Le chef conservateur Stephen Harper ne pouvait y échapper. À la veille des derniers débats, alors que son parti grimpe dans les sondages, on s'intéresse à lui de plus près. Et le résultat peut être très intéressant. Ainsi, on apprenait dans le Globe and Mail, sous la plume de Brian Laghi, comment le chef conservateur a su tirer les leçons de la dernière campagne. Alors que le chef libéral Paul Martin s'appuie sur la même équipe qui l'a fait élire chef en 2003 et premier ministre en 2004, Harper a accepté de s'entourer d'une équipe plus diversifiée et expérimentée qu'en 2004 et de la mettre sous la gouverne d'un nouveau chef de cabinet, Ian Brodie. Cela a aussi conduit à l'inclusion dans l'équipe qui voyage avec le chef de deux sénateurs conservateurs modérés et proches de Brian Mulroney, Hugh Segal et Marjorie LeBreton. Finalement, Harper a convenu qu'il ne pouvait tout contrôler et a laissé à d'autres les rôles de stratégistes, de communicateurs et de coordonnateur.
Et pour inspiration, le PC a examiné de près l'élection australienne de 2004 qui a permis au premier ministre John Howard de conserver le pouvoir avec un nombre accru de sièges. Un des principaux stratèges de Harper y a vu des choses dont le PC pourrait s'inspirer au point de faire appel informellement et sporadiquement au directeur du parti de Howard, Brian Loughnane. Un des éléments qui a intéressé le PC est la façon dont le parti de Howard s'est attiré la faveur des électeurs hésitants. De là vient l'idée de cibler de façon stratégique les réductions de taxes.
Il y a eu en plus le recentrage du parti amorcé au congrès de mars dernier. Selon Doug Saunders, toujours dans le Globe, il ne s'agit toutefois pas d'un phénomène unique au PC. Il constate que les partis conservateurs de Grande-Bretagne et d'Allemagne, entre autres, adoptent de plus en plus des positions dites libérales. Cela serait dû au fait que, depuis 20 ans, le centre politique s'est déplacé vers ce qui était considéré comme la gauche dans plusieurs dossiers, lui ont confié politologues et sondeurs. «Les électeurs ne voient plus les faibles impôts et la responsabilité fiscale comme l'objectif central de la politique. Autour du monde, encouragés par la croissance économique et inquiets des changements démographiques, ces électeurs se tournent vers les programmes sociaux et des enjeux dits de principe qui étaient considérés comme l'apanage des partis progressistes.» Il y a 25 ans, c'était l'inverse, les révolutions reaganienne et thatchérienne poussant les libéraux à se montrer plus conservateurs. Ce qui fait qu'aujourd'hui le PLC est dirigé par un ancien magnat du transport maritime alors que le PC a à sa tête un économiste de la classe moyenne.
Malgré l'attention portée à Stephen Harper, Paul Martin n'échappe pas à l'examen. Don Martin écrit dans le National Post que le chef libéral récolte en quelque sorte ce qu'il a semé en menant une guerre sans merci à Jean Chrétien pendant des années. Victime de fuites qui tuent dans l'oeuf ses annonces, l'équipe Martin en est rendue à soupçonner d'anciens fidèles de Chrétien pour le torpillage de sa campagne. Beau témoignage de l'état des lieux au sein du PLC ! Selon Don Martin, Paul Martin sait qu'il ne lui reste qu'une bouée pour sauver son gouvernement -- et encore faut-il que les conservateurs la lui offrent -- à savoir un dérapage de la campagne Harper. Une répétition en somme de 2004. Mais pour l'instant, c'est celle de Martin qui bute jour après jour sur de nouvelles tuiles et pas toujours posées par ses adversaires.
Commentateur de la CBC, Rex Murphy avoue être perplexe. Il écrit dans le Globe and Mail qu'il cherche toujours le message clair et percutant qui résumerait ce que les libéraux ont à offrir. En somme, le slogan qui dit tout. À son grand étonnement, il constate que les libéraux n'en ont toujours pas et qu'on ne sait toujours pas vraiment pourquoi il faudrait voter pour eux. «C'est remarquable parce que le Parti libéral est avant toutes autres considérations une machine hautement compétente et professionnelle. Elle gagne des élections. C'est ce qu'elle fait, elle sait faire campagne et a une feuille de route sans égale en politique canadienne pour ce qui est de récolter des majorités.» Murphy ne donne pas les libéraux pour battus, mais il note qu'il leur reste bien peu de temps pour renverser la vapeur.
Et il y a ces fantômes qui ne cessent de sortir de leurs placards. Barbara Yaffe, dans le Vancouver Sun, rappelle à notre mémoire celui de David Dingwall, le président de la Monnaie royale canadienne qui a démissionné après qu'on eut mis en doute certaines de ses dépenses. Son départ n'a fait pleurer personne, mais il a fait enrager beaucoup de gens en affirmant qu'il avait droit à une indemnité de départ même s'il avait quitté son poste de son propre chef. Le gouvernement Martin a affirmé y être obligé, malgré des avis contraires, et les négociations se poursuivent. Yaffe a tenté d'en savoir plus, sans succès. Information privée, lui a-t-on répondu. La réponse ne sera connue qu'après les élections, ce qui fait rager la journaliste qui rappelle qu'il s'agit toujours de fonds publics.
Pendant que les chefs fédéraux parlent de santé, d'éducation, de programmes sociaux -- des responsabilités provinciales --, les affaires autochtones, une responsabilité fédérale, suscitent nettement moins d'intérêt. Doug Cuthand note dans le Star-Phoenix, de Saskatoon, que bien qu'importantes, la santé, la corruption et la criminalité ne sont pas les premiers enjeux pour les autochtones. «La population autochtone est préoccupée par les droits issus de traités, le financement des infrastructures, les questions urbaines et la poursuite des engagements libéraux.» Ces derniers ont pris des engagements totalisant 5,1 milliards sur cinq ans lors d'une conférence des premiers ministres tenue en novembre. Des engagements que les autochtones craignent voir s'évaporer avec l'élection d'un nouveau gouvernement. Cuthand souligne et souhaite que de plus en plus d'autochtones exercent leur droit de vote et, du coup, leur influence. Il relève d'ailleurs que le nombre de candidats autochtones atteint un sommet historique cette année. Le grand chef de l'Assemblée des premières nations, Phil Fontaine, incite les autochtones à voter pour n'importe qui sauf les conservateurs, mais la Fédération des autochtones de la Saskatchewan a choisi de rester neutre. Parce que les leaders devront travailler avec quiconque l'emportera.
Revue de presse
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