Les textes qui ont enragé Lucien Bouchard

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Les comptes en souffrance, au propre et au figuré

Les textes qui ont enragé Lucien Bouchard

Une lecture fortement recommandée à ceux qui voudraient approfondir les raisons de l’attaque injustifiée de la plupart des membres de l’Assemblée Nationale contre Yves Michaud en décembre 2000. On se souviendra que cet homme de parole, patriote et humaniste voulait l’investiture comme candidat du Parti Québécois à une élection partielle et qu’il dérangeait certains notables… / Jean-Luc Dion
LE CONGRÈS DU MIROIR / EXTRAITS (2) / Pages 24 - 33
Après m’être accordé un moment de réflexion à la suite du congrès du Parti Québécois en 1996, après être allé au fond des choses et avoir analysé sereinement le discours de clôture du président, j’en arrive à la conclusion que ce n’est pas le parti qui doit changer mais M. Bouchard lui-même, dans la forme et le fond de ses relations personnelles avec les militants qui l’ont couronné chef, il y a à peine un an.
J’ai voté la confiance au président du parti lors du congrès, nonobstant nos divergences sur la cadence des réformes urgentes de la loi 101 et de la loi 86. J’ai voté la confiance parce que je crois encore que le temps venu, M. Bouchard peut amener une majorité de Québécois à voter en faveur de la prise en main de leurs affaires, ce qui s’appelle tout bonnement la souveraineté.
Mais M. Bouchard, si charismatique, si messianique soit-il, ne pourra pas faire cela tout seul. Un excellent cavalier sans monture ne va pas très loin, et comme dit la chanson, la marche à pied, ça risque d’user les chaussures énormément. La monture de M. Bouchard, c’est le Parti Québécois, un pur-sang rétif, fringant, nerveux, difficile à monter, réfractaire au fouet, mais capable de remporter toutes les courses à obstacles s’il se sent aimé et apprécié de son maître.
Le Parti Québécois, c’est des dizaines de milliers de militants qui font à longueur d’année du porte à porte dans les rues sales et transversales de Montréal, dans les villes et les villages du Québec, qui entretiennent la flamme, alimentent l’espoir, en plus de servir de pompes à fric lors des campagnes de financement.
On ne changera pas la nature profonde du PQ. Il est né comme ça, avec son pedigree, son code génétique, sa culture, sa tradition et son histoire. Profondément enraciné dans les masses populaires dont il se fait l’écho, rouspéteur, parfois revendicateur jusqu’à l’agacement, il n’en est pas moins un formidable cheval de course, toujours prêt à répondre à l’appel du clairon et à prendre rapidement la première position sur la piste, mais il ne marchera jamais à la trique et au fouet. Lui aussi, comme son maître, a besoin d’amour; il a besoin qu’on lui caresse quelquefois le col avec affection, de sorte qu’il ne se sente pas uniquement une bête de somme ou un cheval de trait corvéable à merci, utilisé sans ménagement à tous les labours ingrats. Lucien Bouchard aurait intérêt à s’ajuster à sa monture. Il doit comprendre qu’une aussi belle bête, d’aussi belle race, risque parfois de ruer dans les brancards, d’être réfractaire à des appels à la discipline qui sentent le roussi de nos anciens collèges où des pères fouettards étaient commis à la surveillance des élèves turbulents.
J’ai peine à le dire, mais j’ai éprouvé un certain malaise en écoutant le discours de clôture de M. Bouchard à la fin du congrès de 1996. Les propos qu’il a tenus n’étaient ni rassembleurs ni propices à renforcer l’unité du parti. Le PQ n’a jamais été et ne sera jamais, contrairement aux autres partis politiques, un cénacle d’adoration mutuelle. Il faut faire et vivre avec. S’il devait changer, ce serait pour se renier, rendant ainsi le débat démocratique futile et sans substance. Ce n’est sûrement pas le but poursuivi par le premier ministre. S’il veut aller loin, ce que nous souhaitons avec lui, il devra ménager un peu plus sa monture.
NOTE :
On arrive maintenant à l’énoncé de quelques évidences que la rectitude politique imbécile interdisait à M. Michaud… La bêtise teinté de lâcheté qui l’a fait condamner sans l’entendre, au mépris de la justice et de l’honnêteté les plus élémentaires.
LA RÉPUBLIQUE DE CÔTE-SAINT-LUC !
Les membres du conseil municipal de Côte Saint-Luc ont proposé qu’un référendum soit tenu auprès des contribuables de cette ville visant à ce que cet îlot anglophone de l’ouest de Montréal demeure rattaché au Canada dans l’éventualité où un « oui » en faveur de la souveraineté du Québec l’emporterait lors d’une prochaine consultation nationale.
Une initiative de ce genre a avorté dans les villes de Beaconsfied et Hampstead au grand désappointement de l’éditorialiste de l’hebdomadaire Suburban qui accuse les édiles de ces deux villes de ne pas se tenir debout. Ces dernières, respectant la loi des cités et villes du Québec, ont jugé que pareille question n’était pas de leur ressort, les référendums à l’échelle municipale ne devant porter que sur des sujets locaux, par exemple un règlement d’emprunt pour des travaux d’aqueduc, un changement de zonage, les permis pour de nouveaux commerces, etc.
On ne craint pas les contradictions dans l’ouest de l’île de Montréal, c’est le moins que l’on puisse dire. Le Suburban coiffe son soutien à cette initiative folichonne du joli titre de: «Le pouvoir du peuple triomphera »!
Alors qu’on nous rabat les oreilles depuis des années sur la fameuse primauté du droit et le respect de la constitution canadienne, les activistes du West Island fondent leur argumentation à l’échelle municipale sur la préséance du pouvoir du peuple sur les lois existantes. Or c’est précisément ce que plaide le gouvernement du Québec en ne reconnaissant pas à la Cour Suprême du Canada le pouvoir de décider de l’avenir du peuple québécois.
Le journal crie au scandale sur l’éventuelle perte du statut de ville bilingue de Rosemère, conformément à la loi, parce que la population anglo-québécoise a glissé sous la barre des 50%. En somme, la majorité de langue française est rigoureusement tenue de respecter les lois, tandis que la minorité anglo-québécoise, en sa qualité de « société distincte », peut en toute impunité les transgresser et se comporter comme si elles n’existent pas. Ce genre d’attitude est sans doute une version corrigée et améliorée du fameux fair-play britannique.
Là où le journal dépasse les bornes, c’est lorsque qu’il demande à la minorité juive, majoritaire dans Côte Saint-Luc, « de s’impliquer comme telle dans le débat, elle qui a toujours été en première ligne de la défense du droit des minorités » (sic)! En termes clairs, cela s’appelle une incitation au racisme ethnique et religieux. Les citoyens de cette municipalité ont tous les droits de participer au débat à ce titre, mais non en fonction de leurs affinités ethniques ou religieuses. On a vilipendé Jacques Parizeau parce qu’il avait fait le soir des résultats du référendum le constat, sans commentaire, que la défaite était attribuable à l’argent et à des votes ethniques. Et voilà que l’on exhorte les citoyens de confession juive d’une municipalité du Québec de s’impliquer dans une question politique du fait de leur appartenance religieuse. Dangereux! Dangereux! Dangereux!
LA CHASSE AUX SORCIÈRES
Les inquisiteurs d’un groupe d’extrême droite au service du B’Brith, organisme relié au Congrès juif du Canada, réclament que l’on débaptise la station de métro Lionel-Groulx, en raison de propos malveillants que le maître à penser de deux générations de Québécois aurait tenus dans les années 1930 sur le peuple juif. Dans la foulée d’une campagne de haine aussi grotesque, le B’Brith pourrait peut-être suggérer que l’on débaptise la place Charles-de-Gaulle-Étoile à Paris et les milliers de rues et d’avenues qui portent son nom illustre dans les six coins de l’Hexagone et à travers le monde parce qu’il a déjà qualifié le peuple juif de « peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur » en faisant allusion à l’implantation des Juifs au Proche-Orient. En plus de débaptiser la station Lionel-Groulx, on pourrait y donner le nom de cet excellent ami des Québécois, Mordecaï Richler. Une autre suggestion intéressante serait que l’on donne le nom de Howard Galganov à la place Jacques-Cartier, d’Ariel Sharon au boulevard René Lévesque, et tout le reste à l’avenant. On ferait ainsi preuve de « tolérance », mot commode pour excuser tous les abandons et effacer tous les repères de notre histoire.
Pour revenir au chanoine Lionel Groulx, ses détracteurs se gardent bien de citer les propos de ce dernier invitant les Québécois « à posséder comme les Juifs leur âpre volonté de survivance, leur invincible esprit de solidarité, leur impérissable armature morale ». L’historien donnait alors l’exemple du peuple juif comme modèle à suivre pour que les Québécois affirment leur propre identité nationale et assument pleinement l’héritage de leur histoire, ajoutant que « l’antisémitisme était une attitude antichrétienne et que les chrétiens sont en un sens spirituellement des sémites». Avouez que comme propos antisémites, l’on pourrait facilement trouver mieux!
Il y a dans cette cabale du B’Brith, qui heureusement n’est pas représentative de la totalité de nos concitoyens de religion juive, des relents de haine, des ferments d’intolérance, des graines de discorde et de division semées à tous vents contre le peuple québécois et les valeurs qu’il attache à son passé et à ses racines. Cette sorte de terrorisme intellectuel vise à nous culpabiliser d’être ce que nous sommes, à nous faire nous sentir honteux de parler la langue que nous parlons et à laisser entendre aux quelque deux millions et plus de Québécois qui souhaitent devenir maîtres chez eux qu’ils commettent un « crime contre l’histoire de l’humanité », reprenant ainsi les paroles insensées d’un ancien premier ministre du Canada.
Il est temps que ce genre de chasse aux sorcières cesse, et le plus tôt sera le mieux. On botte les fesses du peuple québécois depuis deux siècles et demi. Ce n’est pas tellement long en comparaison de deux millénaires d’errance du peuple juif, mais cela fait mal tout de même...
LE VOTE ETHNIQUE
Un document officiel du Directeur général des élections au Québec relativement aux résultats du référendum du 30 octobre 1995 explique beaucoup de choses:
Notamment, la réaction de Jacques Parizeau le soir du référendum, au sujet de l’argent et des votes ethniques, et ultérieurement cette sorte d’activisme qui voisine parfois l’hystérie collective dans des coins du Québec à forte majorité autre que de langue française.
Dans la municipalité de Côte Saint-Luc, encore elle! où les membres du conseil municipal ont adopté une résolution visant à tenir un référendum local dans l’éventualité d’un « oui» majoritaire à un scrutin sur la souveraineté, douze bureaux de votation n’ont enregistré aucun « oui » au scrutin populaire de 1995.
Section de vote 4 - Oui: 0 Non: 212
Section de vote 25 - Oui: 0 Non: 163
Section de vote 30 - Oui: 0 Non: 193
Section de vote 31 - Oui: 0 Non: 173
Section de vote 32 - Oui: 0 Non: 203
Section de vote 39 - Oui: 0 Non: 146
Section de vote 56 - Oui: 0 Non: 189
Section de vote 58 - Oui: 0 Non: 239
Section de vote 65 - Oui: 0 Non: 172
Section de vote 66 - Oui: 0 Non: 188
Section de vote 83 - Oui: 0 Non: 183
Section de vote 38 - Oui: 0 Non: 214
TOTAL -Oui: 0 Non: 2275
Dans certains bureaux des villes de Hampstead, de Montréal-Ouest, de Dollard-des-Ormeaux, c’est du pareil au même. avec des sections de vote de plus de deux cents électeurs où il n’y pas un seul vote en faveur du oui!
Certes, chacun est libre de voter comme il l’entend, mais il me semble que la démocratie doit reposer sur un certain équilibre des forces et des opinions qui sous-tendent le débat public. Les circonscriptions québécoises de majorité de langue française ont manifesté cet équilibre en votant à 60 % pour le « oui » et 40% pour le « non »». On ne peut pas dire devant ces résultats, à moins d’être d’une absolue mauvaise foi, qu’il y eut un vote ethnique chez les Québécois dits de « souche ».
Alors que c’est à l’évidence le contraire dans certaines communautés autres que de langue française. Qu’il n’y ait pas un seul vote favorable au « oui » dans 12 bureaux de votation sur un total de 2275 votants, on peut raisonnablement constater qu’il y eut un vote ethnique contre la souveraineté. Ce n’est pas le plus bel exemple d’exercice démocratique à citer. Le constater, le dire, voire le regretter, n’est pas une infamie quoiqu’en pensent et quoiqu’en disent les zélotes du discours « politiquement correct ». Une telle unanimité ne me paraît pas saine et n’est guère susceptible de favoriser une meilleure entente entre des citoyens qui devront bien apprendre à vivre ensemble avec leurs divergences et leurs confrontations mais sans haine et sans rejet de l’autre. À cet égard, le référendum de 1995 fut loin d’être exemplaire.
* * *
Textes numérisé par Jean-Luc Dion


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    7 janvier 2015

    Les résultats du vote (oui=0 non=2275) démontrent bien que dans cette ville il n'était question de démocratie. En démocratie, l'unanimité n'existe pas. Nous avions alors et encore aujourd'hui, affaire à une clique de racistes "dominateurs et sur d'eux-mêmes" comme le disait le général De Gaulle.
    Les membres de cette clique s'ils le pouvaient, exerceraient encore aujourd'hui la traite négrière au mépris de toutes les règles élémentaires de morale. Étant intouchables, se sachant protégés par un fabuleux réseau passé maitre dans l'art du terrorisme mémoriel, ils se croient évidemment tout permis puisque pour eux, les Québécois sont des êtres méprisables qui ne se défendront pas de toute façon. Mieux, ils tendront l'autre joue.
    Ils faut les entendent sur CJAD, Dans la Gâzette et le Suburban de l'hurluberlu Beryl Wajman. Ils tiennent ce discours sans frapper d’opposition aucune. L'inverse serait évidemment impensable.
    Rappelez-vous la réaction hystérique des médias suite à la fameuse déclaration de Parizeau. Pourtant, l'histoire lui a donné raison à 100%. Ces médias n'ont pourtant jamais fait amende honorable.

  • Michel J. Dion Répondre

    6 janvier 2015

    Excellents rappels et excellentes précisions, qui devraient porter à réflexion. Merci à vous, Jean-Luc.