Les épouvantails de Proulx et Cholette

Chronique de Bernard Desgagné


En tant que fonctionnaire fédéral, je suis déçu de la réaction des députés Marcel Proulx et Roch Cholette aux propos de Bernard Landry rapportés dans Le Droit le 20 novembre. Je comprends que messieurs Proulx et Cholette éprouvent un attachement irrationnel pour la fédération canadienne. L'amour est une affaire de cœur, et non de raison. Néanmoins, je ne crois pas qu'il soit dans l'intérêt des fonctionnaires, ni dans celui de l'Outaouais en général, de reprendre les campagnes de peur de 1980 et de 1995.

Il ne fait pas de doute que, pour fournir tous les services nécessaires dans un Québec souverain, l'État aura besoin des fonctionnaires fédéraux québécois. Il lui faudra par exemple des postiers, des douaniers, des agents d'immigration, du personnel dans les aéroports, et ainsi de suite. Pas question de les laisser les fonctionnaires fédéraux québécois sur la touche. Messieurs Proulx et Cholette semblent être d'accord avec moi sur ce point puisque la frayeur qu'ils s'emploient à répandre concerne essentiellement de prétendus déménagements.

Messieurs Proulx et Cholette affirment qu'après l'indépendance du Québec, l'État québécois regrouperait la totalité de ses fonctionnaires dans sa capitale. À part eux, Dieu seul sait pourquoi l'État québécois voudrait déménager inutilement des milliers de fonctionnaires pour les loger dans de nouveaux locaux construits à grands frais, à Québec ou à Montréal, alors que bon nombre de ces fonctionnaires pourraient facilement travailler dans les immeubles de l'Outaouais légués à l'État québécois par l'État fédéral lors du partage équitable de l'actif et du passif entre les deux pays.

L'État québécois est déjà passablement décentralisé à l'heure actuelle. Bon nombre de bureaux se trouvent à Montréal et dans les régions, même si Québec est la capitale. Il en va de même pour l'État canadien, qui a beaucoup de fonctionnaires hors de la RCN. En fait, il y a 26 000 fonctionnaires fédéraux à Montréal, soit un peu plus qu'à Gatineau. Il y en a aussi 12 000 à Québec. Seulement 31 % des emplois fédéraux au Canada sont dans la RCN.

La décentralisation de la fonction publique est d'autant plus envisageable que l'on dispose de moyens modernes de communication. Elle est même souhaitable pour mieux servir les citoyens et aussi pour répartir sur le territoire les retombées économiques des dépenses de l'État.

Après l'indépendance du Québec, il y aurait trois différences principales pour les fonctionnaires fédéraux québécois de l'Outaouais : 1) ils travailleraient au Québec au lieu de traverser en Ontario matin et soir, comme c'est le cas pour bon nombre d'entre eux; 2) ils travailleraient en français, au lieu de devoir parler anglais chaque fois qu'un unilingue anglophone se pointe dans le décor; 3) ils pourraient aspirer à une carrière normale au lieu d'être cantonnés dans des emplois de deuxième ordre.

Messieurs Proulx et Cholette agitent des épouvantails. N'auraient-ils pas une meilleure contribution à faire dans le débat sur l'avenir du Québec?
Bernard Desgagné

Gatineau



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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    25 novembre 2006

    À l'aube du prochain référendum, l'État Québécois devrait acheminer un contrat d'emploi en bonne et due forme à chaque fonctionnaire fédéral résidant au Québec.
    ... Ainsi s'envoleraient les épouvantails !