Récemment, à l’émission Tout le monde en parle de Radio-Canada, le président du Conseil du trésor, le libéral Martin Coiteux, a, comme c’est son habitude, déballé des énormités sans que pratiquement personne ne rouspète pour la peine ou, encore mieux, ne conteste les élucubrations fiscales, économiques et sociales du ministre libéral.
Il est vrai que ces domaines, vitaux pour la société que sont la fiscalité et l’économie, ne sont pas la tasse de thé des animateurs qui sont plus versés dans les «arts», la «culture», la «philosophie» et autres potins. La fiscalité, ce n’est pas tellement accrocheur, vous en conviendrez avec moi. C’est beaucoup mieux pour les cotes d’écoute de parler de la vie sexuelle d’un tel ou d’une telle. Absence de connaissances conjuguée avec un ministre que je qualifierais de suffisant, ça fait que les animateurs n’osent pas «challenger» certains de leurs invités. Loin d’être cartésien, rigoureux et pragmatique, Martin Coiteux est avant tout selon moi un idéologue.
Pas de riches au Québec. Vraiment?
Me semble que les journalistes, les animateurs et les chroniqueurs l’ont entendu un million de fois la légende qu’au Québec, il n’y a pas de riches, ou si peu, qu’il ne vaille pas la peine de les taxer davantage surtout qu’ils, toujours selon le conte, sont déjà surtaxés. Toujours la même cassette larguée par les nantis et leur artillerie. Nos amis des médias restent encore bouche bée face à ces arguments primaires et artificiels.
Pas un impôt sur le nombre, mais sur la richesse
Mes amis, il est vrai qu’il y a peu de très riches individus au Québec, comme partout ailleurs. Mais, ces immensément «pleins» qui représentent à peine 1% de la population détiennent la majorité de la richesse au Québec, au pays et dans le monde comme le souligne le titre de ces articles: «Rapport de l’OCDE. Canada, au pays du grand écart. Les inégalités de revenu se creusent, les plus riches accaparant une part disproportionnée de la richesse créée» (Le Devoir, 1er mai 2014). Et aussi: «Mise en garde. Le Canada doit agir contre la montée des inégalités, dit la Banque TD. La fiscalité canadienne gagnerait à être plus progressive» (Le Devoir, 25 novembre 2014).
Il aurait pourtant été si facile pour les animateurs et tellement plus informatif pour les auditeurs de simplement faire remarquer à Martin Coiteux que l’impôt sur le revenu porte bien son nom, en ce sens que c’est un impôt sur le revenu ou sur la richesse et non un impôt sur le nombre. Guy A. Lepage ou Dany Turcotte auraient pu et auraient dû demander au ministre de leur fournir la richesse détenue ou les revenus économiques, et non seulement fiscaux de ce petit nombre de super-riches, afin de vérifier empiriquement si ces notables prétendument surtaxés le sont vraiment. Dans les faits, ils ne le sont pas. Très souvent, ils ont même un taux d’impôt sur le revenu effectif (donc effectivement payé) moins élevé que le travailleur ordinaire en raison des nombreux abris fiscaux et aussi de l’utilisation des paradis fiscaux, des vaches sacrées strictement réservées à l’élite économique. Au moins, la troisième fortune du monde, l’américain Warren Buffet a eu l’honnêteté et la décence de dire qu’il avait eu un taux d’impôt réel (et non légal ou statutaire) inférieur à ceux de sa secrétaire et de sa femme de chambre.
Le Québec, une province de «classe moyenne»
Monsieur Coiteux se sentant très à l’aise à l’émission Tout le monde en parle, dans une ambiance chaleureuse où les animateurs buvaient littéralement ses paroles, s’est même permis de dire qu’au Québec, il n’y a que des représentants de la classe moyenne. Il y a ici même dans la province très peu de riches et si peu de pauvres. C’est complètement déconnecté de la réalité, pour ne pas dire que c’est monsieur Coiteux qui l’est. Le Québec serait donc, toujours selon lui, le seul endroit au monde où il y a une parfaite égalité de la richesse et une parfaite redistribution de la richesse. Vivrions-nous dans un pays communiste sans que je le sache?
Tiens, je vais jouer à l’animateur et adresser une question à monsieur Coiteux comme si j’avais été invité à être sur le plateau de Tout le monde en parle et que j’aurais été moins complaisant (ce qui n’aurait pas été difficile), juste en faisant usage d’un minimum de sens critique salutaire et nécessaire pour tout interview. Ainsi, j’aurais pris la balle au bond et j’aurais donc souligné à monsieur Coiteux que si au Québec il n’y a pas ou très peu de riches et de pauvres, et principalement que des représentants de la classe moyenne, le ministre n’aurait donc aucune objection à abolir certains abris fiscaux que la classe moyenne n’utilise pas du tout, comme les options d’achats d’actions, l’incorporation, les fiducies familiales, les gains en capitaux, les REER à 26 000$ (que l’on pourrait ramener à 10 000$ l’an), le fractionnement du revenu, le CELI, le gel successoral, etc. Et, tant qu’à faire, aussi à interdire l’utilisation des paradis fiscaux pour évacuer des revenus pratiquée uniquement par les potentats qui n’existent supposément pas au Québec, selon les d(él)ires du ministre libéral. Monsieur Coiteux, s’il y a si peu de riches au Québec et seulement des gens de la classe moyenne, dites-moi donc qui au juste a recours à ces abris fiscaux et à ces paradis fiscaux qui privent le Trésor québécois de plusieurs milliards chaque année?
C’est quoi au juste la classe moyenne?
Tiens, tiens, je lis le titre de cet article du Journal de Montréal du 10 septembre 2014 qui souligne que: «46% des salariés québécois vivent d’une paie à l’autre». Probablement que, pour monsieur Coiteux, le seul fait de «vivre» et d’«exister» fait de vous un représentant de la classe moyenne. Il y a aussi Statistique Canada qui a mentionné que: «La classe moyenne ne s’enrichit pas. Depuis 25 ans, son revenu médian n’a augmenté que d’un pauvre 53 $» (Journal de Montréal, 2 mai 2008). Enfin, il y a: «Aucun gain salarial pour les travailleurs en 30 ans!» (Le Devoir, 1er mai 2010). Probablement que pour monsieur Coiteux, pour faire partie de «sa» moyenne, il faut gagner un gros 20 000 $ par année. Alors, même si leurs salaires réels régressent, ils font toujours partie de la classe moyenne. Ah! ben là, je commence à «catcher» les subtilités profondes de Martin Coiteux.
À la recherche du dernier riche du Québec
Monsieur Coiteux et d’autres qui s’y apparentent affirment continuellement, sans aucune gêne, qu’il y a pas ou très peu de riches au Québec afin de vous anesthésier et de, n’ayons pas peur des mots, vous fermer le clapet (notez combien je suis poli). Tiens, tiens, puis-je proposer une nouvelle émission à la télévision qui s’intitulerait: «Cherchez le riche»? J’attends les offres.
Simplement en lisant sommairement nos quotidiens, pas besoin de faire une étude exhaustive pour les contredire. On peut facilement dénicher plusieurs riches au Québec qui ont un taux d’impôt sur le revenu inférieur à la classe moyenne grâce aux options d’achats d’actions, aux gains en capitaux dont l’impôt est reporté dans 20 ans grâce à l’achat d’instruments financiers, à l’incorporation, au fractionnement de revenu, etc. Voilà: j’ai seulement consulté les journaux du dernier mois (mars et avril 2015) et, oups, j’ai vu comme titres d’articles ce qui suit:
-«SNC-Lavalin. 12% de plus (15,2 millions $) pour les hauts dirigeants» (10 avril 2015);
-«Bombardier. Plus de 17 millions US pour les dirigeants» (1er avril 2015);
-«Banque Nationale. 26,5 millions pour les cinq principaux patrons» (6 mars 2015);
-«Banque de Montréal. 32,5 millions pour les hauts dirigeants» (10 mars 2015);
-«Quebecor. Les hauts dirigeants bien récompensés en 2014 (25,7 millions)» (11 avril 2015).
Probablement que pour monsieur Coiteux, ceux qui gagnent moins de 10 millions de dollars par année font aussi partie de la classe moyenne. N’importe quoi... Il dit le contraire de la réalité et malheureusement il en impressionne plusieurs.
Martin Coiteux à la défense du gratin
En 2012, donc avant son entrée triomphale en politique avec Philippe Couillard, soit du temps où il était professeur aux HEC Montréal (une quasi-filiale du patronat, si vous voulez mon avis) et chroniqueur régulier à La Presse, il avait pondu cette mise en garde au gouvernement péquiste: «Le gouvernement Marois ne devrait pas taxer davantage le gain de capital et les dividendes, ni exiger plus de redevances minières» (La Presse, 19 septembre 2012). Il aurait dû dire exiger des redevances minières et non «plus de redevances», car le Québec n’en collecte pas. C’est connu, monsieur Coiteux préfère, comme le patronat, tarifier les services publics et les taxes de vente plutôt que l’impôt sur le revenu issu de la détention de capitaux. Pourtant, Barack Obama aux États-Unis et d’autres pays européens ont justement taxé davantage les gains de capitaux et Hilary Clinton veut faire de même si elle est élue future présidente démocrate des États-Unis.
Je suppose qu’il ne veut pas taxer davantage les revenus de capitaux qui sont beaucoup moins taxés que les revenus du travail afin de privilégier la classe moyenne? Ben non, comme c’est son habitude, Martin Coiteux veut ménager et faire plaisir à la classe dominante avec, comme probable et possible retour d’ascenseur une belle grosse job, comme plusieurs autres élus avant lui, dans le secteur privé à la fin de son stage politique. Je lance le pari?
Monsieur Coiteux sait-il, qu’au pays, Statistique Canada nous dit que le 20% des gens les plus riches détiennent 94% des actifs financiers (actions, obligations, etc.), le deuxième 20% les plus riches en détient 5% et le 60% restant possède un gros 1% des actifs financiers au Canada? Alors, ma question est la suivante: À qui profite vraiment ce formidable abri fiscal qui fait que seulement la moitié des gains en capital sont imposables et pour certains très aisés, ils peuvent même reporter le peu d’impôt sur le revenu qu’ils auraient à payer sur ces revenus de capitaux dans 20 ans en achetant des instruments financiers vendus par toutes les bonnes banques au Québec et même par la «coopérative» bancaire Desjardins? Et vous savez fort bien qu’un dollar payé dans 20 ans plutôt qu’aujourd’hui ne vaut rien. Ça revient à dire que sur des gains de capitaux s’élevant à des dizaines et même centaines de millions dollars réalisés par nos gras dur, il n’y a, dans les faits, aucun impôt sur le revenu à payer tandis que le travailleur ordinaire doit en payer beaucoup sur son maigre revenu du travail. Fiscalité progressive, vous dites?
Alors, pour monsieur Coiteux, pas question de taxer davantage les revenus et la richesse des nantis alors que, oh! bizarre, même la revue américaine très à droite Business Week trouve l’idée pas si mauvaise que ça: «A global tax on the superrich? Maybe it's not such a crazy idea» (20 avril 2014). Puis il y a: «Taxez les riches, dit le FMI» (Le Devoir, 10 octobre 2013). Et enfin, il y a: «Obama proposera d’imposer davantage les riches» (La Presse, 19 janvier 2015). Bah, pour Martin Coiteux, Carlos Leitao et Philippe Couillard, le FMI, Business Week et Barack Obama sont des communistes qui sont jaloux de la «réussite» des riches et qui veulent s’attaquer gratuitement et vicieusement à nos créateurs de richesse. Dire que Martin Coiteux et Philippe Couillard prétendent poser des gestes pour le bien des générations futures... C’est légitime d’en douter.
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