Le Québec et la réforme du Sénat

Chronique de Bernard Desgagné

Les libéraux de Stéphane Dion et certains chroniqueurs fédéralistes au Québec reprochent à Stephen Harper de vouloir procéder à une réforme du Sénat à la pièce, par voie législative, plutôt qu'à une vraie réforme complète, par une modification constitutionnelle. Mais, pour le Québec, la vraie question en ce qui concerne le Sénat n'est pas celle de la méthode employée pour le réformer.
M. Harper dit lui-même qu'il a l'intention un jour ou l'autre de procéder à une modification constitutionnelle. C'est écrit noir sur blanc au 4e paragraphe du préambule du projet de loi C-43 présenté aux Communes le 13 décembre 2006. Si le gouvernement conservateur évite pour l'instant le terrain constitutionnel, c'est qu'il n'a pas les moyens de s'y aventurer alors qu'il est minoritaire et que le Sénat est sous emprise libérale.
La vraie question est celle du nombre de sièges au Sénat. Comme l'a souligné récemment Stéphane Dion, la Colombie-Britannique et l'Alberta sont largement sous-représentées au Sénat. La Colombie-Britannique, par exemple, a six sénateurs pour un peu plus de 4 millions d'habitants, tandis que le Québec a droit à 24 sénateurs pour 7,4 millions d'habitants. Dans un pays qui se veut démocratique, pareille sous-représentation est inacceptable.
En somme, il est nécessaire d'augmenter le nombre de sièges des provinces qui ont connu, depuis leur entrée dans la fédération, une croissance démographique beaucoup plus considérable que le reste du pays. C'est ce que Stéphane Dion propose à raison. Or, le corolaire de cette proposition est l'affaiblissement du pouvoir politique du Québec. Doit-on s'en offusquer? Pas si on croit à la démocratie.
Je crois profondément à la démocratie, comme Stéphane Dion. Toutefois, nous divergeons sur un point majeur: Stéphane Dion est un fédéraliste pur et dur, qui éprouve un attachement irrationnel pour le Canada, tandis que je suis un indépendantiste rationnel, convaincu que l'épanouissement du Québec passe par sa souveraineté. Stéphane Dion est prêt à accepter l'affaiblissement inexorable du Québec dans la fédération, car il la considère comme une fin en soi. À l'inverse, je crois que les structures politiques et les États doivent s'adapter aux réalités humaines.
N'en déplaise à Stéphane Dion, la seule conclusion logique que le Québec peut tirer de la nécessité de réformer le Sénat est que, s'il ne veut pas être minorisé toujours davantage au Canada, comme il l'a été considérablement depuis 1867, et s'il ne veut pas demander, avec le couteau sur la gorge du Canada anglais, des privilèges indus et antidémocratiques qui ne feront que braquer le reste de la fédération contre lui, il doit devenir un État indépendant.
En toute logique et en toute objectivité, ce serait à la fois dans l'intérêt du Québec et dans l'intérêt du reste du Canada que le Québec soit un pays souverain. La sous-représentation de l'Ouest au Sénat, que l'on doit corriger, en est une autre bonne illustration.
Bernard Desgagné

Gatineau, Québec


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