Le test démocratique de Stéphane Dion

Chronique d'André Savard


Des élections partielles en Ontario et en Saskatchewan, on a dit qu’elles constituaient un test démocratique pour Stéphane Dion. D’un point de vue québécois, ce commentaire est totalement irréaliste. Stéphane Dion ne doit pas sa carrière aux Québécois.
On pourrait certainement s’attendre à ce que les grandes carrières soient le produit de la liberté populaire. Or Stéphane Dion doit sa carrière au fait que la population canadienne voulait se pencher sur le grave problème du nationalisme ethnique au Québec et sur la présomption que les indépendantistes tenaient le Québec dans l’ignorance de la vérité. Ensuite, Stéphane Dion a endossé de façon plus ou moins détournée l’idée qu’une victoire de l’indépendantisme québécois risquait de relancer la guerre des races.
Ces idées qui s’étalaient dans le National Post et le Ottawa Citizen, Stéphane Dion, avec sa manie de lever l’index, en était le porteur idéal. Il fallait un homme réputé au Canada pour sa haute intelligence, d’origine québécoise de préférence, afin de chevaucher cette version commode, simplifier tous les calculs, contrôler le message de bout en bout au Canada comme à l’étranger.
En entrevue, les candidats du parti Libéral des dernières élections partielles ont vanté la « loi de la clarté » de Stéphane Dion et sa dite « passion pour le Canada ». Ce dernier, à leurs yeux, avait concocté une loi du bon peuple qui permettrait aux dirigés de se défendre contre les abus des dirigeants québécois. Dion est donc, selon eux, l’expression de la volonté populaire, quoique ce soit en tant que candidats du centre de Toronto et de l’Ouest qu’ils viennent de lui faire passer un nouveau test démocratique.
Le testeur démocratique est Canadien. C’est lui qui chante la vérité sur nous. C’est dans son grand pays d’un océan à l’autre qu’on permet aux citoyens de se défendre contre leur propre pouvoir, à l’individu contre son milieu trop étroit d’esprit.
Jean Charest a lui aussi cherché sa première légitimité démocratique au Canada. Non seulement se montre-t-il fidèle à ses racines, il est en train de pomper le cerveau de ses collègues avec ces vieilles recettes. Incapable de baisser les dépenses, il a fait partager à Monique Jérôme-Forget cette visée de réduction supplémentaire du financement de l’État. Faute de pouvoir atteindre ses objectifs de réduction des dépenses, lui et sa ministre des Finances veulent absolument se reprendre sur la seconde moitié de ces objectifs.
Au Québec, on a analysé le budget de Monique Jérôme-Forget comme un fait annuel, basé sur les exigences du moment. Son budget. comme une bille sur un toboggan, suit en fait celui de l’année dernière. Il ne fait que réapparaître plus bas sur la pente en épousant davantage les mauvaises décisions d’alors. Jean Charest a voulu, l’année dernière, couper l’État québécois de ses sources de financement touchant le déséquilibre fiscal.
Pourquoi? Parce que Jean Charest, du temps de son apprentissage chez les Conservateurs à Ottawa, a gobé la théorie de Reagan selon laquelle la baisse du financement de l’État libérait de l’argent dans l’économie et rendait directement la majorité plus prospère. C’est ce raisonnement qui lui fit dévier un milliard de dollars qui devait servir à des baisses d’impôts momentanées.
La théorie de Reagan s’appliquerait si, effectivement, les dépenses de l’État passaient en paperasseries, en rapports, et si la fonction primitive du gouvernement qui est de servir la nation et son système social, était détournée. On identifie facilement État et gaspillage, un bon point pour les agents du conservatisme social qui voient dans cynisme et perte de foi leurs meilleurs alliés.
Si cependant l’État fait son travail et veut être à la hauteur de responsabilités grandissantes, ça ne va plus, ce vieux raisonnement. Mais Jean Charest a tellement entendu des discours de réduction de l’appareil dirigeant, des couches et des organisations parasitaires, qu’il continue avec les beaux élans affectifs de sa prime jeunesse idéologique.
Si l’argent échappe à l’État et au service de la collectivité, c’est une grosse erreur que de croire qu’il se retrouvera à l’air libre justement rétribué dans les marchés pour le plus grand profit de la prospérité générale. L’argent accumulé engendre ses propres fonctions et des courtiers spécialisés le traitent comme un phénomène autonome qui rencontre ses propres lois de gestion.
On devrait s’attendre d’un premier ministre québécois qu’il parle de construction de l’État québécois. Il est chargé de cela. Il ne doit pas présenter l’amoindrissement du gouvernement, ses possibilités irréalisées comme un programme positif qui permettrait à des possibilités supérieures de se développer ailleurs.
Heureusement pour le statu quo, à l’usure, on trouve une légitimité démocratique à n’importe quoi. Il y aura des sondages qui renseigneront sur le fait que le mécontentement n’est ni profond ni essentiel. On identifiera les politiciens de génie qui font partie des forces capables de préserver un certain ordre dans le pays, ce pays étant le Canada bien entendu.
André Savard


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