Les vrais caves

Qui est réellement Gérald Tremblay? Le «faux naïf» décrit par Benoît Labonté ou le benêt dont rient derrière son dos les magouilleurs de l'Hôtel de Ville?

Montréal - élection 2009

Qui est réellement Gérald Tremblay? Le «faux naïf» décrit par Benoît Labonté ou le benêt dont rient derrière son dos les magouilleurs de l'Hôtel de Ville?
Je n'ai aucune difficulté à imaginer le maire confier à M. Labonté, l'air abattu, mais résigné à composer avec la pénible réalité de la corruption et des enveloppes brunes: «Tu sais, Benoît, la politique municipale, c'est juste de ça.»
Il y a cependant cette troublante conversation téléphonique, rapportée par La Presse, entre Bernard Trépanier -- monsieur 3 % -- et le vice-président de Dessau, Rosaire Sauriol, conversation qu'on ne peut plus citer depuis hier soir sous peine de poursuite, mais que le Québec tout entier a lu ou entendu dans la journée. Généralement, quand deux larrons se croient à l'abri des oreilles indiscrètes, ils se parlent en toute franchise.
Que le maire soit un authentique naïf ou un faux, une chose est certaine: il nous prend pour de vrais caves. Mercredi, il a affirmé au Devoir être au courant de tout depuis le début: oui, il y avait des enveloppes brunes; oui, les entrepreneurs se partageaient le territoire.
Le lendemain, après les révélations de M. Labonté, il a tout nié, en particulier qu'un collecteur de fonds de son parti, qui servait d'intermédiaire entre le président du comité exécutif de la Ville, Frank Zampino, et des firmes d'ingénieurs, exigeait une ristourne sur les contrats municipaux. Et les craintes pour la sécurité de sa famille, que M. Tremblay avait confiées au Devoir pour illustrer les risques de sa lutte contre la corruption, était-ce aussi du chiqué?
Hier, en entrevue avec Jean-Luc Mongrain, le maire avait retrouvé la mémoire. Dès son arrivée à l'Hôtel de Ville, le directeur général de l'époque, en l'occurrence Guy Coulombe, l'avait bien mis au courant des déplorables pratiques qui avaient cours. Bref, la confusion semble être sa nouvelle stratégie de campagne.
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On a reproché bien des choses à Louise Harel, mais personne ne l'a jamais soupçonnée d'être naïve. Il est tout simplement impensable qu'une femme aussi intuitive et bien informée ait pu croire Benoît Labonté blanc comme neige.
Elle soutient avoir mis un terme au financement par les entreprises et à l'usage de prête-nom dès son arrivée à Vision Montréal en juin dernier, mais pourquoi devrait-on penser que M. Labonté ment quand il prétend le contraire, alors que ses allégations au sujet du maire seraient fondées?
On peut très bien comprendre que Mme Harel ait choisi de se joindre à Vision Montréal plutôt qu'à Projet Montréal. Richard Bergeron est sans doute un homme sincère et intègre, mais il a les défauts de ses qualités. Il aurait été intraitable sur l'application de son programme, même dans ses aspects les plus controversés, tandis que M. Labonté a fait la preuve qu'il était ouvert à tous les compromis.
Présenter son ancien lieutenant comme un «homme de principes», comme Mme Harel l'a fait dans une entrevue au Devoir, était une véritable insulte à l'intelligence. L'ambition est la seule raison pour laquelle il a quitté Union Montréal, quand il a compris que M. Tremblay allait solliciter un troisième mandat.
Même si Mme Harel elle-même n'a jamais eu recours au financement anonyme durant les 28 années où elle a oeuvré sur la scène provinciale, elle sait parfaitement que le PQ est passé maître en la matière.
«Le parti connaissait cette situation et il fermait les yeux», peut-on lire dans le rapport que le juge Jean Moisan avait rédigé pour le compte du Directeur général des élections du Québec en 2006. Une ancienne collectrice du PQ, Ginette Boivin, avait même enseigné la technique des prête-noms au président de Groupaction, Jean Brault, immortalisé par le rapport Gomery. Là encore, il ne faut pas nous prendre pour des caves.
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L'élément le plus inattendu du témoignage de M. Labonté concernait la présence présumée de trois ministres du gouvernement Charest, en l'occurrence Julie Boulet, Norman MacMillan et David Whissell, sur le yacht de l'entrepreneur Tony Accurso.
Le premier ministre est immédiatement venu à leur rescousse. «On a vérifié auprès de ces trois personnes-là et, dans les trois cas, l'information est fausse», a-t-il déclaré. Par voie de communiqué, M. Accurso a également nié ces allégations.
Il demeure que certaines vérifications internes effectuées dans le passé ont été assez sommaires. Ainsi, on n'avait rien trouvé d'irrégulier dans les démarches effectuées par l'ancien ministre de la Santé, Philippe Couillard, qui avait magasiné son futur emploi dans un fonds privé d'investissement en santé alors qu'il était toujours en poste.
Tout dépend aussi de la question posée: «Es-tu allé sur le bateau?» ou «Es-tu sûr de ne pas te faire prendre?».


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