Le vrai débat!

Par Sébastien Paquin-Charbonneau

Tribune libre - 2007

Chaque fois que je prends mon journal qui m’est livré et que l’on prend
position sans situer le débat dans son contexte, mais surtout dans l’axe de
l’idéologie auquel il répond, je suis déçu.
Je parle ici bien sûr du récent débat sur le dégel des frais de scolarité.
Déjà, nous voyons les différents éditorialistes, chroniqueurs et
journalistes reprendre le discours du Premier ministre et dire que 50$ par
session est bien peu. Après tout c’est seulement deux dollars par semaine
alors que les frais sont si bas. Dans sa chronique du mardi 20 février, M.
David qualifie les associations étudiantes de « fossiliser ». Je vous pose
la question : n’est-ce pas plutôt les Québécois qui le sont? Continuant
sans cesse de réclamer des baisses d’impôt alors que le Québec n’est plus
capable de supporter ses services. M. Descôteaux en rajoute dans son
éditorial du même jour où il qualifie de raisonnables les hausses. En fait,
comme bien souvent dans les médias, on isole le dossier et on le juge. Le
plus sérieusement du monde, [M. Descôteaux nous fait l’éloge de ce choix
politique->4574], critique M. Boisclair et tente de démystifier le problème de
l’accessibilité. Loin d’être le sujet de mon propos, sachez que bons
nombres d’études sont publiées sur les problèmes d’accessibilité aux études
supérieures et que toutes à peu près se contredisent et affirment l’inverse
dépendamment du chercheur en cause.
Bien au-delà des simples 2$, le débat se positionne dans toute une
idéologie de gouvernance. À quoi voulons-nous que le Québec de demain
ressemble ? Pour ma part, messieurs, jamais on réussira à me vendre des
hausses des frais de scolarité quand le gouvernement baisse les impôts des
particuliers et que l’impôt des sociétés est, lui aussi, réduit ces
dernières années. Nous oublions souvent ces chiffres au Québec, mais
seulement 59% des contribuables payaient de l’impôt en 2003 . En près de
dix ans, c’est près de huit milliards de dollars en baisses d’impôt de
toutes sortes que l’on octroie à ces contribuables. En aucun cas on me fera
acquiescer que le financement du réseau est menacé et que la contribution
des étudiants est primordiale. Si les services au Québec sont à ce point
menacés autant en santé et en éducation, c’est que bien volontairement on a
réduit les impôts, donc nos sources pour les financer. Cessons de baisser
les impôts, ensuite vous pourrez me faire la démonstration que la
contribution des étudiants est absolument nécessaire. Cette situation me
rappelle quand M. Landry réclamait le déséquilibre fiscal et que de l’autre
main, il réduisait les impôts.
Soyons encore plus concrets, puisque c’est nécessaire à la compréhension
des débats idéologiques de nos jours. Le récent budget nous annonce des
allégements fiscaux pour les gens à la retraite. On y apprend qu’un
retraité vivant seul et ayant un revenu de retraite de 50 000$ verra
désormais ses impôts réduits de 100$ par année. Ce montant ne vous
rappelle pas quelque chose? Sans vouloir lancer un débat générationnel,
puis-je quand même me demander si les Québécois veulent vraiment exiger
100$ supplémentaires à un étudiant dont le revenu moyen oscille autour de
15 000$ alors qu’on redonnera à un retraité qui a des revenus de retraite
de 50 000$ ce même 100$.
Vous conviendrez que vue sous cet angle, la question est un peu différente.
Alors avant d’isoler une question si idéologique, est-ce que je peux
souhaiter que l’éditorialiste de mon journal matinal remette en perspective
le débat. L’idéologie libérale qui anime cette proposition et celle des
baisses d’impôt se retrouvent face à une social-démocratie à laquelle je
crois toujours et que plusieurs Québécois approuvent encore. Elle n’inclut
ni baisse d’impôt, ni clinique privée et ni un sous-financement de nos
universités. C’est ça le vrai débat de la prochaine campagne!
Sébastien Paquin-Charbonneau

Professeur de science politique

-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/spip/) --


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