Le son du glas

Il y a 25 ans, Jacques Parizeau avait joué au prophète de malheur à la veille d'un conseil national crucial pour Pierre Marc Johnson. (...) Certes, Bernard Drainville n'est pas Jacques Parizeau et il y est allé plus délicatement, mais ses propos étaient aussi lourds de sens.

PQ - dérives - Drainville


En quittant Le Devoir hier midi, Bernard Drainville a expliqué qu'il voulait avoir la conscience tranquille si le pire devait arriver au PQ. Il aura au moins fait son possible pour l'empêcher.
Au départ, le député de Marie-Victorin s'était invité à notre table éditoriale pour expliciter les propositions de renouveau démocratique qui seront soumises au conseil national de la fin du mois, mais l'entrevue a rapidement pris une tournure plus dramatique.
Dans l'état actuel des choses, le PQ pourrait carrément disparaître si des élections étaient déclenchées à brève échéance, a-t-il lancé. S'il a pu espérer en décembre que l'hémorragie des six derniers mois avait enfin été jugulée, la défection de François Rebello lui a démontré que rien n'était réglé.
Accorder une telle entrevue dans les circonstances actuelles était un exercice périlleux pour M. Drainville, que tout le monde voit comme un candidat potentiel à la succession de Pauline Marois. Inévitablement, on y verra la confirmation de ses ambitions, sinon une tentative de déstabilisation.
Il en était évidemment conscient, comme en témoignent les longs silences et les soupirs dont ses réponses étaient entrecoupées. Mme Marois est-elle encore en mesure de refaire l'unité? «... Je le pense... Disons que le temps presse... Il faut que Mme Marois retrouve rapidement la confiance des Québécois...» Aucun chef de parti ne peut se satisfaire d'un appui aussi hésitant.
La première chose à faire est de ramener au bercail les quatre démissionnaires de juin dernier, dit-il. Or, à l'exception de Louise Beaudoin, ils ont tous indiqué d'une manière ou d'une autre qu'ils n'avaient plus confiance en Mme Marois.
Si le message souverainiste ne passe pas, c'est qu'il n'est pas livré avec suffisamment de passion, croit encore M. Drainville. Le blâme à l'endroit de la chef péquiste est à peine voilé. Bien sûr, elle croit profondément dans la souveraineté, mais on ne sent pas ses tripes. Tout le contraire du député de Marie-Victorin, à qui l'émotion vient facilement.
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Déjà, il avait sérieusement irrité Mme Marois et sa garde rapprochée l'été dernier quand il avait présenté ses propositions de renouveau démocratique sans en réserver la primeur au caucus. Il semble maintenant déterminé à bousculer l'ordre du jour du conseil national pour qu'il débatte ouvertement d'une éventuelle alliance des forces souverainistes et progressistes, en commençant par Québec solidaire, qui n'est présentement discutée qu'en catimini.
L'automne dernier, son collègue de Verchères, Stéphane Bergeron, s'était fait rabrouer par certains de ses collègues pour avoir participé à une activité de QS. Craignant une nouvelle pomme de discorde, Mme Marois elle-même ne souhaitait pas que le conseil national soit saisi de la question, mais M. Drainville estime que cela ne peut plus attendre, même s'il reconnaît que l'idée ne fait pas l'unanimité au sein du parti.
Les Cassandre ne sont pas plus populaires que les Brutus, mais l'inquiétude qui tenaille M. Drainville est tout à fait justifiée. Le PQ ne serait pas le premier parti politique de l'histoire du Québec à disparaître, mais cela pourrait bien être fatal au projet souverainiste. L'idée ne mourrait pas nécessairement, mais une idée privée de véhicule n'a qu'une vie végétative.
Il a également raison de dire que, sans la menace même lointaine de la souveraineté, le rapport de force déjà très affaibli du Québec face à Ottawa serait réduit à néant, ce qui éliminerait aussi tout espoir de renouvellement du fédéralisme. Sans parler de la situation du français, qui s'est détériorée chaque fois que la souveraineté a connu un creux de vague.
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Avec sa sortie virulente contre François Rebello, Mme Marois espérait peut-être offrir un exutoire à la colère des militants péquistes. Ainsi, le PQ pourrait ajouter à ses propositions de renouveau démocratique l'obligation pour un transfuge de se soumettre au test d'une élection partielle.
M. Drainville est venu rappeler que la défection du député de Laprairie, si révoltante qu'elle puisse être, est simplement un épiphénomène qui ne doit pas masquer le mal beaucoup plus grave dont souffre le PQ, malgré le diagnostic remarquablement optimiste que Mme Marois faisait dans ses entrevues d'hier.
Le «cahier d'animation» destiné aux délégués au conseil national contient sans doute des propositions intéressantes, mais elles ne régleront rien dans l'immédiat. D'ailleurs, il s'agit presque d'un copier-coller du «cahier de participation» qui avait été préparé en prévision des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques en 2003. Tout a déjà été examiné: le référendum d'initiative populaire, la réforme du mode de scrutin, la Chambre des régions, le droit de vote à 16 ans, etc. Faut-il vraiment refaire l'exercice?
Il y a 25 ans, Jacques Parizeau avait joué au prophète de malheur à la veille d'un conseil national crucial pour Pierre Marc Johnson. S'il ne retournait pas de toute urgence à ses racines, le PQ allait tout simplement disparaître. Ses déclarations avaient eu l'effet d'un véritable électrochoc et sonné le glas pour M. Johnson. Certes, Bernard Drainville n'est pas Jacques Parizeau et il y est allé plus délicatement, mais ses propos étaient aussi lourds de sens.


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