Le projet de CHUM est-il dans l'impasse? Pas du tout.

Par Claude C. Roy et Michel Bergeron

CHUM

jeudi 6 janvier 2005
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Libre opinion: C'est non pour une deuxième fois à la proposition de construire le CHUM près de la même voie ferrée. Sans surprise, la nouvelle commission Johnson-Villeneuve a rappelé que cela vaut pour la cour de triage d'Outremont comme pour le CHUM-Rosemont.
Autre raison majeure : les coûts exorbitants du projet du recteur Lacroix, coûts qui ne cessent de grimper et seraient de 1,774 milliard selon le «Rapport de synthèse concernant les études complémentaires» préparé par le Comité de planification du CHUM 2010. À cette somme s'ajouteront l'achat de la cour de triage (25 millions de dollars), la décontamination du terrain, les expropriations et les dépenses d'infrastructure de la Ville de Montréal.
Nous ne doutons pas que le projet de la cour de triage d'Outremont, vu sous l'angle de l'expansion de l'Université de Montréal, soit fort intéressant. La grave erreur, c'est de vouloir bâtir le CHUM en un lieu qui risque de mettre en danger la vie des 700 patients hospitalisés. L'erreur, c'est aussi de prendre le risque d'exposer des équipements sophistiqués et coûteux à une catastrophe dont aucun ingénieur ne peut garantir qu'elle n'aura pas lieu.
Coûts omis
La bataille des chiffres entre les protagonistes du CHUM-Outremont et du CHUM-Saint-Luc a été salutaire car elle a permis de révéler des coûts omis ou cachés par l'une et l'autre partie. En effet, les coûts du CHUM-Saint-Luc continuent aussi de grimper : ils seraient de 1,578 milliards et davantage car on a escamoté les coûts de transition qui, en l'an 2000, avaient été évalués à 150 millions de dollars par la Corporation d'hébergement du Québec et le groupe Daniel Arbour et associés. Ainsi le coût du CHUM-Saint-Luc serait plutôt de 1,728 milliard. Pour fins de comparaison, on a inclus dans les deux cas le coût du déménagement des facultés de médecine et des sciences de la santé du campus.
En somme, aucun des deux sites qu'avait à étudier la commission Johnson-Villeneuve n'est conforme au premier critère majeur défini par le gouvernement Charest, soit ne pas dépasser la limite de la subvention du ministère de la Santé et des Services sociaux fixée à 800 millions de dollars, tout dépassement devant être couvert par une collecte de fonds privés qu'on estimait à 200 millions pour chacun des deux sites à l'étude. Pour le moment on joue au Monopoly, car il faudra trouver un petit milliard de dollars !
Étant donné que la faculté de médecine a catégoriquement refusé le choix du CHUM-Saint-Luc, est-on dans l'impasse ? Pas du tout. On a avancé. Les faits et les chiffres sont clairs. Maintenant, on sait que les deux seuls projets étudiés pour le CHUM coûteront près de deux milliards de dollars. Voilà qui est même très clair. Il faut bien comprendre que le coût de construction de l'hôpital lui-même reste à peu près le même, quel que soit le site choisi. Les coûts de dépassement sont causés par les frais d'expropriation et de préparation du terrain. En conclusion, il faut étudier un autre lieu d'implantation.
Demeure cependant la volonté du gouvernement de donner à la population francophone du grand Montréal un grand centre hospitalier universitaire. Immuables aussi les principes qui sont à la base de l'établissement d'un tel centre, soit la qualité des soins aux patients et les impératifs de l'enseignement et de la recherche. [...]
Il n'y a donc pas que les coûts. La pertinence de la juxtaposition au CHUM des pavillons universitaires des sciences de la santé est discutable car, paradoxalement, ce projet va à contre-courant de la révolution actuelle en médecine, même si c'est cette dimension qui a séduit d'emblée plusieurs universitaires et hommes d'affaires soucieux du bien public. Il n'y a qu'à visiter, à Montréal même, les départements de physiologie, de biochimie, d'immuno- microbiologie et les centres de recherche pour constater les résultats du mariage de plus en plus fécond de la médecine avec les sciences non biologiques telles que la chimie, la physique, les mathématiques, etc. [...]
Existe-t-il un terrain, relativement près du campus universitaire, qui puisse recevoir un hôpital de 700 lits et le Plan fonctionnel et technique du premier projet Rosemont-Saint-Denis accepté en 2000 par les médecins, les chercheurs et les membres du conseil d'administration du CHUM et de l'université ? Un lieu qui ne nécessite pas d'expropriations coûteuses ni de décontamination ? Un lieu qui soit relativement près du campus de l'Université de Montréal ? Un lieu qui soit au coeur d'un réseau de transport public ou routier déjà en place ?
Ce lieu miracle existe au centre-ville. C'est le site de l'Hôtel-Dieu de Montréal avec son très vaste terrain de stationnement, auquel s'ajouteraient le couvent des religieuses Hospitalières, leur précieux jardin, et aussi un espace contigu libéré par l'aménagement de l'échangeur des Pins. Ainsi le site de l'Hôtel-Dieu de Montréal aura quatre fois la superficie de celui de l'hôpital Saint-Luc; il aura la même dimension que le site Rosemont-Saint-Denis.
Surtout, ce site ne nécessite ni expropriations coûteuses et injustifiées, ni décontamination des sols, une économie de 200 ou 300 millions de dollars par rapport aux deux autres projets.
Salles rénovées
De plus, l'Hôtel-Dieu offre en prime des salles d'urgence rénovées en 2003, de solides édifices, dont deux de construction récente pouvant loger d'autres services, y compris l'administration du CHUM qui y est déjà -- une autre économie de coûts -- ainsi que les chercheurs en santé publique, voire une partie des fonctionnaires de la Régie régionale.
En outre, l'Hôtel-Dieu permet de réaliser un souhait du ministre de la Santé, le Dr Philippe Couillard, soit la complémentarité avec les chercheurs et les cliniciens du campus de McGill. Or sa faculté de médecine, son institut neurologique, ses nouveaux pavillons du génome, de la cancérologie ne déménageront pas à la cour Glen. Ils se situent tous à un jet de pierre de l'Hôtel-Dieu.
Le ministre Couillard est pressé, les médecins de l'Université de Montréal et ceux de McGill le sont aussi. Soit. Seul le site de l'Hôtel-Dieu permet de commencer les travaux immédiatement. Ce sera le CHUM 2008.
Les contribuables se réjouiront qu'on économise des centaines de millions de dollars. Les patients seront satisfaits de recevoir les meilleurs soins dans le merveilleux environnement qu'offrent le mont Royal et le jardin des religieuses. Le ministre aura plus d'argent à consacrer à la santé et moins au béton. Et les dons venant du secteur privé pourront servir à l'équipement médical... comme cela se fait déjà.
Doit-on attendre que l'université McGill suive l'exemple de l'université Concordia, qui a acquis le couvent patrimonial des soeurs Grises sur le boulevard René-Lévesque et offre d'acheter l'Hôtel-Dieu, pour que les autorités de l'Université de Montréal et les membres de son conseil d'administration dessillent leurs yeux ?
Michel Bergeron, Professeur titulaire de physiologie
_ Claude C. Roy, Professeur émérite de pédiatrie.
_ L'un et l'autre ont été directeurs de département et de recherche à l'Université de Montréal.


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