Les marmottes

Rabaska



Le gouvernement Charest a encore reporté cette semaine l'adoption des décrets qui permettront le lancement des travaux du terminal méthanier Rabaska à Lévis, pour la seule raison qu'il tient à leur donner un meilleur enrobage politique.
L'opposition citoyenne s'est abondamment fait entendre. Elle a même fait un tapage du diable. Les audiences du Bureau des audiences publiques sur l'environnement (BAPE) ont permis de scruter tous les volets possibles du projet. Les commissaires ont conclu qu'il était acceptable. Les élus de la Rive-Sud sont aussi très majoritairement d'accord, tout comme la population de l'ensemble du territoire, à l'exception des résidents immédiats de la bande de terre affectée par l'installation du terminal. Ces derniers ont déjà été généreusement indemnisés toutefois par les promoteurs. La Commission de protection du territoire agricole a bien demandé des informations additionnelles à la ville mais il assez évident que des commissaires ont voulu se donner ainsi une certaine importance dans ce dossier; toutes les réponses à leurs questions avaient en effet déjà été données lors des audiences du BAPE.
Il ne manquait plus cette semaine que l'adoption des décrets par le conseil des ministres. Frileux, le gouvernement veut maintenant les assortir d'un programme de conversion au gaz, pour mieux faire avaler la pilule aux environnementalistes. Encore une fois, il a eu peur d'avoir peur. Le gouvernement du Québec a laissé ce dossier se salir et la pression monter entre les militants anti-Rabaska et les supporteurs de ce développement économique de 840 millions $. Les élus libéraux, ceux de la région en tête, sont en plus restés en retrait de ce débat, de 2003 jusqu'aux élections de mars dernier, par électoralisme, après la déconfiture subie dans les dossiers sensibles du Suroît et du Mont Orford.
Les promoteurs, quelques groupes d'appui dans le milieu et les gens d'affaires de la région en fin de course, ont dû mener la bataille de l'opinion publique sans appui politique de membres du gouvernement Charest. Il s'agissait pourtant de questions d'intérêt public nationales, soit la santé publique, la sécurité énergétique du Québec, la sécurité du territoire et celle de la voie maritime, sans compter les impacts environnementaux à long terme et les impacts économiques immédiats et à long terme. Les politiciens libéraux n'étaient officiellement ni pour ni contre; ils se sont réfugiés dans leur terrier comme des marmottes plutôt que d'occuper leurs divers champs de juridiction. Ils peuvent débattre des mois de la couleur de la margarine mais ces questions ne méritaient pas leur implication!
Le BAPE s'est par contre acquitté de sa mission d'évaluation et de réglementation des projets et son apport fut très constructif, et instructif. Sans compter qu'il avait déjà forcé les promoteurs, par sa seule existence, à s'autodiscipliner de façon exemplaire. Ce fut le cas sur l'aménagement des sites des réservoirs de gaz; sur la préservation de superficies agricoles équivalentes à celles utilisées, sur la planification d'un schéma d'aménagement des sites en fonction des services de sécurité publique, etc. Le critère de l'acceptation sociale des projets amène maintenant les promoteurs sérieux à multiplier les adoucissements des impacts de leurs projets. Les propriétaires affectés sont aussi traités avec beaucoup de respect. Nous sommes à des années-lumière de la grande déportation des expatriés de Mirabel.
Certains militants irréductibles auront encore le goût de continuer le combat devant les tribunaux. Pour d'aucuns, leur «religion» leur commande de combattre tout développement économique. Ce sont les mêmes «talibans» qui prédisaient l'apocalypse lors de la construction d'une mini-centrale hydroélectrique aux Chutes-de-la-Chaudière. D'autres sont des environnementalistes plus sérieux et crédibles, pour qui le rejet gouvernemental de Rabaska aurait été un premier pas québécois dans la poursuite d'objectifs mondiaux de lutte aux effets de serre. Ils font un travail de conscientisation très louable et ils respectent les organismes de régulation, comme le BAPE. Le «jusqu'au-boutisme» est toujours nuisible sur le plan social. Il y aura un «après-Rabaska» et il faut protéger notre capacité de mener des débats sur le plan régional, sans que les gens se dressent aveuglément les uns contre les autres peu importe le mérite de chaque projet. La bataille est terminée au fond.
Si les marmottes peuvent sortir de leur trou bientôt, cela facilitera les choses.


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