L’art de marcher sur des œufs

Les causes (probables) de la dégringolade du PQ (2)

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Tribune libre

Pourquoi les électeurs boudent-ils le PQ ? Voici la deuxième d’une série d’images fortes qui pourraient servir à expliquer ce qui se passe dans la tête de personnes à qui on n’a jamais pris la peine de démontrer le bien-fondé de la cause indépendantiste.


Pour le moins inquiétant est le fait que Jean-François Lisée a un vilain défaut qu’il traîne depuis toujours derrière lui comme un boulet. Au point où ce fardeau nuit plus que jamais gravement à la progression de l’option souverainiste. Loin d’avoir la volonté de fer qu’on serait en droit d’attendre d’un leader indépendantiste, le commandant du navire péquiste a la fâcheuse habitude de recourir – comme bon nombre de Québécois ! – à un mécanisme de défense que la psychologue Ingeborg Bosch qualifie de « faux espoirs ». Il s’agit d’un réflexe conditionné qui, comme j’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer (https://vigile.quebec/articles/le-desir-maladif-de-plaire-aux-autres), consiste à vouloir soit contenter tout le monde, soit ne déplaire à personne.


On a pu s’en rendre compte encore récemment lorsque M. Lisée a accepté, avec son entrain habituel, l’invitation d’un consortium de médias anglophones de débattre en anglais lors de la prochaine campagne électorale (http://www.journaldequebec.com/2018/05/01/elections-2018-les-chefs-acceptent-de-debattre-en-anglais). Ce n’est ni la première ni sans doute la dernière fois qu’il tombe dans ce travers. D’ailleurs, son attitude de complaisance envers la communauté anglophone ne date pas d’hier, comme l’attestent certains de ses anciens « faits d’armes ».


Rappelons ici que Jean-François Lisée est l’auteur du discours que Lucien Bouchard avait prononcé au théâtre du Centaur en 1996. Une allocution appréciée des anglophones, certes, mais très mal reçue au PQ. À l’époque où, avant de faire le saut en politique, il n’était encore que collaborateur au magazine L’actualité, M. Lisée s’était désolé devant les conclusions d’un sondage indiquant que la plupart des anglophones de Montréal étaient peu enclins à se porter à la défense de la loi 101 et se montraient au surplus indifférents face à l’avenir du français (http://lactualite.com/societe/2012/04/04/ici-on-parle-english-les-reactions/). Comme s’il était logique de demander à des gens dont le français n’est pas la langue maternelle de prendre fait et cause pour cette langue en lieu et place des Québécois « de souche » !


Peu après son élection à titre de première femme premier ministre du Québec, en septembre 2012, Pauline Marois avait confié à Jean-François Lisée, fraîchement élu député de Rosemont, le mandat de « tisser avec les Québécois de la communauté anglophone des relations étroites » (https://www.ledevoir.com/politique/quebec/359728/anglos-le-choix-de-lisee-fait-jaser). Mal lui en prit ! Les résultats électoraux d’avril 2014 en témoignent, cette nomination n’a pas vraiment eu l’heur de faciliter le dialogue avec les anglophones, ni même de gagner leur confiance, peu s’en faut...


Il est par conséquent naïf de croire qu’il suffit de promettre de ne pas tenir de référendum pour qu’anglophones et allophones abandonnent massivement le Parti libéral au profit d’une formation dont le « nationalisme ethnique » leur fait depuis toujours horreur. En réalité, chaque fois que les péquistes croient tendre la main aux autres communautés – et plus particulièrement à la communauté anglophone –, ils ne font que leur tendre la joue...


Une tendance marquée à se faire des illusions


Comme l’attestent les trois anecdotes évoquées ci-dessus, M. Lisée persiste – non sans quelque maladresse – à vouloir courtiser les membres d’une communauté généralement hostile au PQ. Ceci laisse sous-entendre qu’il mise candidement sur leur bonne volonté ; son désir presque maladif et inconscient de plaire aux autres en dit long sur le fait qu’il vit dans la vaine illusion de voir ces derniers lui en être reconnaissants. En pensant agir avec la magnanimité du vainqueur, il devient l’objet de l’aversion qu’inspirent les vaincus. Au lieu de faire montre de fermeté, d’audace et d’ambition, il recherche en permanence l’approbation d’autrui. Il a le chic de faire parler de lui et de se mettre en valeur, mais, en voulant agir à la satisfaction de tout le monde, il ne fait évidemment plaisir à personne, y compris à lui-même.


Avec Jean-François Lisée, on nage par ailleurs en plein flou identitaire. Chaque fois que le sujet de l’immigration ou des signes religieux ostentatoires revient sur le tapis, on ne sait trop s’il avance ou s’il recule, tellement il a l’air de tenter d’éviter de marcher sur des œufs. Ses valses-hésitations dans ces dossiers n’ont rien pour rassurer les électeurs sur ses intentions réelles. À vrai dire, le cafouillis généralisé qui existe au sein du PQ sur ces questions sensibles, depuis la mise au rancart du projet de Charte des valeurs québécoises, n’est pas étranger au déclin que connaît cette formation, essentiellement au bénéfice d’une CAQ plus résolue à ce chapitre.


Autre indice flagrant de la confusion qui semble régner dans l’esprit du chef péquiste, celui-ci s’arrange le plus souvent pour attirer l’attention en lançant des propos destinés à choquer l’opinion, puis il fait volte-face dès qu’il est pris en faute et qu’on le réprimande. Faut-il dès lors s’étonner si, devant tant d’incohérence et d’indécision de sa part, sans même parler de son manque de combativité, la cote de popularité de Jean-François Lisée avoisine les 10 %, loin derrière celle de François Legault et de Philippe Couillard ?


À suivre...



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