Entrevue à L'Express

Le Québec jouit déjà d'un statut politique distinct, soutient Charest

Le premier ministre explique au magazine français que le fédéralisme asymétrique confère au Québec un statut différent de celui des autres provinces

Charest en Europe


Québec - Le premier ministre Jean Charest estime que le Québec est non seulement une nation mais qu'il jouit déjà d'un statut politique différent des autres provinces, ce qui lui permet de s'exprimer «sans inhibition» sur la scène internationale.
C'est ce que Jean Charest a déclaré dans une entrevue accordée à L'Express lors de son passage à Paris en juillet et que le magazine français publie dans sa dernière édition.
C'est le fédéralisme asymétrique - reconnu dans l'entente sur la santé de septembre 2004 et plus récemment, dans l'entente sur le rôle du Québec à l'UNESCO - qui confère à l'État québécois ce statut politique distinct, selon M. Charest. «Pour la première fois, le gouvernement fédéral reconnaît explicitement, dans une entente, la personnalité internationale du Québec, sa spécificité et son rôle particulier sur la scène mondiale. La même entente reprend le concept de fédéralisme asymétrique. C'est-à-dire un fédéralisme qui reconnaît les besoins spécifiques du Québec et permet au système fédéral d'être impliqué autrement dans sa relation avec lui. C'est accepter notre différence, la personnalité politique singulière du Québec, et confirmer que notre statut politique n'est pas le même que celui des autres provinces», a déclaré le premier ministre au journaliste de L'Express, Jean-Michel Demetz.
Jean Charest a dû toutefois expliquer pourquoi le premier ministre Stephen Harper refusait toujours de reconnaître que le Québec forme une nation. «Bien sûr que le Québec est une nation», a répliqué M. Charest. Cette citation fut d'ailleurs reprise à la une du magazine. Le premier ministre est remonté à John A. MacDonald, «qui affirmait que le Canada n'aurait jamais été créé comme pays n'eût été la reconnaissance du Québec comme nation dans l'Acte constitutionnel de 1867».
Quant à M. Harper, libre à lui de l'exprimer d'une autre manière, a fait valoir M. Charest. «Peu importe le vocable utilisé. On arrive, d'une façon ou d'une autre, à une même conclusion, celle que nous sommes une nation», estime-t-il.
Formant un peuple et une nation, les Québécois sont canadiens comme les Français sont européens. «Il n'y a aucun doute que nous formons un peuple et une nation. Et je n'y vois aucune contradiction avec le fait que nous, Québécois, soyons aussi canadiens, comme les Français sont français, mais aussi européens».
« Aussi agressifs que les souverainistes »
Sur la question de l'identité québécoise, il existe un consensus entre souverainistes et fédéralistes québécois, croit M. Charest. «Sur la défense de notre identité, nous, fédéralistes, sommes aussi agressifs que les souverainistes peuvent l'être», a-t-il dit.
À cet égard, le Québec vit sur la scène internationale «une période d'affirmation très forte», a soutenu M. Charest. «Sur le plan international, nous ne sommes pas subalternes à l'État fédéral. Nous menons nos affaires sans inhibition et nous ne voyons pas beaucoup de limites à nos actions.»
«Le gouvernement canadien ne peut pas parler pour le Québec dans les domaines de compétence de celui-ci, qu'il s'agisse de la santé, de l'éducation, de la culture, de la langue. Nous nous complétons l'un l'autre», a-t-il affirmé.
La politique internationale du Québec pourrait être celle du gouvernement canadien, a reconnu M. Charest. «Nous l'avons précédé et nous lui avons donné matière à inspiration», a-t-il ajouté, en faisant référence à la convention sur la diversité culturelle de l'UNESCO.
Par ailleurs, Jean Charest a évoqué devant le journaliste français de possibles modifications à la Constitution canadienne, ce qu'il répugne à faire quand il est au pays. Il a abordé la question de la réforme du Sénat. «Il y a chez nous, en ce moment, une réflexion sur l'avenir du Sénat canadien, et je trouve très intéressant à cet égard le système allemand, le rôle du ministre-président et celui du Bundersrat [une des deux chambres législatives de l'Allemagne fédérale, qui représente les États fédérés]. Un autre exemple nous intéresse, la Belgique: sans doute, sur le plan international, la fédération la plus avancée dans la reconnaissance de l'autonomie des États fédérés», a signalé M. Charest. «Nous n'allons pas jusqu'à réclamer un modèle confédéral», a toutefois ajouté le premier ministre.


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