Les vieilles «picouilles»

Élection fédérale 2008 - le BQ en campagne


Pendant des années, le Bloc québécois a fondé sa stratégie sur la «défense des intérêts québécois». L'expression est à la fois vaporeuse et globalisante. Ce qui fait qu'on peut l'utiliser pour expliquer et justifier n'importe quelle position politique.

Le Bloc réclame telle mesure, c'est pour la «défense des intérêts du Québec»!
Le Bloc dénonce telle politique, c'est pour la «défense des intérêts québécois»!
Le Bloc s'indigne de telle décision gouvernementale, c'est pour la «défense des intérêts québécois»!
Vous le voyez, c'est là une formule passe-partout qui a l'avantage de nous dispenser de réfléchir sur la nature des fameux «intérêts québécois» mis en cause et servis à toutes les sauces.
En quoi, par exemple, la «défense des intérêts québécois « est-elle négligée si vous trouvez que le Registre des armes à feu est un monstre bureaucratique scandaleusement coûteux et inutile? Et en quoi, autre exemple, la «défense des intérêts québécois» exige-t-elle que vous considériez le Protocole de Kyoto comme un texte sacré et un catéchisme irrécusable?
Il fut un temps où le scandale des commandites et le déséquilibre fiscal rendaient automatiquement crédible la posture du Bloc en tant que défenseur attitré des intérêts vitaux du Québec. Mais, à partir du moment où le scandale des commandites s'estompe dans nos mémoires et où le déséquilibre fiscal est largement perçu, à tort où à raison, comme étant réglé, on comprend alors que le Bloc s'efforce de revoir sa mission et même sa raison d'être.
Jumeau du NPD
Et quelle sera cette nouvelle mission? Défendre les «valeurs québécoises», proclame le chef du BQ, menacées par l'idéologie de droite du gouvernement Harper! Voilà une déclaration lourde de présuppositions.
Le premier de ces sous-entendus, c'est que les valeurs québécoises (qu'on ne juge pas utile de définir) sont des valeurs de gauche, des valeurs de la gauche... Le Bloc devient ainsi principalement un parti de gauche et, accessoirement, un parti souverainiste. Tout un chambardement! Dérangeant à souhait pour pas mal de monde! Voilà, en effet, que le bric-à-brac idéologique de la gauche (interventionnisme étatique, égalitarisme, pacifisme, écologisme, anti-américanisme) se transmute, par une opération quasi alchimique, en «valeurs québécoises» qu'il nous faut donc défendre avec acharnement! Le Bloc devient ainsi le jumeau du NPD, cet archaïque parti socialiste canadien.
L'autre présupposition, c'est que le gouvernement conservateur de Stephen Harper est une incarnation malodorante de la droite qui, dans l'univers chimérique des défenseurs de la vertu (de gauche, bien sûr, la vertu étant un monopole de la gauche), propage l'injustice, détruit la planète, fait la guerre pour le plaisir et démolit la culture. Associant Harper à Bush, Gilles Duceppe les cloue tous deux au pilori comme étant ces «conservateurs idéologiques qui laissent derrière eux la désolation économique, et le feu et le sang dans le monde». N'en jetez plus, la cour est pleine! (...)
Fanfaronnades
À propos de certaines compressions dans quelques programmes culturels et les fonds destinés aux organismes de développement, M. Duceppe se complaît dans la jactance outrancière: «C'est un véritable saccage, une coupe à blanc, s'écrie-t-il. Cette idéologie de droite arriérée qui frappe avec jubilation sur ce que nous, Québécois, avons de plus précieux, notre culture et notre langue.» Il faut dire que certains artistes dépassent le chef du Bloc dans la démesure délirante en assimilant les conservateurs à des nazis. Comment peut-on prendre au sérieux des fanfaronnades aussi débiles qui entendent faire passer Jean-Pierre Blackburn et Josée Verner pour des suppôts d'Hitler et de Goebbels? (…)
Bref, il me semble que le Bloc est désemparé d'avoir perdu ces fringants chevaux de bataille qu'étaient le scandale des commandites et le déséquilibre fiscal. Alors, il sort de l'écurie les vieilles «picouilles» de gauche (Kyoto, la paix, la haine des Américains, la droite nazifiée, la diabolisation des armes à feu, l'Alberta dégueulasse, etc.). Je ne suis pas certain que ces vieux canassons vont se rendre au fil d'arrivée dans la course électorale qui commence.
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Jacques Brassard
Ex-ministre péquiste de 1994 à 2002, l'auteur est chroniqueur pour Le Quotidien à Chicoutimi, journal dans lequel ce texte est également publié aujourd'hui.


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