101 en 1977, dites-vous ? C'est pire ! Même Le Devoir s'y est mis cette année. L'opposition, parfois hargneuse pour ne pas dire haineuse, à ce projet de loi sur l'identité québécoise, cela tient de la... lapidation !
On dit qu'il n'était pas nécessaire de réveiller les vieux démons en ce moment. Mais le Parti québécois, et c'est tout à son honneur, a voulu préparer un mémoire sérieux qu'il soumettra à la Commission Bouchard-Taylor. Pouvait-il en effet participer au débat sur les accommodements raisonnables sans avoir une idée précise de ce qu'il entendait par «identité québécoise» ? À ma connaissance, le PQ est ainsi le seul parti à avoir élaboré une politique globale de la citoyenneté. Il l'a fait en consultant des constitutionnalistes. C'est aussi bien que de n'avoir d'autre politique que de protester contre les dérapages en disant : «ça n'a pas de bon sens !»
Quelle que soit son issue, le débat aura au moins démontré à quel point le Québec dérange encore dans ce pays quand il prétend s'affirmer. En effet, le projet de loi sur l'identité québécoise vise, je cite, «à assurer la prédominance de la langue française». Je rappelle que la Cour suprême du Canada a elle-même convenu de la nécessité d'une «nette» prédominance du français. Cela ne me paraît pas si radical que cela.
Allons, que les détracteurs de Madame Marois l'admettent, ce qui inquiète, c'est la réaction du reste du Canada et de l'étranger. «Elle va nous faire passer pour des extrémistes», entend-on un peu partout. La «province de Québec» n'aurait pas le droit d'exiger la connaissance du français de ceux qui se prétendent Québécois et veulent servir leurs compatriotes dans une assemblée législative. En fait, les articles du projet de loi de Madame Marois sont presque recopiés de la Loi canadienne sur la citoyenneté : celle-ci est en effet accordée à tout résident «ayant une connaissance de l'une des langues officielles du Canada» et «une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté...»
Pourtant, une condition aussi peu exigeante n'est pas appliquée dans le reste du pays. En effet, pour voter au Canada, il faut être citoyen n'est-ce pas ? Et pour être citoyen il faut connaître l'anglais ou le français. Alors, comment se fait-il qu'Élections Canada sente encore le besoin de traduire en 26 langues ethnoculturelles le guide d'information des électeurs ? Ce doit être un accommodement raisonnable.
Est-ce parce qu'il a honte de ne pas oser imposer sa propre loi que le reste du Canada veut empêcher le Québec d'en avoir une qui ressemble à la sienne ? Mais les Québécois sont capables d'autant de tolérance, sinon plus, que les Canadiens. Qui nous dit que le Québec ne ferait pas preuve de la même souplesse ? À moins de nous déclarer coupables «d'hostilité à l'égard des immigrants» -- 'nativism' dit le National Post - nous avons déjà la générosité de financer les cours de français destinés aux immigrants... Et de leur donner trois ans pour en acquérir une connaissance «appropriée»...
J'en implore la majorité gouvernementale et l'opposition officielle : il faut arrêter ce salissage qui rejaillit sur tous, Vous comme Nous. Et le seul moyen est de disposer de ce projet de loi 195 à l'Assemblée nationale puis devant les tribunaux s'il le faut. Je n'aime pas qu'eux disent de vous que vous êtes des racistes ou pire encore. Je veux crier que tout cela est faux.
Levez-vous s'il vous plaît. Défendez-vous bon Dieu !


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