Le sursaut ? Non, le sursis

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La France mal dirigée et malmenée

Les soirs d’élections, il y a ce que l’on attendait. Ce que l’on craignait. Ce que l’on espérait. Vient l’heure des résultats. Ce qui est. On ne pouvait que se demander, avant l’heure fatidique où il est licite d’aller au-delà de l’énoncé des chiffres de la participation, ce que signifiait la progression non prévue, de plus de six points, du nombre des votants par rapport aux précédentes cantonales, celles de 2011, qui ne concernaient que la moitié des circonscriptions. Éternelle incertitude des pronostics, opacité des isoloirs, mystère des urnes. L’engagement, en première ligne, d’un Premier ministre aux trémolos de Pythie agitée par ses propres oracles, sa dramatisation des périls et des enjeux allaient-ils convaincre les électeurs socialistes déçus par le socialisme tel que le parle François Hollande de rentrer au bercail et d’épargner au PS la défaite annoncée ? La réponse est venue, elle est claire. La nationalisation du scrutin – je veux dire le caractère national que prennent deux mille élections locales qui se déroulent le même jour – et l’emballement des derniers jours d’une campagne qui, jusqu’alors, n’avait rencontré que l’indifférence ont entraîné une mobilisation plus forte des électeurs sans rien changer d’essentiel à leurs choix. Manuel Valls n’a été entendu que pour être mieux désavoué. Là où il appelait au sursaut, il n’a obtenu qu’un sursis.

Le PS au pouvoir est donc pour la troisième fois consécutive le mal-aimé du corps électoral et le grand vaincu d’une consultation nationale. Le Premier ministre et son président sagement et prudemment resté en retrait paient la division de la gauche, la déception de ses partisans, l’échec du gouvernement.

Le scrutin d’hier confirme l’exaspération et le durcissement de la France, puisque l’addition de toutes les voix de la droite qui se dit républicaine et de la droite qui se veut nationale leur donne 62 % des suffrages contre 38 % à la gauche.


Nicolas Sarkozy a pu légitimement se féliciter de résultats qui autorisent la coalition UMP-UDI à revendiquer le titre de « premier parti de France » et jouer les vainqueurs modestes en attendant de revêtir la pourpre du triomphateur dimanche prochain, puisque l’appel de Manuel Valls à voter pour sa droite « républicaine » dans les quelque mille cantons où les socialistes sont éliminés lui garantit une large avance en sièges et la conquête ou la reconquête de trente départements, la droite ne rendant pas à la gauche la bonne manière que lui fait celle-ci. L’ancien président de la République s’est quand même laissé aller à dire que « l’alternance est en marche et que rien ne l’arrêtera ». Voire…

Il ne faut quand même pas perdre de vue que, même si l’abstention a été un peu moindre qu’annoncé, un électeur sur deux a refusé les choix qui lui étaient proposés. La nébuleuse des abstentionnistes constitue une masse plus considérable que celle de chacun des « grands partis ».

Quant au Front national, s’il se situe légèrement en deçà du niveau que lui promettaient des sondages peut-être empreints de malignité, il ne réunit pas moins un quart des suffrages exprimés dans un scrutin qui lui était a priori défavorable, il progresse de dix points par rapport aux précédentes cantonales et il renforce de façon spectaculaire son enracinement. La claque du PS était tellement prévue qu’elle n’aura étonné personne. Le succès du FN était tellement claironné que les commentateurs auront essayé, hier soir, de le présenter comme un plafonnement. Quand on en est à présenter l’abstention d’un Français sur deux comme une preuve de bonne santé de la démocratie et la mise en minorité des partis du système comme un signe de « résistance », c’est que l’on se satisfait à bon compte.

Les régionales, dont les modalités sont plus favorables au pluralisme, confirmeront sans doute l’inexorable déclin des deux partis qui alternent depuis près de quarante ans au gouvernement. Pour ce qui est de François Hollande, l’avertissement est sans équivoque : s’il ne parvient pas à être le candidat unique de la gauche en 2017, ce n’est pas lui qui affrontera Marine Le Pen au second tour de la présidentielle. Son avenir politique et, plus encore, celui de Manuel Valls sont entre les mains de leurs frères ennemis.


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