Vit-on jamais saison plus fertile en miracles ? Serions-nous revenus à l’époque bénie où, à la suite de la révocation de l’édit de Nantes, les huguenots, frappés par la grâce – et par les dragons de Villars – abjuraient la religion prétendue réformée et rentraient par dizaines de mille dans le sein généreux de notre sainte mère l’Église ? Il n’est de semaine, il n’est de jour désormais qui ne soit marqué par la conversion retentissante de quelque notable eurobéat à l’euroscepticisme, et le mouvement s’accélère en cette période pascale qui se trouve – pure coïncidence – ne précéder que de quelques semaines les élections européennes du 25 mai prochain.
Côté UMP, c’est Xavier Bertrand, ancien ministre de Nicolas Sarkozy, mais candidat déclaré à la prochaine présidentielle, qui déclare : « L’Europe de Merkozy, ça ne marche pas ! » Puis c’est Laurent Wauquiez, ancien ministre des Affaires européennes du même Sarkozy et, comme tel, associé à tous les abandons de souveraineté connus sous le nom de traités européens, qui, ayant apparemment regardé par-dessus l’épaule de Nicolas Dupont-Aignan le programme de Debout la République, en propose une copie fidèle : resserrement de l’Europe autour d’un noyau de six pays, coopérations renforcées, abolition de l’espace Schengen.
C’est Rachida Dati, pourtant n°2 sur la liste UMP d’Alain Lamassoure en Île-de-France, qui, par-dessus la tête de son chef de file, approuve bruyamment la démarche de Bertrand, celle de Wauquiez et, plus étonnant encore, étend son message de sympathie à Henri Guaino, lequel, quoique député UMP, a hautement fait savoir que jamais il ne voterait pour la liste conduite par Lamassoure.
Croyez-vous qu’à la suite de ce qui est à la fois un manquement spectaculaire à la discipline de parti et un camouflet personnel, ledit Lamassoure exige des excuses et une rétractation de la fautive ? Point du tout. Non seulement
M. Lamassoure, député européen depuis 1989 et ultra-fédéraliste depuis toujours, pilier des institutions européennes dont il a la charge d’établir le budget, quasi-sosie et complice politico-intellectuel de Valéry Giscard d’Estaing en compagnie duquel il a rédigé le traité de Lisbonne en y réinsérant l’ensemble des dispositions rejetées au référendum de 2005, ne réprimande pas la belle Rachida, non seulement il se contente, avec un sourire indulgent, de la qualifier de « primesautière », mais il se déclare acquis à l’idée de réviser les accords de Schengen. Tu quoque, mi fili…
Côté socialiste, on n’est pas en reste. C’est M. Martin Schulz, candidat du PSE à la présidence de la Commission européenne, qui s’insurge contre « la spirale mortelle de l’austérité. » C’est le PS de M. Cambadélis qui rejette « l’austérité imposée par les sociaux-libéraux de Bruxelles ». C’est Mme Élisabeth Guigou, candidate et rivale de Pierre Moscovici à un poste de commissaire européen, qui proclame qu’il faut « réorienter l’Europe »…
Ah, les bons apôtres, qui nous font à peu près le même coup chaque fois (tous les cinq ans) que se profile à l’horizon le renouvellement du Parlement de Strasbourg et Bruxelles, qui, à peine réélus, oublient leur reniement pour revenir à leur vomissement, mais qui n’ont jamais été aussi fort et aussi loin dans la négation et le rejet de tout ce qu’ils furent et de tout ce qu’ils firent.
Peut-on croire à leur sincérité, au rebours de leur action politique, à la lumière de leurs précédentes palinodies ? Ne soyons pas, une fois de plus, les dupes de ces marchands de sable et de fumée. Leur passé est garant de leurs prochaines trahisons. Ils sont tout simplement pris de panique en constatant le gouffre qui s’est creusé entre les artisans de la construction de leur Europe et les peuples européens. Ils essaient de se faire passer pour les ouvriers de la onzième heure que Jésus recommande d’accueillir. Ils ne sont que les renégats et les repentis de la vingt-cinquième.
Les bons apôtres
{{L'Europe ne fait plus recette}}
Dominique Jamet36 articles
Il a présidé la Bibliothèque de France et a publié plus d'une vingtaine de romans et d'essais.
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