Bernard Drainville en entrevue au Devoir

«Le PQ pourrait disparaître»

Le député dit avoir encore confiance en Pauline Marois, mais avoue s'inquiéter

PQ - dérives - Drainville


Jeanne Corriveau - S'il continue de s'enliser et si l'hémorragie n'est pas stoppée, «le PQ pourrait disparaître». C'est l'avertissement qu'a lancé avec émotion hier le député de Marie-Victorin, Bernard Drainville, lors d'une rencontre éditoriale au Devoir. Selon lui, il y a péril en la demeure. Le parti fondé par René Lévesque aura besoin d'un «méchant coup de barre», et vite, s'il ne veut pas être rayé de la carte, a-t-il plaidé.
Bernard Drainville ne cache pas son inquiétude. Venu présenter au Devoir ses propositions pour le «renouveau démocratique» qui sera au menu du conseil national du PQ à la fin de janvier, le député péquiste admet que les crises successives qui déchirent les troupes souverainistes et la rafale de démissions mettent le parti en danger. Au fil de la conversation, ses propos sont ponctués de silences et d'hésitations qui en disent long sur son état d'esprit.
«Il faut refaire l'unité du parti. En fait, il faut que les départs cessent. Il y a eu trop de départs et il y a eu trop de démissions. Mais là, il faut commencer à ramener notre monde. À toutes les fois qu'on en perd un, on s'affaiblit, pas seulement comme parti et comme mouvement, mais on s'affaiblit également dans l'opinion publique», dit-il.
Ramener les démissionnaires au bercail, qu'il s'agisse de Louise Beaudoin ou de Pierre Curzi, faire alliance avec les forces souverainistes — Québec solidaire en premier lieu —, et recréer un lien de confiance avec les citoyens désabusés de la classe politique, voilà le mode d'emploi que le PQ devrait suivre pour se sortir du pétrin, croit Bernard Drainville.
Pauline Marois est-elle en mesure de mener cette opération de sauvetage? «Je le pense», avance-t-il avant de marquer une pause. «Mais disons que le temps presse parce qu'on a des élections qui nous pendent au bout du nez... Il faut que Pauline réussisse à gagner la confiance des Québécois et ça doit se faire rapidement parce que M. Charest n'attend que l'ouverture pour déclencher des élections. Je lis les mêmes sondages que vous et j'entends les mêmes choses que vous: s'il y avait des élections aujourd'hui, on serait dans le gros trouble. Le Parti québécois pourrait faire face au même sort que le Bloc québécois le 2 mai dernier.»
«Un parti comme les autres»
Selon lui, une partie de la solution réside dans l'adoption par le parti de mesures susceptibles de redonner aux citoyens le sentiment que leur voix est écoutée et qu'ils sont partie prenante de l'exercice du pouvoir. En juillet dernier, il les a d'ailleurs sondés. Expédiés par courriel ou via les médias sociaux, les messages ont afflué et le verdict a été sans équivoque: non seulement les Québécois ont-ils perdu confiance dans la classe politique, mais ils portent un jugement sévère à l'endroit du PQ. «Ils nous ont dit: "Vous, du Parti québécois, vous avez déjà été le parti du peuple québécois, le parti des gens ordinaires, de la classe moyenne et des familles [...], mais vous êtes devenus un parti comme les autres"», relate Bernard Drainville.
Il dresse alors la liste des propositions qu'il souhaite voir adoptées par les militants du parti: réforme du mode de scrutin avec un système proportionnel et un vote préférentiel, obligation pour les députés de tenir des assemblées publiques dans leur circonscription sur une base régulière — «pour que la relation entre les citoyens et l'élu soit marquée d'une plus grande humanité» — et implantation d'une politique sur les référendums d'initiative populaire.
Au sujet de cette dernière proposition, Bernard Drainville précise qu'il faudrait mettre la «barre haute» pour éviter les abus. Ainsi, pour qu'un référendum soit tenu, il faudrait qu'au moins 15 % des électeurs inscrits, soit 850 000 personnes, en fassent la demande. Selon lui, un tel outil aurait eu raison, plus rapidement, du refus de Jean Charest de mettre sur pied une commission d'enquête publique sur la construction.
«Ce ne sont pas des remèdes miraculeux. Ça ne va pas régler d'un coup la crise de confiance, mais le pari que je fais et le pari que nous faisons comme parti, c'est de contribuer à tout le moins à réparer le lien de confiance qui est rompu actuellement entre les citoyens et la classe politique», explique Bernard Drainville.
Mais le député ne se fait pas d'illusions. Il faudra bien davantage que de telles propositions pour sortir le PQ du bourbier.
Il se recueille longuement avant de poursuivre, visiblement ému et troublé par le péril qui, à ses yeux, menace le parti fondé par René Lévesque. «Je veux avoir la conscience en paix... Si jamais le pire devait arriver, je veux être capable de dire que j'ai fait tout ce que ma conscience me dictait pour l'éviter, finit-il par admettre. La situation actuelle, elle est... périlleuse. Je pense qu'il faut un méchant coup de barre et ça presse.»
«Alors..., j'aurai la conscience tranquille. Ça ne me confortera pas beaucoup, peut-être, mais je veux au moins être capable de dire que j'ai vraiment tout fait pour provoquer le nécessaire débat d'idées qui va nous permettre d'amener des solutions au problème qu'on vit. Je ne veux pas avoir de regrets. [...] On a tous une responsabilité comme députés de Parti québécois d'assurer l'avenir de ce parti-là et de le protéger. [...] Actuellement, cet avenir-là est remis en question. On est très à risque. Le PQ pourrait disparaître!»
Pauline Marois partage-t-elle ce sentiment d'urgence? «Je pense que oui, dit-il. Elle voit les mêmes choses que nous. C'est une femme d'État, qui a beaucoup fait pour les Québécois et qui aime le Québec. Je pense qu'elle va tout faire pour sauver ce parti et s'assurer que le rêve que ce parti-là porte dure.»
«Moi, j'ai encore confiance en Pauline Marois, mais je m'inquiète», commente-t-il prudemment, en pesant soigneusement ses mots.
Unité et souveraineté
Et la souveraineté dans tout ça? Pour Bernard Drainville, cette question doit demeurer au centre des préoccupations et du discours du PQ, mais il faudra parvenir à mieux faire passer le message. «Il faut renouveler les raisons pour lesquelles on veut la faire. Je pense qu'il faut être passionné dans la façon d'en parler et qu'il faut moderniser le discours, explique-t-il. Au cours des dernières années, on a perdu beaucoup de temps au sein du mouvement souverainiste — en particulier depuis 95 — à discuter du moyen plutôt que des raisons pour lesquelles on doit la faire. [...] On doit être plus convaincants.»
L'unité des forces souverainistes s'impose aussi, selon lui, «pour livrer la bataille ensemble plutôt que de la livrer les uns contre les autres»: «Je pense que ça prend une alliance avec Québec solidaire et avec les autres partis souverainistes et progressistes. On partage suffisamment de choses pour être capables de s'entendre sur l'essentiel. Quelle forme ça va prendre? Je ne le sais pas, mais entendons-nous d'abord sur le principe de l'unité.» Du même souffle, il reconnaît que cette idée risque de créer des frictions dans les rangs du PQ.


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