Les soirées sont longues à Hérouxville

Par Michel Leclerc

Hérouxville - l'étincelle


Si on manquait d'un village gaulois au Québec, nous en avons maintenant un. Je ne comprends pas l'objectif visé par les «normes officielles» de la municipalité. Cette croisade prend l'allure de coups d'épée dans l'eau avec tous ces interdits qui n'appartiennent pas aux prérogatives municipales. Vraiment, les soirées sont longues à Hérouxville.
Ce qui me déçoit, c'est qu'on stigmatise la communauté musulmane, et seulement la communauté musulmane. Pourtant plusieurs de ces «normes municipales» ne sont absolument pas dans le décor. La charia par exemple : l'Assemblée nationale a déjà statué sur le sujet; une motion unanime présentée par Mme Houda-Pepin, musulmane, réaffirme que ce sont les lois civiles québécoises qui s'appliquent au Québec. La proposition d'introduction de la charia nous venait de l'Ontario et d'une femme de surcroît, mais je suis convaincu que la motion unanime de notre Assemblée nationale a fait réfléchir le ROC (Rest of Canada) qui n'en est pas à la première dérive du genre au nom du multiculturalisme.
Cette saga est liée au psycho-drame du mois de janvier sur les accommodements raisonnables avec comme toile de fond le très douteux sondage Léger Marketing, Il faut admettre que de ce sondage est sorti au moins un résultat rafraîchissant sur le sujet des accommodements raisonnables : soit le fait qu'il y avait au moins les trois quarts des membres des communautés culturelles qui ne nous demandaient pas de jeter à la poubelle ce que nous avons été et ce que nous sommes encore comme société québécoise. Cela aurait dû rassurer le conseil municipal d'Hérouxville. Il faut croire que non.
Et nos valeurs d'inclusion ?
Il faudrait rappeler au conseil municipal d'Hérouxville que les lois criminelles canadiennes et les lois civiles québécoises continuent de s'appliquer et que les accommodements raisonnables en font partie. Et ne pas oublier que dans les mots «accommodements raisonnables», il y a le mot «raisonnable». Une femme indienne, qui demande un médecin femme pour être traitée d'urgence à l'hôpital, pourra l'obtenir s'il y en a une de disponible. D'ailleurs, il ne faut pas s'exciter le pompon avec ce sujet ; vous en connaissez beaucoup des madames qui dans les hôpitaux aiment se faire laver par des hommes ; des bonnes chrétiennes, faut-il le dire. Alors ...
J'insiste, même si les débats du mois de janvier ont peu fait ressortir cet aspect : les accommodements raisonnables font partie intégrante de nos lois et découlent de l'application des chartes canadiennes et québécoises. Le kirpan à l'école ; dommage pour Hérouxville, mais il y a un jugement de la cour suprême sur le sujet. Comme il y a des accommodements raisonnables pour les personnes handicapées et les femmes enceintes. En matière d'accommodements raisonnables, le Québec a une politique bien définie que le conseil municipal d'Hérouxville aurait intérêt à consulter. Je ne vois pas comment vous pourrez interdire un lieu de prière musulman, car il faudrait aussi interdire l'église de n'importe quelle confession, protestante comme catholique, sur votre territoire, le temple bouddhiste, la synagogue, et que sais-je encore. À mon avis, certaines de vos mesures sont illégitimes car elles attaquent nos valeurs pluralistes qu'on s'est donné, nos valeurs de société inclusive dont on fait la promotion.
Je répète, le conseil municipal d'Hérouxville devrait être rassuré. Les lois criminelles canadiennes et les lois civiles québécoises continuent de s'appliquer. Quand je donnais de la formation aux policiers, un jour on me demanda : «Oui mais quand j'ai arrêté un tel pour violence conjugale, il m'a dit que le Coran lui permettait de battre sa femme». Ma réponse : «À ce que je sache le Coran ne permet pas la violence conjugale et même s'il le permettait, dans une société laïque comme la nôtre qui s'est donné des valeurs d'équité des sexes, il est clair que la violence conjugale ne fait pas partie de ces valeurs». C'est le devoir de votre corps policier de voir à l'application de nos lois et vous n'avez pas besoin d'un édit municipal pour le faire, surtout quand cet édit sent le préjugé à plein nez.
Compromis ou compromissions ?
Ce que vous avez le droit par contre d'interroger, ce sont les ajustements, les compromis et parfois les compromissions, qui ne sont pas des accommodements raisonnables : bref toutes ces choses que les trois quarts des membres de communautés culturelles ne nous demandent pas de changer. Le sapin de Noël (histoire de la juge de Toronto et de l'aéroport de Seattle), le Joyeux Noël déguisé en Joyeuses Fêtes, les vitres givrées d'un gymnase, l'absence des hommes aux cours prénataux, etc.
Pour le voile, il faut distinguer ; il y a le voile et le voile intégral. Interdire le voile vous mettrait dans la situation d'interdire l'accès de personnes compétentes à des postes où le Québec a besoin de ces personnes. Saviez-vous que l'épouse de Maher Arar possède un doctorat en économie et, si je ne fais pas erreur, elle enseigne dans une université en Colombie-Britannique ? L'interdiction par contre du voile intégral m'apparaît justifié dans un service public et souhaitable dans un service privé.
Nous avons choisi, contrairement à la France, de permettre les expressions individuelles de toutes les religions dans des institutions publiques qui doivent être laïques. Nous jugeons au Québec que cette stratégie est intégratrice et évite de pousser les nouveaux arrivants dans des environnements intégristes dont ils ne se sortiront plus. Je continue de croire que c'est la meilleure approche dans le respect des convictions de chacun et de chacune.
Vraiment, je trouve que le conseil municipal d'Hérouxville a joué au Don Quichotte en émettant ces «normes» superfétatoires et que le parti politique provincial, qui est censé avoir fait appel aux bons services de l'initiateur de cette charte!!! municipale, aurait intérêt à ne pas donner suite à sa proposition.
Michel Leclerc
Formateur en communication interculturelle
Québec
29 janvier


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