Pour le CHUM, la préparation du terrain (démolition de bâtiments, par exemple) pour entamer les travaux doit être terminée au cours des premières semaines d'avril.
_ Photo : Jacques Nadeau - Le Devoir
Kathleen Lévesque - Le projet du Centre hospitalier de l'Université de Montréal échappe au savoir-faire québécois. À moins d'un revirement de dernière heure, le futur CHUM sera conçu, construit et entretenu pendant les trente prochaines années par un consortium d'entreprises dont les intérêts financiers sont hors frontières.
Comme le révélait hier Le Devoir, la disqualification d'un des deux consortiums en lice laisse le champ libre à son concurrent puisque le gouvernement estime que le processus concurrentiel a été respecté et que l'analyse se terminera d'ici la fin du printemps. Le consortium qui se dirige vers une victoire par défaut ne compte aucune entreprise québécoise comme le démontre le détail de la composition de CHUM Collectif fourni par Infrastructure Québec.
Ce consortium regroupe les firmes Dalkia (France), Obrascon Huarte Lain (OHL, Espagne), Innisfree (Grande-Bretagne), Cannon Design (USA), Laine O'Rourke (Grande-Bretagne) et HH Angus and Associates (Colombie-Britannique). Depuis 2007, la composition de CHUM Collectif a fluctué. Ainsi, à l'origine, il comptait la québécoise AXOR qui s'est retirée depuis.
Le 31 janvier dernier, les deux concurrents qui étaient dans les rangs ont déposé leur proposition financière respective. Ils devaient respecter le plafond budgétaire négocié avec le gouvernement au cours des derniers mois s'établissant à 2,089 milliards; cela représente une augmentation de plus de 700 millions de l'enveloppe depuis la relance du projet sous le gouvernement libéral, en mars 2005.
Or, comme l'a appris Le Devoir, Accès Santé CHUM a présenté une soumission dépassant la limite annoncée par la présidente du Conseil du trésor, Michelle Courchesne, juste avant Noël. Le consortium a été disqualifié sur-le-champ. Les rares fonctionnaires et élus au courant de la situation ont été invités à taire l'information. Officiellement, l'analyse des dossiers se poursuit.
Accès Santé CHUM est formé des firmes québécoises Pomerleau, Verreault (filiale de Dessau), Groupe Lemay, Jodoin Lamarre Pratte et associés, en consortium avec les entreprises Fiera-Axium Infrastructure, HSBC Specialist Fund Management, Acciona Infrastructures Canada et Acciona S.A.
Personne au gouvernement n'a voulu faire de commentaire hier dans ce dossier devenu une véritable saga.
Le projet doit être réalisé en partenariat public-privé (PPP). La formule, fort critiquée, a quelque peu évolué au cours des dernières années, à la faveur notamment de la turbulence enregistrée sur les marchés financiers mondiaux. Du coup, il n'est plus question d'un transfert de risque, mais plutôt du partage de risque. Cela signifie que le gouvernement assumera 45 % de la facture de conception et de construction.
Mais la situation présente, où un seul consortium peut empocher le lucratif contrat sans que la concurrence joue dans l'évaluation des soumissions, un consortium où pas une seule entreprise québécoise n'est impliquée, semble contrevenir aux critères mis de l'avant par le gouvernement libéral pour se lancer dans l'aventure des PPP. L'ancienne ministre Monique Jérôme-Forget qui a fait l'éloge des PPP sur toutes les tribunes, vantant l'efficacité du secteur privé à faire ce que l'État s'est montré incapable de faire depuis 40 ans, soit entretenir adéquatement son patrimoine immobilier, appuyait aussi beaucoup sur les objectifs de ce mode de réalisation.
D'abord, elle assurait que les PPP allaient permettre des économies importantes générées par une concurrence féroce. Dans le dossier du Centre de recherche du CHUM, le consortium gagnant a fini la course tout seul, l'adversaire s'étant désisté. Pour le CHUM, tout le monde a fait ses devoirs et les a remis à temps, mais Accès Santé CHUM n'a pas respecté le budget. En coulisse, d'aucuns disaient hier qu'ils s'étaient peut-être montrés plus réalistes que CHUM Collectif et que des surprises étaient à venir de ce côté.
Mme Jérôme-Forget assurait, par ailleurs, qu'un des objectifs avoués de se lancer dans les PPP, était de développer une expertise québécoise grâce aux alliances faites avec des firmes étrangères rompues à ce mode de réalisation. Ces nouvelles compétences devaient se développer à la manière des grands chantiers hydroélectriques qui ont stimulé la création et le développement de firmes d'ingénierie.
Le Dr Alain Vadeboncoeur, de Médecins québécois pour le régime public, a fortement critiqué hier le choix des PPP dans un contexte de concurrence vraisemblablement affaiblie. «Un consortium l'emportant par défaut, nous aurons donc un CHUM par défaut», a-t-il soutenu, estimant que les PPP risquent de coûter plus cher au final et surtout de miner «pour longtemps notre expertise remarquable dans la réalisation de grands projets hospitaliers». «C'est ce qu'on appelle une vision de grand bâtisseur», a ajouté le Dr Vadeboncoeur.
Du côté du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), le contrat a été accordé, l'été dernier, à un consortium auquel participe la firme québécoise SNC-Lavalin. Le chantier a démarré depuis.
Pour le CHUM, la préparation du terrain (démolition de bâtiments, par exemple) pour entamer les travaux doit être terminée au cours des premières semaines d'avril.
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