Le Québec et la reconnaissance

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La médiocrité comme horizon politique

Pour pouvoir honorer une personnalité marquante, une société doit admettre que le dépassement de soi, le talent, le désir de consacrer sa vie à une cause et le culte du travail sont des valeurs importantes.


Pour rendre hommage à un citoyen méritant, il faut écarter la partisanerie, l’idéologie, les préjugés et pouvoir évaluer l’ensemble de l’œuvre. Car c’est évident, personne n’est parfait. Autrement dit, aucun être humain digne de ce nom n’est sans faille. La recherche de pureté n’est qu’une manière de refuser que des personnes puissent être méritantes. Honorer un citoyen n’a rien à voir avec le processus de canonisation au Vatican.


Au Québec, il existe de façon sourde une envie qui nous pourrit la vie. Ce complexe se vérifie dans tous les secteurs d’activité. Il pourrait se résumer par « Pourquoi lui, pourquoi pas moi ? » Ou alors, « Si c’est lui, ce ne sera pas moi ». Et on choisit par le nivellement.


Excuses


L’Université Laval vient d’humilier Brian Mulroney en refusant qu’un centre de recherches en droit international et transnational porte son nom. L’Université Laval par la voix de sa rectrice Sophie D’Amours s’est excusée hier. « Nos excuses à monsieur Mulroney, ses proches et toute personne qui auraient pu percevoir que l’Université Laval ne souhaitait pas honorer les accomplissements politiques et historiques de ce dernier. »


Or c’est exactement ce qui s’est passé. Les excuses sont une manière de contrer les critiques suscitées.


Élargissons cette réflexion. Dans les dernières décennies, nos politiciens sont devenus moins respectés que les Hells Angels. Or contrairement aux cris de la vindicte populaire, ils ne sont en général ni des « pourris », des « corrompus », ou des « chiens sales ». Et certains politiciens méritent et commandent notre respect et éventuellement les honneurs qu’on pourrait leur accorder.


Quelques-uns, plus rarement, ont une réputation internationale. Le président Mitterrand, que je rencontrais grâce à des amis communs, m’a fait un éloge éloquent de Brian Mulroney dont il admirait grandement le talent pour convaincre les chefs d’État à appuyer leurs causes communes. Il admirait aussi sa simplicité et son authenticité, deux qualités ne s’appliquant guère à cet intellectuel énigmatique et distant.


Mesquinerie


C’est cet homme à qui l’Université Laval vient de faire subir cette épreuve. Ce sont des Québécois qui l’ont jugé moralement, politiquement et personnellement indigne d’être choisi par eux. Eux, qui incarnent la mesquinerie, la jalousie, la prétention intellectuelle et la mauvaise foi des militants de l’ombre.


Une société qui refuse de reconnaître les meilleurs de ses citoyens souffre d’un sérieux complexe d’infériorité. C’est une société qui a perdu sa capacité d’admiration, un des sentiments les plus nobles qui soient. C’est une société qui ne rêve plus, qui se projette dans rien d’autre que les événements anecdotiques, une société nombriliste, atomisée.


Comment vivre sans reconnaissance, sans récompense, des gestes qui confirment que nous croyons aux modèles, qu’il existe des personnes exceptionnelles qui accomplissent de grandes choses ? Ce sont des gens inspirants. Que ferions-nous si nous n’étions entourés que d’esprits chagrins, découragés, incapables de nous amener à nous dépasser ?