Vu des Îles

Le savent-ils au moins?

Chronique publiée dans l'hebdo Le Radar des Îles de la Madeleine

Sports et politique

Les Canadiens ont battu les Pingouins…, yeah!
Eh oui, ceux qu’on appelle nos « Glorieux » ont battu l’équipe championne de la saison, les Capitals de Washington puis les champions de la coupe Stanley 2009, les Pingouins de Pittsburgh. Au moment où vous lirez ces lignes, nos « Glorieux » de « la sainte flanelle » seront déjà en route, soit pour le paradis, soit pour l’enfer, et comme je ne suis pas devin, je n’en sais foutument rien à l’heure où j’écris ces lignes.
Vous dire que je m’en fous éperdument serait mentir. Moi aussi, je me suis planté devant mon téléviseur pendant la dernière période de la dernière partie éliminatoire contre les champions de la coupe Stanley de l’an passé. Vous dire que j’étais fier de cette équipe de Russes, de Slovaques, d’Américains… et des trois Québécois qui nous représentaient dans le Saint des Saints de la Ligue nationale de hockey de toute l’Amérique du Nord serait assez juste. Par contre, je ne peux taire une imagination fertile qui se mit à imaginer une équipe à majorité québécoise, puis acadienne, puis canadienne et ce que cela aurait donné comme résultat sur la glace des amphithéâtres de l’Amérique.
Les plus complexés et antinationalistes prétendront toujours le contraire, mais je suis de ceux qui sont convaincus qu’une telle équipe serait tellement imbattable que les dirigeants de la ligue changeraient les règlements pour équilibrer le tout de façon à contenter tout le monde. C’est d’ailleurs ce qu’ils ont fait et ils l’ont si bien fait que nous avons vu une équipe saisonnière de 17e position planter sur le fil d’arrivée les deux plus puissantes organisations de hockey de cette ligue. Voilà de quoi discuter longtemps autour d’un café, mais maintenant que j’ai lancé la roche dans l’eau, permettez que je m’éloigne de ce sujet brûlant de « religiosité » sportive et politico partisane afin de dériver vers autre chose de beaucoup plus troublant.
Les partisans
Ils étaient des milliers à manifester leur joie dans les rues de Montréal et un peu partout dans les plus petites villes du Québec et même dans les maritimes. En soi, rien d’anormal là-dedans même que s’il est quelque chose de thérapeutique chez un peuple, c’est bien une manifestation spontanée de joie et de fierté occasionnée par une victoire sportive quelconque. Mis à part les quelques hurluberlus qui en ont profité pour faire de la casse dans les commerces de la rue Sainte-Catherine, le tout avait l’air d’une fête bien éclairée dans les ténèbres d’une actualité pas très réjouissante. Voilà, je l’ai dit, cela m’a pris une demi-page de texte pour vous amener sur la question : « Le savent-ils au moins? »
Pendant que les images de casse défilaient sur mon petit écran, je me suis demandé si la très grande majorité des partisans, les pacifiques comme les minoritaires écervelés du non-respect de la propriété privée, savaient que pendant qu’ils fêtaient leur équipe sportive préférée, qu’il se passait chez eux et dans le monde en un ailleurs qui les atteindra tôt ou tard et même très bientôt, quelque chose de grave qui menacera à court terme, leur liberté, leur qualité de vie, leurs avoirs et surtout, leur vie même.
Savent-ils?
Savent-ils qu’une marée noire envahit peu à peu tout un golfe, tuant sur son passage animaux, faune et flore d’une richesse inimaginable? Chaque jour, 800 000 litres (176 000 gallons) de pétrole sortent du fond du golfe du Mexique sans que l’on puisse faire quoi que ce soit malgré des efforts surhumains pour colmater le résultat d’une erreur humaine qui n’aurait jamais dû arriver.
Savent-ils que les conséquences d’un tel désastre vont se répercuter chez eux dans peu de temps, peut-être quelques années seulement si l’on considère l’épandage massif des dispersants chimiques qui, tôt ou tard, seront dans la chaîne alimentaire humaine?
Savent-ils que cet accident provoqué par l’homme va avoir une influence directe sur leurs revenus par une augmentation des coûts à la pompe, par une économie américaine qui risque la déroute, par des pertes énormes d’approvisionnement en nourriture sur les marchés mondiaux? Qu’on se le dise, depuis la libéralisation des marchés, nous sommes tous interconnectés en ce domaine.
Savent-ils que pendant ce temps, d’autres préparent la levée du moratoire sur le banc George et sa non-prolongation d’interdiction totale et permanente d’exploitation pétrolière sur ce fond marin des plus riches dans l’est de l’Amérique?
Savent-ils que le gouvernement du Québec n’entend pas faire valoir une opinion ferme de non-exploitation des ressources gazières dans le golfe du Saint-Laurent auprès de ses partenaires frontaliers, comme Terre-Neuve, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-Édouard?
Savent-ils qu’une catastrophe de cette même ampleur dans le golfe du Saint-Laurent provoquerait la fin irrémédiable de toute l’économie de l’Est du Canada, la fin d’un patrimoine touristique unique, la fin d’une zone de pêche autrefois des plus riches au monde, la fin d’une qualité de vie enviée par la plupart des peuples de la terre?
Dans un autre domaine, savent-ils que nos gouvernants de tous les paliers de gouvernances sont soupçonnés de corruption à une échelle jamais vue auparavant, menaçant du même coup la sécurité publique, la qualité de vie des citoyens et allant même jusqu’à menacer la stabilité de la démocratie?
Savent-ils qu’une guerre de religion à l’échelle mondiale existe déjà et qu’elle s’est insidieusement ancrée dans la plupart de nos institutions démocratiques sans que personne ose lever le petit doigt;
Que cette invasion silencieuse et sournoise est en train de pourrir le cœur même de nos sociétés occidentales;
Que cette guerre fera bientôt de nous des pantins apeurés aux mains de despotes avides de pouvoir, assis sur des fortunes colossales partagées entre quelques privilégiés, le tout protégé par un contexte religieux qui servira de balise menaçante à tous ceux qui tenteront d’éveiller les cœurs et la raison au bien-être de l’humanité plutôt qu’à sa destruction?
Savent-ils que notre système économique et social provincial est on ne peut plus mal en point?
Québec grec
La semaine dernière, j’écoutais une journaliste grecque expliquer la situation économique désastreuse de son pays, et si je n’avais pas écouté les premières phrases de la présentatrice, j’aurais cru qu’il s’agissait d’une personne décrivant la réalité du Québec. Je me suis remis en question immédiatement en me disant que j’exagérais peut-être, et pourtant, quelques jours plus tard, sous la plume d’Éric Duhaime dans le Journal de Montréal du 11 mai, en page 24, il titre son texte ainsi :
« Québec grec » et je cite sa conclusion : « Si un virage majeur ne s’opère pas bientôt, les Québécois ne devront pas se surprendre si l’huissier fédéral se pointe bientôt à nos portes pour nous imposer un remède de cheval que nos élus à l’Assemblée nationale n’ont pas le courage de nous administrer. Comme la Grèce ces jours-ci, nous n’aurons alors plus les moyens de résister et notre sort se décidera ailleurs, par des étrangers. »
Tous à peu près s’entendent aujourd’hui pour dire que la Grèce est d’abord victime de plusieurs immenses réseaux de corruption dans son administration en plus de s’être dotée de régimes sociaux dont elle n’avait pas les moyens de se payer. Nous ne saurons jamais si la Grèce aurait pu se payer ces couvertures sociales en l’absence de corruption majeure, mais son portrait ressemble drôlement à ce qui se trame dans le Québec d’aujourd’hui.
Rappel de l’Histoire
Pendant qu’il brûlait volontairement Rome, l’empereur Néron multipliait les accusations de mise à feu sur le dos de ses propres concitoyens et particulièrement les chrétiens et ceux qui habitaient les quartiers pauvres de la ville. Habile tribun et surtout habile magouilleur qui finit par passer à l’Histoire comme l’un des plus grands tyrans de son époque, celui qui voulait être reconnu de par le monde pour la réalisation d’une nouvelle Rome toute belle et neuve, avait trouvé un moyen génial pour occuper le bon peuple à autre chose que la politique et ses « à côté » pas très reluisants. Il fut aussi l’empereur qui organisa les plus grands jeux dans Rome, jeux de gladiateurs, courses de chevaux et surtout massacres de chrétiens par toutes sortes de tortures, allant de combats inégaux avec ses soldats, de mise à mort en lâchant des lions et des tigres affamés contre hommes, femmes et enfants, ceci sans oublier des centaines de crucifixions publiques données en admiration à la foule applaudissante qui en redemandait chaque fois.
Néron avait compris comment faire taire son peuple et lui masquer la réalité. Il ne suffisait que de lui donner du pain et des jeux. Ici, on nous donne l’assurance emploi, le BS et Les Canadiens. Pourtant, chacune de ces choses est bonne en soi. C’est plutôt le mélange des trois qui masque l’essentiel.
Publié dans Le Radar 2010-05-21
http://www.leradar.qc.ca/chronique.php
et sur le blogue : [[Chroniques de Marin Gouin et son Café]]


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