Les contorsions de Stephen Harper

C-10 - "code de vie" puritain et censure


La politique impose à ceux qui la pratiquent au plus haut niveau de dures obligations. Parfois même des dilemmes en forme de culs-de-sac desquels, idéalement, il leur faut s'extirper sans trop de dommage. On peut certainement classer dans cette catégorie l'exercice de contorsionniste auquel se livre actuellement, dans le dossier du mariage entre conjoints du même sexe, le premier ministre Stephen Harper.
Comme on le sait, celui-ci va demander à la Chambre des communes de se prononcer par un vote libre sur l'opportunité de rouvrir ce dossier. Étant probable que la proposition sera rejetée, le gouvernement conservateur mijoterait un plan B en forme de projet de loi entre autres destiné, selon le Globe and Mail, à protéger l'expression de la foi religieuse, en particulier lorsqu'elle commande la critique de l'homosexualité.
En ramenant le sujet sur le tapis, le premier ministre du Canada- qui est aussi, bien entendu, chef de parti- fait ce qu'il faut pour satisfaire les purs et durs se trouvant dans ses rangs. Peu de leaders sont exemptés de ce genre de corvée... et les chefs successifs du Parti québécois, par exemple, se soumettent depuis toujours à d'acrobatiques figures imposées pour tenter de concilier le réalisme politique et la stricte orthodoxie: André Boisclair est, depuis deux jours, précisément occupé à ce genre de manoeuvre...
Mais là s'arrête la comparaison.
Certes, en marge de la cause nationale, s'agitent quelques rares spécimens antédiluviens pouvant être assimilés, mutatis mutandis, à des fous de dieu. Mais il n'en reste pas moins que le débat sur la souveraineté est presque entièrement mené dans un espace rationnel. En un lieu meublé, non pas de croyances, mais de faits. Selon une argumentation dont est exclue l'existence d'une vérité absolue. Sans volonté, d'une part ou d'une autre, d'imposer une " morale nationale " contraignant les consciences et les comportements.
Or, aucun débat dont la racine s'enfonce dans le terreau de la religion ne peut s'inscrire dans un tel contexte, puisque celle-ci est par définition fondée sur la foi, sur la vérité absolue et sur la morale contraignante.
C'est ce qui rend l'agitation conservatrice si étrange aux yeux d'une majorité de citoyens. Car ceux-ci estiment que ce qu'on pourrait appeler la " déréglementation morale " du cadre politique et juridique dans lequel nous vivons est un fait accompli, un progrès indestructible, un acquis de civilisation.
On a vu pourquoi et comment le projet du gouvernement Harper rencontrera, s'il accède à la réalité, des obstacles constitutionnels, juridiques, administratifs ou bêtement pratico-pratiques- par exemple: on ne " défusionne " pas un couple gai aussi facilement qu'une municipalité! On a vu aussi pourquoi et comment les droits religieux et la liberté d'expression sont déjà blindés et qu'il est inutile d'en remettre.
Mais, en réalité, l'affaire va se résoudre sous la pression d'un autre argument.
Stephen Harper est certainement conscient du fait que ce branle-bas est politiquement suicidaire. Il faut le lui rappeler, encore et encore, jusqu'à ce qu'il estime plus commode de tenir en laisse les purs et durs de son parti que d'affronter un électorat au bord de l'épouvante.
C'est une chose possible: d'autres, ailleurs, l'ont fait avant lui...


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