Les députés avaient le droit de blâmer Yves Michaud, tranche le tribunal

L'ancien député se dit prêt à se rendre jusqu'en Cour suprême

Affaire Michaud 2000-2011

Québec - La Cour supérieure vient de débouter Yves Michaud, qui cherchait à faire déclarer ultra vires la motion de blâme que l'Assemblée nationale a adoptée, le 14 décembre 2000, pour condamner ses propos tenus la veille devant la Commission des États généraux sur la langue française.
Sans attendre, Yves Michaud a signifié hier qu'il portera ce jugement en appel et s'est dit prêt à se rendre jusqu'en Cour suprême.
Dans un jugement de 16 pages, le juge Jean Bouchard affirme que les privilèges dont jouit l'Assemblée nationale, tels la liberté de parole des députés et son droit de réglementer ses affaires internes sans ingérence extérieure, lui permettent d'adopter toute motion dénonçant quelque propos que ce soit. Le juge rejette l'argument présenté par Me André Bois, le procureur de M. Michaud, selon lequel ces privilèges de l'Assemblée nationale, bien qu'indéniables, ne peuvent pas être invoqués quand le Parlement agit en dehors du cadre de ses fonctions législatives ou de surveillance du pouvoir exécutif.
«Le tribunal est loin d'être convaincu, en raison de la position centrale qu'occupe l'Assemblée nationale dans notre système de gouvernement, qu'il est interdit à celle-ci de dénoncer des propos que les députés, collectivement, jugent inacceptables. Certes, celle-ci a pour mission première d'étudier et d'adopter des projets de loi, de même que de surveiller l'activité gouvernementale. Le tribunal ne croit pas cependant que les pouvoirs de l'Assemblée sont limités à cela», écrit le juge Bouchard.
La Cour supérieure rejette également la prétention du demandeur voulant que la Charte des droits et libertés de la personne oblige l'Assemblée nationale à examiner un grief soumis par voie de pétition, une procédure dont M. Michaud a usé le 13 décembre 2001, et à prononcer une décision sur le redressement réclamé par cette pétition. Le suivi d'une pétition relève du privilège inhérent de l'Assemblée nationale de contrôler ses procédures internes, a conclu le juge. La cour ne peut donc se prononcer à cet égard.
Dans son jugement, le juge Bouchard inflige une autre gifle à M. Michaud en refusant d'admettre que l'Assemblée nationale, en le visant, s'en est prise à un simple citoyen. «Il n'est pas exact pour le demandeur de se présenter comme un simple citoyen, un quidam», écrit le juge. Au moment où il a tenu ses propos devant la Commission des États généraux, il effectuait un retour en politique, a fait valoir le magistrat. M. Michaud avait en effet annoncé son intention de se porter candidat à l'investiture du Parti québécois dans la circonscription de Mercier.
Subsidiairement, l'Assemblée nationale remplissait sa fonction de surveillance de l'activité gouvernementale en adoptant une motion sur des propos tenus devant un organisme gouvernemental, c'est-à-dire la Commission des États généraux, raisonne le juge Bouchard.
En réaction au jugement, Yves Michaud s'est dit «en colère» hier. La liberté de parole sort «appauvrie» de ce jugement, estime-t-il. La cour vient d'arrêter que «l'Assemblée nationale du Québec a le droit de censurer les propos d'un citoyen et d'usurper par le fait même ce qui revient de droit aux tribunaux. Cela est inadmissible», écrit M. Michaud dans un communiqué. «Désormais, il faudra être d'une prudence extrême dans l'expression de ses opinions, au risque de se voir flageller et couvrir d'opprobre par des députés ombrageux.»
Malgré les moyens «exsangues» dont il dispose, M. Michaud entend aller jusqu'en Cour suprême. «S'il reste la moindre chance de protéger les citoyens contre les dérapages d'une assemblée nationale qui se comporte, trop souvent hélas!, comme une maternelle en folie, je me rendrai aux limites de mes ressources et des mes appuis pour barrer le passage à ce que j'estime être des abus de pouvoir», prévient-il.


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