Vers un déficit de deux milliards

Le gouvernement Charest n'a plus les moyens de tenir ses promesses envers la classe moyenne

18. Actualité archives 2006

samedi 29 janvier 2005
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Québec - Le gouvernement Charest n'a pas les moyens de se montrer généreux envers la classe moyenne en 2005-06 comme il l'a promis. L'impasse financière qu'il doit résoudre s'élève d'entrée de jeu à un milliard et à deux milliards s'il persiste à vouloir retourner un milliard dans la poche des contribuables sous forme de baisse d'impôt ou d'aide fiscale à la famille.
C'est ce que Le Devoir a appris de diverses sources. «On n'a aucune marge de manoeuvre», a-t-on confié hier. Si le premier ministre Jean Charest comptait, pour redorer le blason de son gouvernement, sur des mesures populaires mais onéreuses destinées aux familles de la classe moyenne, il doit maintenant revoir ses plans.
Lors du Forum des générations en octobre, Jean Charest, pressé de toutes parts, avait accepté de revoir la promesse électorale des libéraux de procéder à une baisse générale d'impôt de un milliard par année. Le premier ministre avait plutôt évoqué «une aide à la famille» et «à la classe moyenne qui est importante».
À la même occasion, le ministre des Finances, Yves Séguin, avait confié au Devoir qu'il était assuré de dégager une marge de manoeuvre de un milliard dans son prochain budget afin d'alléger le fardeau fiscal des contribuables «avec une attention particulière pour les familles».
Un mois plus tard cependant, lors de la publication de la Synthèse des opérations financières du gouvernement pour les six premiers mois de l'année, M. Séguin révélait que le gouvernement fera face en 2005-06 à «une difficulté financière» de l'ordre de 2 à 2,5 milliards, ce qui comprend l'allégement fiscal de un milliard. Mais le ministre des Finances entendait «solutionner» cette difficulté, avait-il laissé savoir. Mais voilà, à moins de deux mois du dépôt du prochain budget, le gouvernement n'a pas de solution en vue pour résorber une impasse financière aussi importante.
À la fin de l'année en cours, le gouvernement réussira à boucler son budget, grâce notamment aux 500 millions qui proviennent de l'entente sur la santé de septembre 2004 avec le gouvernement fédéral, une somme qui a été versée totalement au fonds consolidé. Bien que la croissance économique est moindre que prévu - 2 % au lieu de la prévision de 2,7 % -, les dépenses des consommateurs ont été au rendez-vous et les revenus de l'État sont conformes aux projections du ministère des Finances.
Or, pour l'an prochain, Yves Séguin a révélé, dans son dernier budget, qu'il devra affronter une impasse budgétaire de 1,6 milliard. Heureusement, l'entente sur la santé (735 millions) compensera et le nouveau cadre de la péréquation (806 millions), ce qui représente 1,54 milliard, fait disparaître l'impasse budgétaire.
Il n'y a donc plus de problème? Erreur! Le budget Séguin prévoyait une hausse des dépenses de programme de 2,6 % seulement, ou 1,22 milliard, en 2005-06. C'est moins que l'augmentation nécessaire pour maintenir le système de santé à flot, soit 1,3 milliard, selon le ministre de la Santé et des Services sociaux, Philippe Couillard. Les pressions du système de santé, notamment l'assurance médicaments, sur les finances publiques continuent sans désemparer, a-t-on confirmé hier. Il n'y a donc aucune marge de manoeuvre du côté des dépenses. Au contraire, ces chiffres vont plutôt dans le sens d'un gel des dépenses de tous les ministères à l'exception du ministère de la Santé et des Services sociaux.
Il y a un autre os, et il est de taille: la négociation avec les 450 000 employés de l'État dont les conventions collectives sont échues depuis le 30 juin 2003. Le gouvernement Charest n'a plus le choix: il ne l'a pas fait l'an dernier mais, dans le prochain budget, il doit réserver une somme pour couvrir une hausse de leurs salaires. Une augmentation de 2 % pour chacune des années échues - la masse salariale des employés de l'État s'élève à 25 milliards par année - dépasse le milliard, sans parler de l'équité salariale dont le coût avoisine les 500 millions, selon une hypothèse conservatrice. À tout événement, le gouvernement envisage de réserver un milliard pour éponger la note qui résultera des négociations, a-t-on indiqué.
Pour sortir de cette impasse budgétaire, le gouvernement Charest ne peut pas non plus compter sur un coup de pouce de la conjoncture économique. Tous les économistes revoient à la baisse leurs prévisions de croissance économique pour le Québec comme pour le reste du Canada. L'économiste en chef du Mouvement Desjardins, Gilles Soucy, établit à 2,25 % la croissance au Québec en 2005. En décembre, alors qu'il qualifiait déjà les finances publiques du Québec de «très précaires», M. Soucy s'attendait à une croissance de 2,6 %.
Lundi à Ottawa, Yves Séguin rencontrera les ministres des Finances des autres provinces puis, avec ses homologues, il participera en soirée à une réunion avec le ministre des Finances du Canada, Ralph Goodale. À son cabinet, on assure que M. Séguin reviendra à la charge en réclamant une solution au déséquilibre fiscal et la renégociation du nouveau cadre de la péréquation imposé par Ottawa cet automne. Au moins M. Goodale accepte maintenant de parler à M. Séguin, qu'il avait décidé de bouder l'an dernier.


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