Le piège djihadiste du gouvernement Trudeau

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Il est parti faire le djihad ? Qu'il se fasse juger par l'État syrien !


Le dossier explosif de l’éventuel rapatriement des djihadistes canadiens détenus en Syrie par la coalition arabo-kurde (FDS), alliée de l’Occident dans sa bataille contre l’État islamique, s’est invité avec fracas dans la pré-campagne électorale fédérale en plus de créer des frictions dans les relations diplomatiques entre le Canada et la Grande-Bretagne.


Le cadeau empoisonné a pour nom Jack Letts. C’est un jeune converti britanno-canadien de 24 ans, qui a quitté le domicile familial en Grande-Bretagne en 2014 pour rejoindre les rangs du groupe État Islamique en Syrie.



Arrêté au printemps 2017 par les milices kurdes, il est détenu depuis dans le nord de la Syrie comme plusieurs milliers d’autres Occidentaux, dont une trentaine de Canadiens et Canadiennes, hommes, femmes et jeunes enfants.


 

Cette saga, à priori banale, a pris une tournure doublement inusitée ces derniers jours lorsqu’un journal britannique, le Mail on Sunday, a révélé que Letts, surnommée Jihadi Jack par les médias locaux, était devenu de facto seulement Canadien après avoir été déchu de sa nationalité britannique par le gouvernement de Theresa May, juste avant la passation du pouvoir à Boris Johnson le 24 juillet dernier.


« C’est un problème canadien maintenant », ironisait une des sources diplomatiques citées par le journal, ajoutant que cette décision unilatérale avait « rendu fou » Ottawa.


« Les pays doivent travailler ensemble pour assurer leur sécurité mutuelle. Le Canada est déçu que le Royaume-Uni ait pris cette mesure unilatérale pour se décharger de ses responsabilités. » répliqua en termes diplomatiques le bureau du ministre de la sécurité publique Ralph Goodale.



Ironie de l’histoire, Jack Letts a été déchu de sa citoyenneté britannique en vertu d’une loi similaire à celle promulguée en 2015 par le gouvernement Harper (C24), et que le gouvernement Trudeau a aboli depuis.


Jack Letts n’était pourtant pas un cas inconnu à Ottawa. Au début de l’année 2018, il avait contacté les autorités consulaires canadiennes pour réclamer de l’aide et avait déjà signifié son désir de « mener une vie normale au Canada » d’où son père était originaire et où il avait effectué quelques séjours.


La patate chaude du gouvernement Trudeau


Pressé par les parents du jeune djihadiste de rapatrier leur fils, le gouvernement Trudeau s’est vite retrouvé acculé au pied du mur et la cible des conservateurs. Les échanges acerbes entre Andrew Scheer et Ralph Goodale sur Twitter sont révélateurs. « Je ne tenterai jamais de le rapatrier au Canada. Je ne comprends pas pourquoi Justin Trudeau a déployé tant d’efforts pour le rapatrier », écrit le chef conservateur.




« Vos allégations sont fausses, lui répond Ralph Goodale. Notre objectif est d’inculper et poursuivre les terroristes. […] Sous notre gouvernement, quatre personnes de retour au pays ont été inculpées, condamnées. Sous le gouvernement Harper, personne n’a été accusé, condamné. »




Le rapatriement des djihadistes canadiens n’est clairement pas qu’un enjeu de sécurité nationale. À court terme, il pourrait devenir un enjeu de campagne électorale dévastateur. Comme il est un enjeu de politique intérieure tabou dans la plupart des pays occidentaux où les opinions publiques s’opposent majoritairement à tout retour de djihadistes, parfois même des jeunes enfants.



Canadiens détenus en Syrie



  • 5 hommes

  • 10 femmes

  • 23 bébés et enfants


Source : décompte de FAVE (Family against violent extremism)



En France par exemple, le sujet provoque des vagues, le pays dénombrant près de 500 de ses ressortissants coincés dans les camps en Syrie. Un rapatriement de plus d’une centaine d’hommes, femmes et enfants envisagé l’hiver dernier, et préparé dans les moindres détails logistiques, a été brutalement annulé par le gouvernement. Seuls une douzaine de jeunes orphelins ont discrètement atterri sur une base militaire aérienne proche de Paris en juin dernier. Six jeunes orphelins nés de parents djihadistes belges ont aussi été récupérés par Bruxelles à la même époque. Plus récemment, ce sont quatre petits Allemands qui ont été remis à leur pays par les forces kurdes.


Les appels de la Haute-Commissaire des droits de l’Homme de l’ONU à ce que chaque pays récupère ses ressortissants, ceux des Kurdes de Syrie qui préviennent qu’ils ne pourront pas assumer éternellement ce fardeau, les récentes déclarations incendiaires du président Trump, qui menace de « relâcher » dans la nature les djihadistes européens, ou même encore les pressions insistantes du secrétaire d’État américain Mike Pompeo sur Ottawa, ne produisent aucun effet tangible.

 

« Aucune obligation légale »


Pour le moment, en public, le gouvernement Trudeau se montre inflexible. La ligne officielle demeure la même depuis des mois, y compris lorsque l’on évoque le cas de ces jeunes enfants détenus dans des conditions misérables : «  Il n’y a aucune obligation légale de faciliter leur retour. Nous n’exposerons pas nos agents consulaires à des risques excessifs dans cette partie dangereuse du monde ».


Le ministre de la Sécurité publique Ralph Goodale s’est montré plus cinglant et direct dans une entrevue au réseau CBC : Jack Letts, « comme d’autres avec lui, ont pris la décision réfléchie de quitter le confort de la démocratie canadien pour traverser la moitié de la planète afin de s’associer avec les terroristes les plus violents et malfaisants qu’on ait connus depuis des générations. Ils doivent assumer les conséquences de leurs actes ».


« Rapatrier Jack Letts et utiliser le renseignement obtenu par le groupe des 5 Eyes pour le poursuivre en justice est le meilleur moyen d’assurer la sécurité des Canadiens, réplique la Dr Alexandra Bain, directrice de l’organisme FAVE (Family against violent extremism) qui vient en aide à des familles confrontées au problème du djihadisme. Laisser les combattants étrangers du Canada dans l’environnement instable dans lequel ils se trouvent actuellement pourrait mener à un désastre plus tard. »



Je ne veux tout simplement pas croire que le gouvernement canadien jouerait cyniquement avec la vie d’orphelins et d’enfants.


Dr Alexandra Bain, directrice de FAVE (Family against violent extremism)


Pour Alexandra Bain, le gouvernement Trudeau est bien mal placé de critiquer la Grande-Bretagne qui s’est débarrassée du cas Letts. « En déchargeant nos responsabilités sur les autres (les Kurdes de Syrie), le Canada fait exactement la même chose… »


Pendant ce temps-là, les familles qui espèrent toujours que leurs enfants et petits enfants reposent un jour le pied en sol canadien, même pour y répondre de leurs actes devant la justice s’il y a lieu, observent avec dépit ces joutes politiques.


Alexandra Bain cite le cas déchirant d’Amira, jeune orpheline de 4 ans, qui a vu ses parents et ses trois frères et soeurs mourir sous ses yeux lors de la bataille de Baghouz au printemps dernier et qui se morfond seule dans le camp de Al-Hol au Nord-Est de la Syrie où les conditions de vie sont misérables.


« Je ne veux tout simplement pas croire que le gouvernement canadien jouerait cyniquement avec la vie d’orphelins et d’enfants très malades pour être réélu… », déplore la directrice de FAVE en entrevue à L’actualité.



Pays ayant rapatrié quelques ressortissants, essentiellement des enfants  (liste non exhaustive) :



  • Allemagne

  • Australie

  • Belgique

  • Etats-Unis

  • France

  • Kosovo

  • Norvège

  • Pays-Bas

  • Russie






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