Lettre à Jean Charest

Car il faut bien voir la réalité en face. Avec vous au volant, nous allons prendre le champ.

Critique de la médiocrité!



Je crois que le moment est venu de vous dire que je vous plains. Bien sûr, vous me faites enrager bien souvent et je ne suis pas la seule, mais au bout du compte, je finis toujours par me dire que vous êtes plus à plaindre qu'à craindre.
Mardi soir dernier, en allant dormir, après avoir écouté le plaidoyer de Jacques Duchesneau, je me suis dit que mercredi serait enfin le jour où vous verriez la lumière. Que vous ne pourriez pas être insensible à ses mises en garde et que le diagnostic qu'il portait sur ce que notre société était devenue allait vous pousser dans vos derniers retranchements. Que vous alliez vous comporter comme le grand premier ministre que vous voudriez être et que vous alliez assumer les responsabilités qui vont avec le titre.
Grave erreur... Mercredi matin, vous aviez toujours votre petit air satisfait de vous, votre ton frondeur comme à votre habitude et le seul engagement que vous ayez consenti a été de réfléchir aux affirmations de Jacques Duchesneau. Rien d'autre. Pas question de promettre quoi que ce soit. Pas question de vous mouiller d'aucune façon, fier des applaudissements de vos députés-moutons. Nous n'avons eu droit à rien d'autre que le message que vous répétez ad nauseam qui affirme que vous voulez mettre les méchants en prison.
Votre totale insensibilité à ce que vivent les Québécois, en attendant une commission d'enquête publique qu'ils réclament depuis un long moment, ne semble même pas vous déranger. Ce peuple qu'on vole et qu'on exploite et qui n'a pas les moyens de se défendre devrait pouvoir compter sur vous pour entreprendre le grand ménage qui s'impose et pour l'aider à retrouver la santé citoyenne une fois que le cancer de la corruption aura été détruit. Il vous appelle au secours et votre répondeur n'arrête pas de répéter qu'il n'y a pas d'abonné au numéro qu'il a composé. De quoi ou de qui avez-vous peur?
Si j'osais, je dirais que vous avez probablement eu la vie facile jusqu'à maintenant. Je suis sûre que vous n'avez manqué de rien étant jeune et que sans dire de vous que vous êtes né avec une cuillère d'argent dans la bouche, il est bien évident que vous êtes né du bon côté du chemin de fer. Encore aujourd'hui, vous paraissez plus à l'aise en habit de gala au Musée des beaux-arts de Montréal ou à l'Élysée avec vos amis Desmarais et Sarkozy qu'au milieu des inondations de la Vallée-du-Richelieu.
Vous avez peut-être cru ceux qui vous ont offert le job de premier ministre du Québec sur un plateau d'argent (après votre participation au camp du Non en 1995) en vous affirmant que c'était un job de tout repos, sans trop de travail à faire et comportant des possibilités de voyages à l'étranger pour agrémenter le tout. Vous avez eu tort. René Lévesque disait que le job «était du tue-monde» et il savait de quoi il parlait. Honnêtement, nous ne vous en tiendrions pas rigueur si vous décidiez de partir maintenant. Nous irions même jusqu'à vous souhaiter bonne route.
Car il faut bien voir la réalité en face. Avec vous au volant, nous allons prendre le champ.
Vous n'êtes pas doué comme leader de peuple. Je suis prête à vous reconnaître d'autres qualités cependant. Vous êtes fait pour les honneurs plus que pour le travail. Vous portez bien les médailles et je suis sûre que vous pourriez vous tailler une place enviable dans les activités «mondaines et mondiales» sans un trop grand effort. Vous avez un grand aplomb même quand vous ne savez pas exactement de quoi vous parlez. Ce sera un atout de plus.
Quant à nous, les petits, les sans-grade, quand vous serez parti, nous pourrons enfin faire le ménage qui s'impose. Nous pourrons enfin donner de nouveau un sens au mot «éthique» et redonner de la fierté à la fonction publique québécoise, qui n'est plus que l'ombre de ce qu'elle a déjà été en matière de compétence. Nous pourrons nous regarder dans un miroir sans avoir honte de ce que nous sommes devenus comme collectivité et nous pourrons dire à nos enfants que l'avenir leur appartient et que les outils que nous leur laisserons, comme les routes, seront de bonne qualité.
Plus tard, beaucoup plus tard, les Québécois donneront votre nom à une autoroute de ce pays. Elle aura été construite dans les délais prévus, dans les budgets prévus, sans gonflement des chiffres. Elle aura été faite selon les règles de l'art et aura une durée prédéterminée qui forcera l'admiration. Les viaducs seront solides parce qu'on aura du respect pour la vie des citoyens ordinaires. L'autoroute Jean Charest sera un modèle pour des générations. Elle permettra surtout de vous garder dans notre mémoire.
Qu'en dites-vous? Puisque vous allez réfléchir aux suites à donner au rapport Duchesneau, pensez à ma proposition aussi. C'est une offre qui ne reviendra pas une deuxième fois.


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