Le constat de Normand Mousseau, ancien coprésident de la Commission sur les enjeux énergétiques, est sans appel : le Québec n’atteindra pas ses cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre parce que le gouvernement navigue à l’aveugle et dépense de précieux fonds publics dans des mesures coûteuses et inefficaces.
Certes, le Québec s’est donné des objectifs « ambitieux » en matière de lutte contre les changements climatiques. La province espère réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 20 % d’ici 2020, par rapport à 1990. Et pour 2030, on ne vise rien de moins qu’une réduction de 37,5 % des émissions.
Le problème, c’est que rien ne nous permet de croire qu’il sera possible de relever ce défi « considérable », écrit M. Mousseau dans son nouveau livre, intitulé Gagner la guerre du climat : 12 mythes à déboulonner. « Aussi incroyable que ce soit, le gouvernement propose une transformation radicale de notre société sans offrir de scénario ou de piste pour appuyer cette proposition, la chiffrer et suggérer, au minimum, un semblant de voie pour l’atteindre », souligne ainsi le spécialiste des questions énergétiques.
Normand Mousseau, qui a longuement analysé la situation du Québec dans le cadre de la commission qu’il a coprésidée en 2013 et 2014, estime que ces nombreuses lacunes découlent de la « pauvreté organisationnelle » du gouvernement. Ce dernier, souligne-t-il en entrevue au Devoir, « est incapable d’évaluer la faisabilité de son plan d’action et de déterminer les chemins les plus prometteurs pour atteindre ses objectifs de réduction des émissions de GES tout en assurant le développement économique et social de la province, dans un contexte mondial de transformation énergétique ».
Résultat : le gouvernement Couillard avance « à l’aveuglette » en misant sur des mesures coûteuses et inefficaces. Selon M. Mousseau, il existe de nombreux exemples d’investissements « insensés » réalisés à partir du Fonds vert, qui finance le Plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques.
Il cite en exemple l’aide financière de 3,2 millions accordée en novembre pour l’achat de deux grues électriques au Port de Montréal. « On parle de coûts très élevés, de l’ordre de 1000 $ la tonne de CO2 évitée, pour des grues qui sont fabriquées à l’extérieur du Québec, déplore Normand Mousseau. C’est plusieurs fois le prix sur le marché du carbone. Pourtant, il existe d’autres endroits au Québec où les coûts des réductions seraient beaucoup plus faibles, et où on pourrait s’assurer de retombées économiques. »
Le mirage électrique
Le gouvernement fait également preuve d’incohérence en matière de transports, plaide M. Mousseau dans l’ouvrage publié ce mardi. « On vise l’électrification des transports, tout en finançant la construction d’autoroutes sans voie réservée pour les autobus et en coupant dans le transport interrégional. »
Quant à l’objectif de 100 000 voitures électriques sur les routes du Québec d’ici 2020, son effet sera « nul » en matière de réduction des émissions de GES. En fait, selon les calculs de l’auteur, ces véhicules représenteraient à peine 2 % de tout le parc automobile, ce qui signifierait une baisse des émissions globales de la province de 0,1 %. Qui plus est, le Québec est toujours très loin du compte, puisqu’un peu plus de 12 000 véhicules électriques roulent actuellement sur nos routes.
Dans un contexte de fonds publics limités, M. Mousseau se questionne donc sur la pertinence de subventionner l’achat de véhicules électriques. Puisque ces voitures sont fabriquées à l’extérieur du Québec, il estime que la subvention à l’achat revient à expédier des fonds hors des frontières de la province.
« Finalement, poursuit Normand Mousseau, le gouvernement nous donne l’impression d’agir alors qu’il fait du surplace. Comme nous sommes convaincus que le passage à la voiture électrique réglera la question des émissions de gaz à effet de serre, nous accordons beaucoup moins d’attention à l’échec et au gaspillage de fonds qui accompagnent l’action sur le climat depuis une dizaine d’années. »
Échec coûteux
Par ailleurs, s’il soutient l’idée d’imposer un prix sur le carbone, il juge que le gouvernement a manqué à ses devoirs en omettant de bien expliquer ce que signifie la participation au marché du carbone. Qui plus est, le Québec accuse présentement un important retard en matière de réduction de GES, avec l’atteinte d’à peine plus de la moitié de la cible de 2020. Dans ce contexte « le seul espoir pour respecter l’objectif d’une réduction de 20 % en 2020 est d’acheter des droits d’émissions à la Californie, ce qui revient à envoyer notre argent en Californie pour subventionner la modernisation de l’économie californienne ».
Le gouvernement Couillard a bien mis en place l’organisme Transition énergétique Québec, en 2016, mais M. Mousseau prévoit déjà un échec. Dirigée par le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, elle « n’aura aucun pouvoir réel sur les transports, l’aménagement du territoire, les municipalités, la construction et l’agriculture, secteurs névralgiques en matière de GES ».
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