Je suis un homme de région et un Québécois enraciné. Mais je trouve lamentable et choquant le débat venu de Hérouxville. À l'heure où nous entrons dans la plus grande migration humaine et le processus de métissage le plus important de toute l'histoire de l'humanité, j'ai l'impression d'être ramené 50 ans en arrière, à l'époque de la grande noirceur et de la peur des étrangers et de l'extérieur si longtemps entretenue par le clergé et nos élites, pour protéger notre identité canadienne-française-catholique et rurale dans une Amérique anglophone-protestante-industrielle et urbaine.
Le Québec d'aujourd'hui, aussi bien en campagne qu'en ville, n'a plus rien à faire avec cette société fermée et peureuse. Les jeunes Québécois sont désormais affranchis de la peur de disparaître, ils sont sûrs d'eux-mêmes et ils s'affirment ici et partout dans le monde avec enthousiasme. Les jeunes Montréalais de toute origine se côtoient, parlent québécois et s'accommodent tout naturellement de leurs différences de couleur et de culture. À nous de leur transmettre notre histoire, notre culture et l'amour de notre territoire.
Ce n'est pas Hérouxville qui peut nous apprendre comment s'ouvrir à ce métissage humain qui envahit l'Occident tout en restant nous-mêmes, mais bien Montréal, qui a compris déjà que nous avons tous à gagner de ce partage des cultures. Nos dirigeants ont la responsabilité d'encadrer ce processus d'intégration. Cela ne peut se faire sans accommodements et, bien sûr, sans qu'il faille, à certains moments, établir des balises pour éviter l'intolérance aussi bien que l'envahissement des intégrismes religieux et culturels et la formation de ghettos.
En région, nous avons tous à apprendre de Montréal à ce chapitre, d'autant plus que les villages traditionnels et dépeuplés ont à faire face à une réalité semblable avec l'arrivée parfois massive des néo-ruraux venus de la ville, métissage non moins délicat et essentiel. "L'étranger a toujours quelque chose à nous apprendre", disait une femme de mon village.
Vigneault a raison de chanter "Ma maison est votre maison et les humains sont de ma race", car le peuple québécois est un peuple naturellement ouvert au monde. Les premiers Français en Amérique ont été séduits par les Amérindiens, et, contrairement aux colons britanniques qui les ont pourchassés, ils se sont métissés avec les autochtones pour explorer l'Amérique d'un bout à l'autre et apprendre d'eux à survivre sur cet immense continent. Les Canadiens-français ont par la suite intégré les vagues successives d'immigration écossaise, irlandaise et autres, et les Québécois que nous sommes devenus sont même en voie d'intégrer lentement la minorité anglophone qui nous dominait hier encore.
Nous n'avons pas besoin du code de vie de Hérouxville pour apprendre à vivre avec les néo-Québécois et les néoruraux. Bien au contraire, le Québec de demain sera appelé à jouer un rôle important dans ce grand mouvement de métissage humain qu'entrevoyait déjà Papineau à la fin de sa vie : «Immigrants de tous les pays du monde... grand pêle-mêle d'erreurs et de vérités, poussés à ce commun rendez-vous pour fondre en unité la famille humaine.»
Je souhaite de tout mon coeur que notre bon sens et notre ouverture d'esprit et de coeur reprennent vite le dessus sur ces voix rétrogrades qui ne représentent ni Montréal ni la campagne d'aujourd'hui, car, comme l'écrit François Vigneault, le fils de l'autre : «Ailleurs, de moins en moins ailleurs ; ici, de moins en moins ici ; nous habitons une distance dont le ciment s'effrite aux racines du coeur.»
Roméo Bouchard
Auteur de Y a-t-il un avenir pour les régions?
Pas besoin du code de vie de Hérouxville
Hérouxville - l'étincelle
Roméo Bouchard33 articles
Coordonnateur de la Coalition SOS-Pronovost Ex-président-fondateur de l'Union paysanne Auteur de Y a-t-il un avenir pour les régions ?
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