Les ennemis de la Nation

Chronique de Gilles Verrier


La question de l’identité se pose maintenant dans le contexte relativement nouveau du mondialisme qui se prétend porteur de valeurs universelles. Pour certains des défenseurs du mondialisme, cette doctrine prend la forme d’un état de fait à l’intérieur duquel le seul enjeu pour le Québec serait d’y occuper une place. Que deviendrait le Québec soumis à cette règle du «mondialisme» qui se révèle être pour les nations et les cultures égal à ce qu'il est sur le plan économique, soit un levier idéologique aux mains des puissants pour ramener tout à eux, à leurs poches et à leurs valeurs. Une certaine gauche tarde à comprendre qu'elle fait le jeu de ces puissances en s'associant à cette parodie de ce que fut jadis l'universalisme. La déstructuration du monde, par la désintégration des couches successives de représentation, dont l'enveloppe nationale constitue la couche la plus importante, est le pire danger qui nous guette aujourd’hui. L'existence des nations permet de continuer de croire à la démocratie parce que le «vivre ensemble», cette affinité culturelle faite d’us et coutumes qui nous relie les uns aux autres, en fournit le cadre indispensable. Avec les progrès du mondialisme et l'affaiblissement des nations à base ethno-culturelle qui s'ensuit, se trouveront, à terme, si ce projet funeste se réalise, des individus isolés et anonymes, devant une ou deux oligarchies mondiales. Les communautarismes, résultant d'un morcellement des nations en lambeaux, ne feront pas le poids, et pire, risquent d'êtres joués les uns contre les autres dans une guerre sans fin. La «tribalisation» de l'Occident, aujourd'hui le maillon le plus faible, puis peut-être du monde, sous la coupe d'une oligarchie toute puissante est le sombre scénario qui se profilerait à l'horizon en l'absence de sursaut des souverainetés nationales, si l'on en croit plusieurs intellectuels dissidents comme Alain Soral.

La défense de la nation, qui à une autre époque et en d'autres circonstances a pu être un combat de la droite, m'apparaît aujourd'hui comme nettement un combat trans-courants, gauche-droite. Aujourd'hui, [l'ethno différencialisme ->33790] fait partie de ces nouvelles idées, non pas dirigées contre l'autre mais pour soi, des idées dont l'émergence est essentielle pour endiguer la mondialisation débridée. On ne réglera rien à vouloir diaboliser les nouveaux messagers qui portent, certes avec plus ou moins de raffinement, des idées qui pourraient être porteuses d'un meilleur avenir.

Alain de Benoist a le mérite de l'intellectuel qui parle de ces phénomènes avec une rare profondeur. D’autres s’expriment sur d’autres tons et en prenant d’autres angles sur le même sujet. Je crois qu'il faut s'ouvrir aux interprétations nouvelles de la réalité d'aujourd'hui et se garder de devenir les ennemis du débat en prenant une posture qui est souvent, je le regrette, celle d'une «gauche» déphasée qui ramène toute opposition ferme au mondialisme de l'oligarchie financière à des phénomènes ayant eu cours dans les années trente du siècle passé. L'opposition au mondialisme n'est pas tant dans l'alter-mondialisme que dans le nationalisme, nommons les choses par leur nom. Ce plaquage du passé sur le présent est nettement anachronique et ne peut, au final, que rabaisser le niveau du débat et le rendre stérile.

Qu'on qualifie de nouvelle droite certains courants d’opposition au mondialisme ne m'impressionne guère car je ne m'attarde plus aux étiquettes souvent trompeuses mais aux contenus. Le présent débat est intéressant et je trouve personnellement qu'il y a beaucoup à gagner à approfondir le mot d'ordre de «droite des valeurs et de gauche du travail». Pour les mêmes raisons, je serais porté à croire qu'il y aurait une meilleure prise en compte du réel et certainement un contenu plus en rupture avec les forces qui s'opposent à notre liberté dans un mot d'ordre qui dirait : «Québécois et Canadiens-français unis pour l'indépendance». Un peu de sol et un peu de sang, pour une nation véritablement incarnée, pour contribuer pleinement à la diversité du monde par la sauvegarde et l'émancipation d'une personnalité propre. La discussion, loin d'être close, devrait juste commencer à s'ouvrir !


Gilles Verrier

Gatineau, Qc

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Gilles Verrier140 articles

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Entrepreneur à la retraite, intellectuel à force de curiosité et autodidacte. Je tiens de mon père un intérêt précoce pour les affaires publiques. Partenaire de Vigile avec Bernard Frappier pour initier à contre-courant la relance d'un souverainisme ambitieux, peu après le référendum de 1995. On peut communiquer avec moi et commenter mon blogue : http://gilles-verrier.blogspot.ca





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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    17 février 2011

    La division politique droite-gauche aura servi d'abord et avant tout à ça: diviser. En associant des valeurs qui à l'origine faisaient patie d'un tout et en associant les unes avec une extrémité du spectre de la pensée politique et les autres à l'autre, nous sommes tombé dans un subterfuge pour diviser et déstabiliser le nationalisme.
    Comme le disait Sun Tzu: Connait ton ennemi ...

  • Archives de Vigile Répondre

    8 janvier 2011

    @ Marie-Mance sur Davos. Il est vrai qu'un des fondements de l'État moderne se trouve dans la séparation des pouvoirs politiques des pouvoirs judiciaires et économiques. Davos, mais aussi d'autres organisations discrètes, comme Bilderberg, etc. permettent de réunir à l'écart des yeux du public les journalistes, les pouvoirs économiques, financiers, etc.
    Nous verrons-nous le 12 février prochain à Québec ?
    Bonne année et Amitiés.
    GV

  • Archives de Vigile Répondre

    6 janvier 2011

    Cher Gilles,
    J'apprécie grandement que vous évoquiez entre autres, les notions de gauche et de droite dans le contexte actuel de la mondialisation. Quant à moi, je préfère me tenir au centre, afin de ne pas me faire récupérer par les pouvoirs de gauche ou de droite qui, à mon avis, servent les mêmes maîtres, dépendamment des sujets et des circonstances.
    Beaucoup parmi nous devront revoir ces notions et vous leur en donnez l'occasion.
    J'ai, ces temps-ci, une marotte celle de Davos. Il serait peut-être intéressant de suivre de plus près ce qui s'y passe. Nous savons que nos PM se rendent à toutes ces rencontres où se prennent des décisions qui nous concernent directement. Soyons vigilants à ce sujet, puisque certains PM ne sont que des perroquets et ne font que du copier-coller. Sans plus, puisqu'ils n'ont pas d'envergure. Agiront-ils de la même manière dans un Québec indépendant ?????
    J'en profite pour vous souhaiter le meilleurs pour l'année 2011.

  • Jean-Roch Villemaire Répondre

    5 janvier 2011

    Merci de contribuer de façon constructive au débat.