Les «amis» de Coderre dérangent

Des spécialistes en éthique ne sont pas rassurés par quatre embauches douteuses de la Ville de Montréal

B7305577f598847db130834fed986c0e

Il ne faudrait tout de même pas être surpris. Le patronage est inscrit dans son patrimoine génétique Libéral





L’embauche sans appel d’offres de quatre proches du maire Denis Coderre par la Ville de Montréal soulève plusieurs inquiétudes qui peuvent miner la confiance des Montréalais, croient les experts consultés par Le Journal.


«La Ville de Montréal doit être plus blanche que blanche à cause des scandales qui l’ont minée dans les dernières années. S’il n’y avait eu qu’un événement isolé, je ne lèverais pas un flag. [...] Mais quand on en a deux, trois et quatre, ça montre qu’il y a un encadrement qui n’est probablement pas adéquat», analyse Me Donald Riendeau, directeur général de l’Institut de la confiance dans les organisations (ICO).


Selon le spécialiste en éthique municipale, c’est donc au maire de démontrer sans aucun doute que chaque consultant embauché par la Ville qui a des liens de proximité avec lui est véritablement le meilleur candidat.


«Il y aura toujours un peu de complaisance et du copinage dans les municipalités. C’est une chose qu’il y en ait, mais tant qu’il y a la compétence, c’est correct. De la complaisance sans compétence, c’est inacceptable», continue Me Riendeau.


Explications à donner


Rappelons que quatre fois depuis le début de son mandat, le maire Denis Coder­re a dû défendre l’embauche de gré à gré de consultants qui avaient travaillé pour lui lors de sa campagne municipale ou lorsqu’il était député à Ottawa.


Ainsi, deux consultants, Robert Bouvier et Rick Leckner, ont été embauchés en 2014 et 2015 par la Ville même s’ils ont été solliciteurs de fonds pour le parti du maire. La Ville a aussi donné un contrat de 1800 $ par jour à un ancien sous-ministre de Coderre, Michel Dorais, pour l’organisation de l’accueil des réfugiés syriens.


Et en 2014, la Ville avait octroyé sans appel d’offres un contrat à une firme d’avocats dont un employé a fait partie de l’organisation de la campagne du maire et dont un autre a même été candidat.


«Quand on ne procède pas par voie de concours pour trouver les meilleurs experts, ça demande des explications. Quand ce n’est pas fait ainsi, ça soulève des suspicions et ce n’est pas rassurant pour les citoyens. Ça fait sourciller», ajoute l’ancien ministre des Affaires municipales et professeur à l’École nationale d’administration publique, Rémy Trudel.


« Indéfendable »


Pour d’autres experts consultés par Le Journal, la façon de faire du maire Coder­re dans les dossiers de MM. Bouvier et Leckner ressemble beaucoup à du favoritisme.


«C’est sûr qu’il y a un problème d’éthi­que. Le maire se sert du règlement qui lui permet de donner un contrat sans appel d’offres pour choisir un ami qui a déjà participé à son financement électoral. C’est indéfendable qu’il fasse ça et il devrait s’excuser», avait dénoncé lundi Jean-Marc Piotte, éthicien et professeur émérite de sciences politiques à l’UQAM.


Faut-il les punir ?






Denis Coderre












Photo d'archives





Personne ne soupçonne le maire de Montréal d’avoir commis un crime. Mais il a soulevé la controverse à quatre reprises depuis son élection en permettant l’embauche sans appel d’offres de consultants qui avaient auparavant travaillé avec lui en campagne électo­rale ou au gouvernement fédéral. Aucun organisme n’a voulu confirmer s’il y aurait enquête sur ces contrats.






Jeremy Searle












Photo d'archives





Le conseiller municipal montréalais avait admis en 2014 avoir un problème d’alcoolisme, mais il a refusé de quitter ses fonctions à la demande de son maire d’arrondissement, Russell Copeman, qui a répété à plusieurs reprises n’avoir aucun recours pour destituer M. Searle.






Jean-Claude Gingras












Photo d'archives





Le maire de l’Assomption est accusé au criminel d’abus de confiance dans le cadre de ses fonctions. Devant son refus de démissionner, Québec a mis la ville sous tutelle et la Commission municipale du Québec a entamé des procédures de destitution.






Michael Applebaum












Photo d'archives





L’ex-maire de Montréal qui avait promis «d’effacer» la corruption de Montréal a été arrêté le 17 juin 2013 par l’UPAC dans une affaire de fraude et de corruption. Il a démissionné le lendemain dans la disgrâce.






Gilles Vaillancourt












Photo d'archives





Il a fallu plusieurs perquisitions de l’UPAC à sa résidence ainsi qu’au bureau de l’ex-maire de Laval avant qu’il ne démissionne de son poste. Par la suite, il a été arrêté avec 36 autres complices allégués et accusé de gangstérisme.






Gilles Deguire












Photo d'archives





Il a démissionné de façon inattendue au début du mois en lien avec une enquête criminelle menée contre lui. Quelques jours plus tard, l’ex-maire de Montréal-Nord a été accusé d’agression sexuelle envers une mineure.


Difficile de punir les élus municipaux


Il est difficile d’enquêter sur les élus municipaux québécois et de les sanctionner, déplorent plusieurs experts en droit municipal.


Sur les 1100 municipalités de l’ensemble de la province, seules 10 d’entre elles sont obligées par la loi d’avoir un vérificateur général, dont le rôle est d’assurer la transparence et l’imputabilité des élus et des fonctionnaires municipaux.


Et ce n’est que depuis 2014 que la Cour supérieure peut relever provisoirement un élu municipal de ses fonctions s’il est accusé au criminel d’une peine punissable de deux ans ou plus de prison.


Pour le reste, il y a très peu de recours pour les citoyens contre leurs élus, outre une plainte à Québec, souligne Me Donald Riendeau.


«Les municipalités manquent d’outils pour gérer tous les problèmes avec les élus, mais il est aussi impossible de donner tous les outils nécessaires aux citoyens par manque de ressources. Il faut donc utiliser au maximum ceux qu’on a, comme la Commission municipale», analyse Me Riendeau.


Un citoyen peut intervenir


En effet, si un citoyen croit qu’un élu a contrevenu à la Loi sur l’éthique et la déontologie municipale, il peut adresser sa plainte au ministère des Affaires municipales, qui jugera si l’affaire est assez sérieuse pour être transmise à la Commission municipale pour enquête.


Cette dernière peut ensuite imposer une réprimande ou une amende, ou entamer le processus de suspension ou de destitution d’un élu via la Cour supérieure. Tout ce processus peut prendre jusqu’à deux ans.


Mais la commission Charbonneau avait émis des doutes sur l’efficacité de la CMQ en 2014, car elle n’avait déclenché qu’une seule enquête à la demande de Québec depuis 1996.


Montréal bien servie


Pour sa part, la Ville de Montréal est très bien encadrée par son vérificateur général ainsi que par le Bureau de l’inspecteur général (BIG), créé en 2014 par le maire Coderre, soutient l’ancien minis­tre Rémy Trudel.


M. Trudel n’a aucun doute que ce dernier est entièrement indépendant de la volonté du maire, même si c’est lui qui a nommé le BIG il y a deux ans.


«C’est très clair que ces deux organismes-là ont une totale indépendance pour enquêter et agir, surtout l’inspecteur général, qui peut se pencher sur des dossiers sans avoir de plainte. Ils ne se rapportent pas au maire, mais au conseil municipal», fait remarquer M. Trudel.




Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé