Les exils et 15 autres meilleurs extraits de l'hommage de Jean-Martin Aussant

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Homme au «convaincu en chef»





L'ancien député péquiste et chef d'Option nationale, Jean-Martin Aussant, a livré un hommage remarqué à Jacques Parizeau, lors de ses funérailles nationales, à Outremont, mardi après-midi.


Jean-Martin Aussant, reconnu comme le dauphin de Jacques Parizeau dans le mouvement indépendantiste, et extrêmement proche de l'ancien premier ministre, y est allé d'un discours qui rappelle, non pas par son contenu, mais par sa résonance et par ce qu'il annonce peut-être, l'hommage de Justin Trudeau rendu à son père, lors de ses funérailles en octobre 2000.


«S’il y a une chose que son départ devrait amener, c’est la fin des exils. De tous les exils. Qu’ils soient géographiques ou intellectuels», a-t-il lancé, vers la fin de son discours.


Après avoir quitté la formation indépendantiste qu'il avait lui-même fondé, suite à sa désaffiliation avec le Parti québécois, Aussant s'était exilé à Londres afin de retourner à sa carrière de financier international, chez Morgan Stanley International Capital, incapable, disait-il, de trouver du boulot à Montréal, à cause de son implication nationaliste.


Voici 16 passages émouvants et surprenants de son adresse funèbre.





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Le premier ministre Jacques Parizeau appartient pour moi à ces géants politiques que peu de nations dans le monde peuvent se targuer d’avoir connus. Il fait partie de ceux qui créent un avant et un après.


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Un ancien haut placé d’une agence de notation m’avait confié que « Jack Parizeau », par sa simple présence aux commandes de l’État, donnait de la crédibilité au Québec à l’époque du référendum, et qu’il n’y aurait certainement pas eu de décote du Québec en cas de victoire du Oui. Ce n’est pas peu dire.


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Fils du 1%, il a consacré sa vie au 99%, fort de l’idée que l’argent est un bon serviteur, mais un bien mauvais maître. En survolant sa vie, l’élément qui semble le plus l’avoir guidé, toujours, c’est la poursuite d’une certaine justice.


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D’une tendresse insoupçonnée de prime abord, il avait compris que la seule forme de supériorité pour un homme, c’est la bonté.


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J’avais bien compris encore une fois toute son ouverture d’esprit, quand il avait insisté pour que je lui fasse écouter de la musique techno que j’avais composée et où la grosse caisse était un peu plus présente que chez Vivaldi. Il suivait de façon enjouée le rythme en tapant sur sa jambe, et il m’avait dit avec son sourire allumé : «Mais c’est très bien ça. Vous voyez que je ne suis pas pudibond.»


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Durant le soulèvement étudiant du printemps 2012, je lui avais mentionné que la génération montante serait probablement plus difficile à gouverner. Il m’avait répondu du tac au tac : «Je l’espère bien.»


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En échangeant avec lui, on avait l’impression d’apprendre même pendant ses silences caractéristiques entre deux phrases parfaites, comme par osmose.


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Son éclat de rire lorsqu’il a su que plusieurs militants l’appelaient très affectueusement «Yoda», le sage des sages dans la saga de la Guerre des étoiles. Il est vrai que lorsqu’il était assis, appuyé sur sa canne, qu’on l’aurait bien vu brandir une épée laser pour mener son combat contre le côté obscur de la force.


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De nombreux monuments dans le monde sont dédiés à des généraux et des présidents qui ont mené d’autres hommes à la guerre, à partir de leur officine sécurisée. Jacques Parizeau, pour sa part, méritera son monument pour avoir construit du beau. Il existe des révolutions pacifiques et tranquilles, et il nous l’a bien prouvé, lui, le révolutionnaire dans le sens le plus constructif du terme.


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Celui qui aura plus que quiconque contribué à construire le solage et le premier étage de notre maison commune nous quitte, mais il nous a laissé des plans pour les étages qu’il reste à bâtir.


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Nos discussions entre économistes portaient souvent sur des concepts plutôt pragmatiques, je ne lui aurai donc pas dit moi-même ce que le Québec entier ne lui a pas assez dit : Je vous aime, Monsieur Parizeau.


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Vous étiez assurément la personne dont le regard approbateur m’importait le plus, vous me manquerez.


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Lisette. Vous nous avez sûrement permis de bénéficier de sa présence quelques années de plus. Grâce à vous, il n’a pas vécu plus vieux, il a vécu jeune plus longtemps.


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Et maintenant quoi ? S’il y a une chose que son départ devrait amener, c’est la fin des exils. De tous les exils. Qu’ils soient géographiques ou intellectuels. Il faut que nous fassions tous notre part, chacun à notre façon, dans la construction de la société pour laquelle il a tant travaillé.


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L’avenir dure longtemps, aimait-il à dire. Grâce à lui plus que tout autre, nous savons que nous pouvons le dessiner nous-mêmes, si c’est ce que nous désirons comme peuple.


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M. Parizeau, M. le premier ministre, M. l’enseignant, j’ai bonne confiance que le Québec entier se joint à moi pour vous dire : bon repos, et merci pour tout.


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- Avec la collaboration de Caroline G. Murphy








 




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