Le livre du jour

"Le Nouveau Gouvernement du monde", de Georges Corm : pour une "dé-mondialisation"

État-Nation - point d'équilibre entre individu et monde!

Robert Solé - Il en a assez, Georges Corm ! Assez d'entendre parler des exigences de la mondialisation. Assez d'entendre les mêmes rengaines sur "le rôle (toujours à réduire) de l'Etat dans l'économie, la (nécessaire) flexibilité des salaires, l'adaptation (à la baisse) des régimes de retraite ou l'impact (évidemment nocif) de la fiscalité sur "l'amélioration du climat des affaires", objectif essentiel du bonheur de l'humanité". Dix-huit ans après avoir dénoncé Le Nouveau Désordre économique mondial (La Découverte, 1993), il reprend la plume, et ce n'est pas pour mettre de l'eau dans son vin.
Ce livre intelligent et décoiffant prendra beaucoup de monde à rebrousse-poil. On peut contester les idées de Georges Corm, mais pas ses compétences : économiste, historien, enseignant, consultant de divers organismes internationaux ou de sociétés privées, il a exercé, de 1998 à 2000, le poste de ministre des finances du Liban : une excellente "loupe grossissante", selon lui, pour observer le désastre.
Un pied dedans, un pied dehors, il se considère comme "un participant périphérique du système de pouvoir mondialisé". Dans ce système, il ne voit que des sociétés déstructurées, des familles éclatées par des mouvements migratoires, des crispations identitaires mortifères, des Etats progressivement dépossédés de leurs compétences... On a jeté aux orties, selon lui, toutes les bases de l'éthique héritées de la Renaissance et des Lumières.
Ecran de fumée
Mais comment se faire entendre ? L'effondrement du bloc soviétique a laissé place à un néolibéralisme triomphant. La mise en place d'un espace économique mondial, unifié et libre d'accès, apparaît irrépressible, dans l'ordre des choses. Ceux qui la mettent en question passent pour des esprits chagrins, des socialistes attardés, des anticapitalistes indécrottables.
Un totalitarisme de la pensée a été remplacé par un autre, écrit Georges Corm. Tout au plus peut-on débattre d'écologie et de réchauffement climatique. Le système ne peut être critiqué qu'à la marge. On l'a vu lors de la récente crise financière qui n'a donné lieu qu'à des mesures partielles pour contrôler les banques, limiter les bonus des traders ou entraver les paradis fiscaux.
Faire la révolution ? L'économiste libanais a passé l'âge des barricades. Il prône une "dé-mondialisation progressive" qui permettrait de "défaire les mécanismes les plus nocifs", mettre un terme aux absurdités économiques et sociales du système actuel et y "ramener de la raison et de l'éthique".
Sachant que ce ne sera pas facile, en raison notamment de la manière homogène et stéréotypée dont l'économie est enseignée à l'échelle mondiale : on forme des bataillons de défenseurs acharnés de la globalisation, munis d'un nouveau vocabulaire qui sert d'écran de fumée. Il n'y est question que de "gouvernance" améliorée, de croissance "durable" et de "transparence" à toutes les sauces...
Georges Corm n'a jamais été tendre pour les Etats-Unis, ce "gendarme du monde" qui est à l'origine de "la pensée unique", alors que "le progrès ne se déclenche que par l'interaction des cultures entre elles, les échanges de connaissances et d'expériences". Pour lui, l'oeuvre mondialisatrice a commencé... en 1492, par l'arrivée de Christophe Colomb en Amérique.
Ses espoirs se tournent pourtant de ce côté-là : parmi les facteurs possibles de changement, il parie sur "un déclin continu de la puissance économique américaine". On ne sait si c'est d'abord une prédiction ou un souhait.
LE NOUVEAU GOUVERNEMENT DU MONDE de Georges Corm. La Découverte, 300 p., 19 €.
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Robert Solé


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