Willkommen in Deutschland, Herr Charest!

Charest en Europe

Le premier ministre du Québec, Jean Charest, est en visite officielle en Allemagne, à Munich, à Berlin et à Dresde, dernières étapes d'un périple de 13 jours en Europe. C'est sa seconde visite en Allemagne depuis qu'il est chef du gouvernement. Bien entendu, il ne suscite pas la même fascination que la Coupe du monde, mais ceux et celles en Allemagne qui aiment le Québec -- et il y en a beaucoup -- savent estimer ce geste qu'aucun de ses prédécesseurs n'a voulu faire avant lui.

Les «québécistes» allemands se souviennent encore de la gaffe du gouvernement Bouchard, lequel, en 1996, avait fait fermer la délégation générale du Québec en Allemagne, ouverte en 1971. Quelle idée de fermer une délégation générale dans un pays de plus de 82 millions d'habitants, partenaire privilégié de la France, au coeur du continent et à cheval sur la vieille et la nouvelle Europe, un pays comptant depuis de nombreuses années parmi les grands partenaires économiques et, last but not least, culturels du Québec ! D'ailleurs, en 2005, l'Allemagne était le deuxième partenaire commercial du Québec dans les pays de l'Union européenne, derrière la Grande-Bretagne et devant la France !
[Mon article de protestation dans Le Devoir du 3 mai 1996, déclarant l'Allemagne orpheline du Québec->1218], se terminait sur une proposition : ouvrir au moins un petit bureau à Munich, profitant de la bonne volonté du gouvernement de la Bavière, partenaire interrégional du Québec. Ainsi en fut-il. Que de beaux progrès ont été accomplis depuis, non seulement sur les plans économique et culturel, mais surtout dans la perception québécoise de l'Allemagne ! Le petit bureau du Québec à Munich, représentant la «Belle Province» en Allemagne, en Autriche et en Suisse, muta en solide «force d'action rapide». De plus, il sut prolonger son action dans la nouvelle capitale berlinoise, sous forme d'une «antenne culturelle».
Et cette petite antenne, dont l'activité souriante enchanta même l'ambassade du Canada, devint une des grandes curiosités de Berlin : placée dans un immeuble juste à côté de la porte de Brandebourg, elle a su faire flotter le fleurdelisé à une hauteur dépassant visiblement le drapeau tricolore, ce symbole hautement national, de l'ambassade de France, son voisin. Toutes les foules de la Coupe du monde sur la «Fanmeile», l'avenue des fans devant la porte de Brandebourg, ont dû les avoir en pleine figure, les belles couleurs du Québec. Un petit brin de folie n'a jamais fait de tort à la realpolitik !

À la suite de ces nouveautés, le ministère des que «l'Allemagne représente l'une des cibles prioritaires du gouvernement du Québec, non seulement parce que nous entretenons d'excellentes relations politiques, économiques et culturelles avec un de ses länder, la Bavière, mais également parce que ce pays constitue l'une des grandes puissances politiques et économiques aux plans européen et mondial, avec lequel nous aspirons à approfondir notre relation bilatérale».
Il en résulta une décision qui fut la revanche ultime sur la gaffe de 1996 et un sublime geste préparatoire à la visite de M. Charest : la restitution à la représentation du Québec en Allemagne de son statut de délégation générale ! Nous autres, Allemands, sommes très reconnaissants de nous retrouver -- en ce qui concerne notre placement dans le palmarès international -- enfin au même niveau que le Mexique. Un brin de realpolitik n'a jamais fait de tort...
Le premier ministre du Québec clôturera sa visite en Allemagne les 17 et 18 juillet à Dresde, capitale de l'État libre de Saxe, où il assistera à la signature d'une lettre d'intention entre la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) et le Festival international du court métrage de Dresde, qui est le mieux doté en Europe (www.filmfest-dresden.de). Certes, la ville de Dresde n'est pas Berlin. Certes, les amis du Québec à Dresde ne sauront pas faire flotter le fleurdelisé sur le monument-symbole de Dresde, la «Frauenkirche». Mais les couleurs du Québec s'afficheront au moins sur la faculté de lettres de l'Université de Dresde, où le Centre Québex-Saxe (CIFRAQS) a su former depuis sa fondation en 1994 des centaines de jeunes «québécistes» allemands. Ils ne sèment pas dans le vent, mais ils diffusent leur savoir sur le Québec dans nombre d'institutions, allant des écoles aux maisons de presse, des chambres de commerce aux bureaux parlementaires. Les «québécistes» de Dresde, qui ont -- à l'occasion de la visite de M. Charest -- monté une exposition sur le Québec sur le campus universitaire, s'adressent à tous les Québécois : «Willkommen in Dresden», bienvenue à Dresde.
Ingo Kolboom
_ C.Q., ancien président de l'Association internationale des études québécoises (1999-2004), est titulaire de la chaire «France et monde francophone» et directeur-fondateur du CIFRAQS (www.frankophonie.de) à l'Université de Dresde.


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