Le « front commun » que vantait le ministre Gaétan Barrette sur toutes les tribunes n’aura finalement pas tenu. L’Ontario, le Québec et l’Alberta sont à leur tour rentrés dans le rang vendredi en s’entendant avec Ottawa sur les transferts en santé. Les trois provinces acceptent l’offre fédérale qu’elles contestaient depuis des mois.
« C’est une journée fantastique, s’est exclamée la ministre fédérale de la Santé, Jane Philpott. C’est un vrai plaisir de travailler avec mes homologues d’à travers le pays sur cette question. » Il ne reste plus que le Manitoba qui n’a pas signé, mais, selon Mme Philpott, ce n’est plus qu’une question de temps avant que le « village gaulois » des Prairies se rende. « Je soupçonne qu’on entendra parler du Manitoba bientôt. Il n’y a aucun doute que les Manitobains ont hâte d’avoir des ressources additionnelles. »
L’offre fédérale ramène de 6 % à 3 % le taux de croissance annuel du transfert fédéral destiné aux soins de santé. L’offre s’accompagne d’une enveloppe forfaitaire de 11,5 milliards de dollars sur 10 ans devant être dépensés en santé mentale et en soins à domicile. Seulement 2,7 % de cette somme sera cependant versée pour la première année de l’entente, et environ 7,5 % la seconde année, comme l’a révélé Le Devoir plus tôt cette semaine. Le gros des fonds sera donc versé au-delà de la prochaine élection.
Pour le Québec, la part de cette enveloppe est de 2,5 milliards sur 10 ans. Le communiqué de presse de Québec laisse entendre que la province jouira d’une plus grande latitude dans son utilisation. « Ces fonds font l’objet d’une entente asymétrique qui assure au Québec toute la latitude pour investir ces fonds dans le respect de ses priorités et de ses compétences en matière de santé, dont la santé mentale ou les soins à domicile », est-il écrit.
La porte-parole du ministre québécois des Finances, Carlos Leitão, assure que le Québec pourra utiliser l’argent comme bon lui semble. « On peut investir sans reddition de comptes dans nos priorités », insiste Audrey Cloutier. Mais le Québec aura-t-il des priorités autres que la santé mentale et les soins à domicile ? Ni Mme Cloutier ni Julie White, la porte-parole du ministre de la Santé, Gaétan Barrette, n’ont voulu répondre. « Ce sont nos deux priorités. Mais c’est une entente asymétrique », a martelé Mme White.
On comprend que le Québec s’en tiendra aux missions dictées par le gouvernement fédéral. En coulisses à Ottawa, on note, sourire ironique en coin, que c’est un cas où, officiellement, on dit l’asymétrie respectée, mais, en pratique, le « hasard » fait que les priorités québécoises coïncident avec celles du reste du pays… Les susceptibilités de tous sont ainsi ménagées. « Le Québec a décidé par lui-même de ses priorités. Elles s’adonnent à être les mêmes que les nôtres », a déclaré Mme Philpott.
En point de presse à Saguenay, le premier ministre Philippe Couillard a tenu le même discours. « Depuis 2004, le Québec est libre d’utiliser les fonds transférés par Ottawa en santé et services sociaux selon ses priorités. Maintenant, les priorités du Québec ne sont pas différentes du reste de l’Amérique du Nord. On parle tous de services aux aînés, de première ligne, de santé mentale. »
Les provinces, en signant, s’engagent à négocier ultérieurement avec Ottawa un protocole de reddition de comptes quant à l’utilisation de l’argent versé. Mme Philpott a indiqué qu’au nom de l’asymétrie, les termes du protocole québécois différeront. « Dans le cas du Québec, ils décideront des indicateurs qu’ils veulent utiliser. »
Philippe Couillard a souligné à de nombreuses reprises que le principe d’asymétrie était non seulement respecté, mais « bonifié ». De fait, Ottawa a accepté de l’étendre aux infrastructures sociales. Une partie des sommes destinées aux provinces devait servir à construire des centres de la petite enfance. Comme le Québec a déjà son réseau, Ottawa accepte que l’argent aille ailleurs. « Le gouvernement du Québec a obtenu du gouvernement fédéral la capacité d’utiliser une partie des sommes réservées au développement d’infrastructures pour financer ses priorités en matière de services directs aux familles », indique le communiqué de presse de Québec.
Les provinces réclamaient le maintien du taux de croissance annuel de 6 % du transfert en santé, taux en vigueur depuis 2004. Ottawa avait indiqué que celles qui ne signeraient pas ne recevraient pas leur part des 11,5 milliards.
La ministre Philpott s’est défendue d’avoir semé volontairement la zizanie. « Il ne s’agit pas de diviser pour régner. Nous avons mis sur la table en décembre une offre fantastique et il a fallu du temps à plusieurs provinces pour y réfléchir. »
> Lire la suite de l'article sur Le Devoir
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé