Le Renvoi sur la sécession

Chronique d'André Savard


André Binette a écrit dans L’aut’hebdo un article important. Intitulé [« Quelle Constitution pour le Québec ? »->12543], on aurait tout avantage à s’y référer avant de penser davantage à l’élaboration d’une Constitution québécoise. L’article souligne la nécessité de se servir de tous les moyens à notre disposition pour faire évoluer le statut du Québec au Canada de manière à le protéger des abus de pouvoir.
Semblable proposition risque fort de faire crier plusieurs à l’hérésie. Des indépendantistes crieront que cela risquerait de nous confiner dans une solution palliative, moindre que la souveraineté. Fédéralistes et autonomistes crieront que le statut étatique du Québec n’est pas un vrai problème et que la situation n’est pas mûre pour songer à quelques propositions concrètes.
Le Québec semble penser qu’il n’a pas à former ses propres concepts pour assigner un rôle de représentation nationale à son État. Même plusieurs indépendantistes, affirmant qu’au Canada le Québec ne peut que s’aligner sur du prêt-à-penser extérieur, récuse la possibilité de tout travail d’élaboration autonome.
Dans cette disposition d’esprit, on demeure passif et, en attendant le grand jour, on laisse le seul gouvernement national au Canada, le Fédéral, usurper un pouvoir de décision démocratique. Comme l’écrit André Binette à propos de la voie ouverte sur le Renvoi sur la sécession auprès de la Cour suprême : « Cette voie reposerait sur une vision plus dynamique de la légalité canadienne. Elle proposerait une remise en question de certains aspects de la Constitution canadienne au moyen de la Constitution du Québec en s’appuyant sur la souveraineté populaire sur des questions susceptibles de faire consensus au Québec. »
Plusieurs voix se sont levées au cours des dernières années dont celles, récemment, de [Gilbert Paquette->aut1326] et, auparavant, de [Claude Morin->aut11] dans son livre Les Prophètes Désarmés, souhaitant un État québécois mieux outillé pour servir des objectifs nationaux. Différentes dans leurs propositions, ces voix font toutes résonner un lugubre avertissement : faute de contrefort institutionnel et de droits nationaux, l’État québécois risque de se faire jouer de vitesse et de perdre graduellement tout ressort comme instance représentative de la nation québécoise. Dès maintenant, on doit se servir de la souveraineté populaire de la nation québécoise pour se donner des objectifs nationaux.
On ne peut pas rester les bras croisés en attendant que se résorbe le clivage politique entre fédéralistes, autonomistes, souverainistes. Les menées qui pourraient se poser à l’encontre du gouvernement québécois sont nombreuses. André Binette en soumet un exemple. Qu’adviendrait-il si le Canada devenait une république ? Les Canadiens comme les Australiens y pensent parfois et ce sont deux nations culturellement voisines.
Comme nation, les Québécois n’ont à peu près aucune protection au Canada. Le seul concept que les fédéralistes comprennent, c’est celui de marge d’autonomie entre les paliers gouvernementaux. C’est donc à présent que l’on doit se servir d’une Constitution québécoise pour statuer sur le statut politique et représentatif de l’État Québécois.
Le Québec a tout avantage à s’orienter vers la formule républicaine avant que la nation canadienne ne s’y décide elle-même. Dans cette dernière éventualité, le Canada en profiterait pour se pourvoir contre toute forme de césure. Il affirmerait encore davantage s’il se peut que tout groupement humain au Canada est une sédimentation du multiculturalisme canadien.
Les indépendantistes qui croient qu’un durcissement des positions fédérales accélérera la venue du grand jour n’apprennent rien du passé. Plus le Québec s’affaiblit, plus il se paie des crises d’analyses pour gagner du temps. Un organisme qui s’affaiblit essaie de gagner du temps, c’est une vérité autant sociologique que biologique.
À propos des modalités découlant du Renvoi sur la sécession, André Binette écrit : « Ainsi, un référendum québécois qui approuverait un projet de Constitution du Québec contenant une remise en question de certains aspects de la Constitution du Canada déclencherait l’obligation de négocier en droit canadien qui a été créée par la Cour suprême dans le Renvoi. Il en serait ainsi, par exemple, de la proposition de créer une République du Québec. »
Si l’État Québécois ne réussit pas à marquer une distance par rapport à son statut de province de la nation canadienne et à se poser comme auteur légitime d’initiative nationale, ce sera le gouvernement national canadien qui viendra consolider ses propres assises. Les intellectuels canadiens trouveront les beaux principes qu’il faut. Ils jetteront leur drapeau dessus pour s’en déclarer propriétaires. Le peu qu’il reste du pouvoir québécois, coincé dans son titre de province, est à la merci de n’importe quel coup de torchon nourri par le grand débat multiculturel canadien d’un océan à l’autre.
Les partis fédéralistes ne lèveront le sourcil que pour sourire. Ils offriront d’adopter les opportunistes québécois, ceux qui, moyennant une élévation dans leur carrière, voient n’importe quel abus du pouvoir canadien contre le Québec comme un assainissement de la culture politique.
Pour la suite des choses, il est important que la nation québécoise se donne les premiers outils. Que cette province qui représente la seule nation francophone en Amérique représentée par un État commence enfin à se donner une physionomie nationale !
André Savard


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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    27 mars 2008

    Imaginez 4 gros bouliers de Loto-Québec. Dans chacun, 100 boules: 99 blanches et une noire. Vous activez les moteurs et attendez que les 4 poules pondent leur oeuf.
    Oh surprise, c'est la noire qui sort du premier boulier! Incroyable, vous aviez une chance sur cent que ça se produise.
    Vous surveillez le deuxième boulier: pas possible! Une autre noire! Vous venez de vivre quelque chose d'inouie qui n'arrive qu'une seule fois sur 10,000!
    La troisième poule pond son oeuf: c'est une blanche. Normal: 99 chances sur 100.
    Puis c'est le dernier boulier: alors là vous n'en croyez pas vos yeux. Vous cherchez Garry Kurt dans la salle? Ca se peut pas! Une autre noire!!! Vous aviez 99 chances sur 100,000,000 que ça arrive et c'est arrivé! Même les Lavigueur n'avaient pas eu autant de marde au c..
    C'est pourtant la chance inouie qui est arrivée au "peuple... choisi" à la Cour suprême du Canada ces dernières années sans attirer moindrent l'attention de notre presse nationale (iste). Faut croire qu'un Roy ou un Lavigueur vaut plus de couverture médiatique que la nomination d'un juge juif....
    Il y a 300,000 Juifs au Canada, moins d'un pourcent de la population. Les probabilités d'avoir un juge juif à la Cour suprême sont donc de 1 sur 100 à chaque nomination i.e. à peu près nulle.
    Morris J. Fish a été nommé la Cour suprême du Canada le 5 août 2003. A l'époque personne n'avait remarqué qu'il était juif. C'était le premier. Ce qui avait frappé c'est que c'était un Anglo du Québec. On sait que 3 sièges sur 9 sont réservés au Québec (droit civil oblige) et le fait de prendre un juge anglophone étonnait un peu. Mais bon.
    La nomination de Fish a été faite par Martin Cauchon, un très junior du gouvernement de Chrétien qui n'en menait pas large dans le cabinet. C'est certainement pas lui qui a décidé ça tout seul. Le fidèle conseiller de Chrétien était le brave Éddy, un juif anglo de Montréal qui devait certainement connaitre Morris. (il n'y a que 92,000 juifs tricottés serrés au Québec)
    C'est avec la nomination de Rosalie Silberman Abella en août 2004, par Irwin Cutler, qu'on a commencé à tiquer. Là ça commencait à sentir le gars de vue. Que ça ne pouvait pas etre le fruit du hasard. Qu'il y avait une combine quelque part.
    Irwin Cotler a été ministre de la Justice de décembre 2003 à 2006, jusqu'à la défaite de Paul Martin. Il a été élu dans une partielle en novembre 1999 dans Mont-Royal (le comté rouge vif à Pet) avec à peine 91% des voix...(le Bloc n'a demandé de recomptage...)
    Célèbre juriste, bardé de médailles et de décorations internationales, Cotler a inventé une échelle d'antisémistisme! Wikipédia nous raconte qu'il a séparé l''anti-sémitisme en 6 catégories et trouvé 13 indices de discrimination contre les Juifs qui sont caractéristiques du "new anti-jewishness" (euh comment on traduit ça en français?). Semble n'avoir trouvé aucune trace à la Cour suprême...
    Quelques semaines plus tard, Cutler a nommé Louise Charron, une Franco-Ontarienne. On s'est dit que la loi de la moyenne était revenue. Erreur!
    Car avec la nomination de Marshall Rothstein, en mars 2006, un autre juif, du Manitoba cette fois, un endroit où il y en a très peu, on s'est dit que c'en était trop. Que la mesure débordait.
    Toutes ces nominations ne peuvent évidemment pas être le fruit du hasard. A moins de croire au gars des vues...

  • Archives de Vigile Répondre

    26 mars 2008

    Est-ce que le fait que la Colombie-Britannique ait sa propre constitution a amélioré son rapport de force vis-à-vis le fédéral??? Il me semble qu'elle est toujours une province comme les autres, sans plus ni moins.
    Une Constitution québécoise soumise à la Constitution canadienne me laisse plutôt indifférente. Le seul intérêt que je pourrais y voir serait que son contenu donne le goût du pays. Mais rien n'est moins sûr.
    Quant à l'idée de la création d'une République du Québec à l'intérieur du Canada, il est certain que les autonomistes pourraient s'en contenter. Les indépendantistes non.
    Suzanne Lachance

  • Archives de Vigile Répondre

    25 mars 2008

    Ce qu'il faut comprendre c'est que l'état du Québec est dans un rapport de force avec l'état canadien qui l'a annexé et réduit au statut de demi état de province. Pour se sortir de cette posture aliénante il faut que l'on donne de la consistance à notre état. La proposition de doter le Québec de sa propre Constitution, qui précise les termes politiques et juridiques de notre état nation, constitue un acte d'état d'envergure qui va tout à fait dans le sens de donner de la consistance à notre état. Ce qui nous permet d'établir un rapport de force plus favorable pour envisager la rupture.
    J'ai eue l'occasion de parler de cette proposition de Constitution un mois avant qu'elle n'apparaisse sur la place publique (http://www.vigile.net/Entre-le-nous-et-le-mou).
    Et j'en ai aussi parler dans un commentaire suite à la parution du Plan de M. Larose (http://www.vigile.net/Geopolitique-101-Pauline-l)
    Pour qu'une stratégie d'état de cette nature réussisse il faut qu'elle soit porter par un leadership politique qui a une carrure et qui soit imprégné d'un culture d'état. C'est à ce niveau que les questions se posent: Il n'est pas clair que le PQ a les qualités qu'ils faut pour mener le projet à terme avec la détermination que cela suppose.
    JCPomerleau

  • Raymond Poulin Répondre

    25 mars 2008

    Ce que vous proposez semble en effet la première chose à faire dans la situation actuelle, mais l'analyse politique à froid et l'idéologie — toujours une projection hors du réel, une construction à partir de ce qu'on voudrait qui soit et non à partir du contexte et de la situation — appartiennent à deux univers différents. Comme on peut le constater presque tous les jours sur Vigile, l'idéologie en mène large. Faute, dans l'immédiat, de pouvoir réaliser l'indépendance à cause de l'absence d'un consensus populaire —quelles qu'en soient les raisons —, il faut d'abord protéger ce qui existe tout en assurant la capacité de dépasser éventuellement ce stade. Une constitution québécoise, voici le premier outil. Pour le comprendre et le faire, il faut sortir de l'idéologie, cette fumée de l'esprit.