Commençons par les REER, comme dans rire du monde. En 2014, qui peut mettre 25 000 $ l’an dans son REER (régime enregistré d’épargne retraite)? Je vous le demande.
En 2003, la déduction fiscale aux REER était de 13 500 $ l’an et les gouvernements l’ont augmenté à 14 500 $ jusqu’à 18 000 $ en 2006 et indexé par la suite. Le journal Les Affaires, même s’il est à droite, cela ne l’avait toutefois pas empêché de dire : « Les changements apportés aux REER profiteront aux plus riches » (5 avril 2003). Dans un autre texte de Les Affaires du 22 février 2003, Michel St-Germain de la firme privée Mercer avait dit à cet effet que : « On peut estimer que les hausses du plafond des contributions au REER (à 14 500 $) annoncées dans le dernier budget profiteront probablement à moins de 2 % des contribuables ». Fiscalité progressive, vous dîtes. Ce seul abri fiscal des REER coûte annuellement au Trésor fédéral au moins 25 milliards $ l’an et à Québec au minimum 5 milliards $ chaque année. Mais pour les nobles, il n’y a rien de trop beau et pas question de toucher à cette vache sacrée. La rigueur et l’austérité, c’est juste bon pour les autres.
À veux qui me sortent l’argument trompeur comme quoi les REER ne constituent pas un abri fiscal et qu’ils ne coûtent rien aux gouvernements puisque ce ne sont que des impôts reportés dans 20 ou 30 ans, le contribuable payant alors de l’impôt sur le revenu lors des retraits, je répondrai ceci : saviez-vous qu’un dollar payé dans 20 ou 30 ans ne vaut rien? Faut dire que ce ne sont pas seulement les cotisations annuelles au REER qui sont déductibles d’impôt, mais aussi tous les revenus annuels sont exempt d’impôts. A
Puis, bang, en 2005, on augmente encore le plafond annuel au REER qui passera de 18 000 $ en 2006 à 22 000 en 2010. Bonne nouvelle pour le gratin : « Une modification aux REER profitera aux hauts salariés » (La Presse, 24 février 2005). Et le 28 février 2005, le Journal de Montréal titrait : « Un cadeau pour 120 000 Québécois. Ottawa (et Québec) déplafonne les REER ». Un autre beau cadeau pour les notables en plus du Celi, des optons d’achats d’action, de l’incorporation, des gains de capitaux, du fractionnement de revenus, de la fiducie familiale, etc. Je l’ai dit, il n’y a rien de trop beau pour la classe dominante. Mais tous ces cadeaux fiscaux sont inutiles au Québec puisque, selon la légende patronale et la parabole des lucides, il n’y aurait pas de riches au Québec...
Le but est de remplacer les pensions publiques de l’État par les pensions privées... au grand plaisir des institutions financières.
« Les Québécois préfèrent les régimes de pensions publiques aux REER » (Journal de Montréal, 8 janvier 2005). Les gouvernements Harper et Couillard n’en ont rien à cirer des demandes « extravagantes » du peuple. Le monde ordinaire ne sait-il pas que l’on est en période d’austérité et de rigueur budgétaire? Tout le monde doit en faire plus afin d’accommoder de bonne grâce la classe supérieure. Et faut pas irriter les compagnies avec le régime des rentes du Québec auquel elles doivent contribuer. Faut pas les « écœurer » avec ça. C’est même antidémocratique. En passant, le journal Les Affaires du 13 avril 2013 titrait : « De tous les pays de l’OCDE, c’est au Canada que l’on cotise le moins (employeurs et employés) aux régimes publics de retraite ». Au Royaume-Uni, la cotisation annuelle aux pensions publiques est de 24 %, 20 % en Allemagne et 10 % au Canada. Mais les néolibéraux préfèrent les pensions privées et sont favorables à la privatisation de tous les services publics.
L’organisme de recherche patronale qu’est le C.D. Howe Institut l’a affirmé très sérieusement du haut de son statut présumé d’expert très scientifique : « C.D. Howe préconise le remplacement des régimes de rentes d’État par des REER » (La Presse, 30 janvier 1996). Au profit de ses riches clients individuels et corporatifs comme les banques et Power Corp., propriétaire de La Presse, qui a d’immenses intérêts non seulement dans la santé privée, mais aussi dans les retraites privées avec ses filiales Investors, Groupe Mackenzie, London Life, Great-West Life, Canada Life et d’autres.
25 000 $ par année de cotisations au REER c’est injuste pour ceux qui aimeraient en mettre plus à l’abri de l’impôt, mais sur le bras de la collectivité. C’est pas moi qui le dis, mais l’apôtre de la persévérance scolaire et de l’enseignement des abris fiscaux, le lucide autoproclamé L. Jacques Ménard de la Banque de Montréal : « BMO veut réformer les REER » (La Presse, 23 avril 2010). Et pourquoi pas? Un peu plus d’inégalité économique ne fera pas de mal à personne ou si peu et fera par contre grand bien à nos créateurs de richesse. Ils le méritent bien.
Ah ben, il y a la fidèle chroniqueuse de La Presse, madame Stéphanie Grammond, qui a largué cette merveille : « Le REER plus utile qu’on le pense » (La Presse, 18 septembre 2014). Plus utile pour qui madame Grammond? Pour la classe moyenne; pour les générations futures; pour l’équilibre budgétaire, pour la rigueur ou autre chose? En tout cas, il y a une chose que je sais très bien est que le REER est très utile et très payant pour votre employeur, Power Corp.
Plus utiles les REER même si trois travailleurs sur quatre ne mettent pas 1 cent dans leur REER et que les cotisations annuelles représentent à peine 4 % des cotisations permises. En 1994, même si la déduction autorisée au REER était d’environ 7 500 $ l’an, et bien : «Selon la revue Canadian Business Economics : Ottawa doit réévaluer les exemptions fiscales pour les REER » (Le Devoir, 4 octobre 1994). Faire comme en Australie et en Suède et réduire l’avantage fiscal des REER ou tout simplement l’éliminer comme en Nouvelle-Zélande. Eh oui, Ottawa et Québec les ont effectivement réévalués, mais pour les bonifier et magnifier la faveur fiscale consentie à l’élite économique qui nous dit continuellement de nous serrer la ceinture. Philippe Couillard ne cesse de le répéter, l’État n’a pas d’argent.
Poursuivons avec le Céli... pas le céleri
25 000 $ par an dans un REER, 10 000 $ annuellement dans un Céli (compte d’épargne libre d’impôt) plus quelques milliers de dollars dans un REEE (Régime enregistré épargne éducation), ça fait pas mal de bidous épargnés aux frais de l’ensemble de la population. Mais qui au juste peut mettre de côté un petit 40 000 $ l’an dans ces abris fiscaux financés par le monde ordinaire dont l’objectif ultime est la privatisation de tous nos services publics comme les pensions, la santé et l’éducation? Qui en profite au juste en plus des banques et des vendeurs d’abris fiscaux? Ben oui, ce sont principalement les nantis. Mais comme c’est réservé aux riches, faut surtout pas appeler ça une vache sacrée. Pour les franchisés du gratin, les vaches sacrées ne concernent que les programmes sociaux dévolus au peuple ben ordinaire qu’il faut évidemment charcuter au nom de la rigueur et de la religion du déficit zéro. En période d’austérité, faut surtout pas toucher aux vaches sacrées des nobles qu’est, entre autres, la multitude de leurs abris fiscaux. Rien que penser à faire ça aux potentats est un sacrilège aux yeux de Harper, Couillard, Coiteux, Leitao, Oliver et cie. Ben au contraire, ces courageux politiciens bonifient les abris fiscaux de la caste supérieure en ces temps difficiles tout en augmentant les subventions publiques aux entreprises, aux écoles privées, aux minières, aux éoliennes, aux firmes d’avocats, de génie et de comptables, etc. Pour ces justes causes, ne voilas-tu pas que l’État a de l’argent.
Mes amis, ces politiciens calculent jusqu’à la cenne près le coût de toutes les dépenses publiques en les considérant tout le temps comme des dépenses d’exploitation et jamais comme des investissements qu’il faudrait capitaliser à titre d’actif à long terme. Par contre, ils ne nous fournissent pas ou peu le coût des dépenses fiscales qui se chiffrent en milliard de dollars que sont les fiducies familiales, les options d’achats d’actions, l’incorporation, les gains de capitaux, les dividendes, les REER, les REEE, le Céli, les actions accréditives, l’évasion fiscale dans les paradis fiscaux, etc. Mes amis, ces abris fiscaux adressés strictement aux grosses poches sont des dépenses réelles de l’État au même titre que le coût de nos programmes sociaux. Ce n’est pas moi qui le dis, mais bel et bien l’organisme qu’on peut qualifier de droite qu’est le Fonds monétaire internationale (FMI). Pourquoi Statistique Canada et l’Institut de la statistique du Québec (pas le ministère des finances contrôlé par le ministre et par leurs consultants ou ami fiscalistes comme Luc Godbout) ne nous fournissent pas chaque année dans le détail le coût individuel réel de chacun de ces abris fiscaux? Ou encore le directeur parlementaire budget à Ottawa. À Québec, Philippe Couillard ne veut rien entendre de créer un poste de directeur parlementaire du budget comme cela existe ailleurs à plusieurs endroits. Philippe Couillard et le PLQ préfèrent recourir à leurs consultants privés payés très grassement afin de, comment dire, conforter ses préjugés, comme ce fut le cas dernièrement lors de l’embauche de la firme comptable Raymond Chabot Grant Thornton (des abonnés de l’État) afin de faire une étude « indépendante » et « experte » sur les tares qui prévalent à la Commission scolaire de Montréal (CSDM). Un tel rapport, intégralement biaisé, sert de justification au ministre de l’Éducation François Blais pour couper et pour menacer les récalcitrants qui ne se soumettent pas aux ordres. Aujourd’hui avec le progrès informatique, on pourrait facilement publier ces données. Mais non, les élus préfèrent ne rien divulguer.
Mais revenons, je vous en prie, au Céli. Déjà qu’à 5000 $ l’an, il représentait un abri fiscal pour l’élite économique. Eh bien, lors du budget fédéral du mois d’avril 2015, la cotisation annuelle autorisée passera à 10 000 $, même si ce « programme coûteux profitera surtout aux riches dit le directeur parlementaire du budget » (Le Devoir, 25 février 2015), mais Harper y tient. Rendu à maturité, ce petit abri fiscal de rien du tout privera chaque année le fédéral de 15 milliards $ en impôts sur le revenu et les provinces de 9 milliards $. Pas grave, le ministre conservateur des finances Joe Oliver l’a dit : « Que la prochaine génération règle le problème » (Le Devoir, 23 avril 2015). Comme la prochaine génération devra vivre et s’occuper de la catastrophe environnementale léguée par les Harper et Couillard de ce monde et de tous nos services publics privatisés à des affairistes.
Je vous l’ai dit, moins il y a de services publics, plus de privé, comme les pensions gouvernementales remplacées par des Céli et des REER, ça fait l’affaire des gras dur, des banques, des « peddlers » d’abris fiscaux, de Power Corp. Pour Power Corp. et les autres banques, faut surtout pas bonifier les pensions de vieillesse et le régime des rentes du Québec (RRQ) qui ne leur rapportent rien comme proposent le faire Québec solidaire et le Nouveau parti démocratique (NPD). Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les propriétaires de Power eux-mêmes qui ont fait part de leur crainte : « La Financière Power craint une éventuelle réforme du régime de retraite à la sauce NPD » (Le Devoir, 13 mai 2011).
Et aussi le fractionnement de revenu des riches et le rationnement pour les autres
Même si, face au très onéreux fractionnement du revenu, une autre vache sacrée consacrée à la classe dominante, l’ex-ministre conservateur des finances, le regretté Jim Flaherty était contre, Stephen Harper et le puissant lobby des Crésus y étaient favorables et ce sont ces derniers qui ont finalement eu gain de cause; une autre fois : « Fractionnement du revenu des familles. Flaherty moins enthousiaste » (La Presse, 13 février 2014) et : Ottawa va de l’avant avec le fractionnement de revenus » (La Presse, 31 octobre 2014). Le fédéral se privera ainsi volontairement de 2,2 milliards de dollars chaque année et les provinces autant afin de gâter seulement 10 % de la population déjà très riche. Pas grave, Harper va couper dans le service postal, l’assurance-emploi, les pensions fédérales, la santé, etc.
Encore une fois, le directeur parlementaire du budget, Jean-Guy Fréchette s’est opposé à cette autre arnaque : « Un choix politique d’une équité douteuse. Le fractionnement du revenu ne sera accessible qu’à une minorité de contribuables et privera le Trésor fédéral de 2,2 milliards $ par année, explique le Directeur parlementaire du budget » (Le Devoir, 18 mars 2015). On comprend pourquoi le ministre conservateur fédéral des finances a : « Impact fiscal du fractionnement du revenu. Le ministre Joe Oliver refuse de publier une analyse » (La Presse, 28 mars 2014). C’est de cette façon que Couillard et Harper creusent les odieuses inégalités économiques, au lieu de les atténuer, et appauvrissent la classe moyenne au profit du 1 % de privilégiés.
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